Rappel : YDIT enchaîne plusieurs séquences publiques d’omission au « Musée du septennat », Château-Chinon, Nièvre. Avec un diverticule au musée municipal de Clamecy.
Une lectrice écrit : « Ainsi, la formation n’avait pas que des côtés ennuyeux », et un lecteur : « On vous reconnaît ! »…Aussi :
« Déjà tout ce temps, et encore tout ce Rien ? »

Voici donc la séquence 31.
Les trois précédentes donnent le début – évidemment, puisque celle-ci apporte The End.
Séquence Publique d’Oubli numéro 31
Thème du dîner (fortes nourritures terrestres) : Le Secrétaire-en-Premier se présenterait-il à la prochaine Présidence de France ?
Les rustres finauds de la Vieille Maison Sociale, cet été là, clôturaient le séminaire de formation par un dîner républicain. Que la presse locale (confinée en bout de table) amplifierait, et que recopierait la presse du Monde et de l’Humanité.
Ydit, invité genre tabouret, petit gentil, tandis qu’on prenait place, songeait à Irma, qui l’attendait sans doute pour une dernière séquence privée sans omissions.
Car, en effet, oui, après tout, stages et siestes,

Tout la rendait songeuse…Il y avait de quoi
hommes et futurs, parcours et silences tout la rendait songeuse, la suave Irma-la-délicate.
Il y avait de quoi.
Ydit dans le musée achève son récit : Séducteur, placide mais pétillant, rusé, amusé, Le Secrétaire champion du multicolore se lance, vers l’après-dessert, dans un très long récit de ses déambulations électorales dans le Morvan.
Lui debout, les autres assis à table, dans la meilleure tradition des Provinces, le Secrétaire évoque la terre, qui elle ne ment pas :
« C’était le plein hiver, neige et verglas, vrai climat de vraies terres de France. La voiture du Conseil Général était tombée en panne. Il faisait grand vent, reçu de face, on devait compter moins dix dans les cols. Impossible d’arrêter un voyageur, tous redoutaient nos verglas raides comme un marchandage de programme. Deux heures, peut-être davantage , nous avions glissé dans le glacial, et seul mon bon chauffeur comme guide.
Mes doigts sentaient venir les engelures et ma nuque la glaciation. Mes yeux pleuraient de froid, je sentais mon nez prêt de se détacher, les joues se fendillaient , voyez comment nos pays sont durs, hein, et l’on prétend que la vie politique est douillette. »
Silence.
Les mains pâles règnent sur le plan de table ébloui- gélé. (rares tintements de verres, les convives du coin en profitent pour finir le Saint-Pourçain, cracher dans son mouchoir). Un compagnon de route, silencieux, mimant une écoute radieuse, émiette son pain. Il pense qu’avoir fait tout cela dans sa vie, sauveur de déportés, ministre, réprimeur d’Algériens, sénateur, King des Oublis, député, encore ministre,tout ça, et même candidat pour la France, et finir dans une congère comme un crabe à marée basse? Cassé comme un stalactite mal sauvé du stalag? Les maires locaux boivent du petit lait et du bon rouge et se resservent du Salers. Toujours ça de pris, en plus c’est du bon. Le Salers.
Le Secrétaire-chef
poursuit le récit avec la même pugnacité que sa carrière :
« Nous apercevons enfin une ferme, des paysans nous reçoivent, nous assoient près du feu, vous connaissez leur goût de l’accueil, hein?…Ils offrent le couvert, et déjà m’appellent …« Monsieur le Président » (rires de tous sauf les maires du coin pour lesquels il l’est déjà, président, du conseil général).
Les convives apprécient. Quand même, quel humour, non?
LUI regarde chacun de la tablée : on devine que Le Secrétaire-Chef laisse savourer le symbole et l’oracle : épreuves, les parcours du froid et de l’oubli, près de la fin tant et tant de fois, et revenu des neiges …mais oui, présage, « Président » pour finir, vous allez voir !

Avec l’aimable autorisation de André MAYNET, et des remerciements
La France comme une jeune fille prête à tous les entrechats espère son dady jazzie.
Ydit dans le musée parle aux tableaux qui tous représentent Le Président imagé dans son pouvoir. Des lampions éteints circulent parfois dans la tête comme dans des salles sonores où nul esprit ne vient plus frapper ni marcher.
Depuis que cet homme-là n’est plus ici, les fauves ont leur museau de guimauve.
Ydit raconte : « Ce soir-là, encore, dans le dîner du village vacances, -qu’on trouverait désormais lui aussi désert comme une folie poussée à la raison,
– Ydit avait place tout au bout de la très longue table. Déjà, il observait ce geste familier de Le futur Le Président, rituel intime et public revu lors d’interviews à la télé : comme une manie, la main gauche s’attardait parfois au fond de sa poche. La face cachée de la poche du Président, c’est un authentique souci de mémorialiste. LUI, un homme si distancié, capable de tous les masques, on lui devinait comme une impulsion forte, pour un geste bref ; glisser la main dans la poche, y toucher un objet, puis repartir dans les réparties, rebondir dans les retournements : une patte de lapin en pure céramique de la Nièvre ? Une dent de lait secrète trouvée à la Mazarine?
Un cachet d’OubliEs pour épurer la mémoire un peu lourde de certains épisodes un peu glauques? Un poème de Du Bouchet ? Un caillou longtemps poli portant le mot sacré, la parole perdue enfin retrouvée ? »
Ydit poursuit son monologue, immobilisé dans le musée qu’immobilise l’absence de visiteur : du dernier bout de table où on lui avait trouvé un quart de place, il entendait mal. Il y avait eu des photos du dîner, elles ont été perdues.
Ydit : « Le Secrétaire-chef, on s’en doutait, n’en dirait pas davantage sur la candidature. Cela faisait bientôt plus d’une heure qu’il parlait. Lui encore debout, disert et drôle, pas fatigué, alerte comme un chasseur chez Maupassant, pieds sur les bûches. Les convives repus, n’osant bouger, sentant passer le Futur. Les maires du canton, invités comme des cousins de la République, arrondis comme des coussins d’Empire, avaient cessé d’écouter. Longue habitude de l’attente si le Monsieur parle. Les Maîtres locaux de la Vieille Maison Sociale tentaient une fois encore de déchiffrer l’augure, en éparpillant les miettes de tarte aux myrtilles, en dépiautant les mégots de Gitanes, en observant les restes figés dans l’assiette de Le Secrétaire-chef : malingres augures pour malingres devins.
On a les pythies qu’ on peut. Leur destin était si violemment lié au sien (assis à sa droite, d’ailleurs, un futur premier ministre qui ne le savait pas encore et n’osait en rêver ; en face une intelligente qui se croyait déjà ministre et ne serait jamais rien qu’elle-même : définitivement si peu de choses.)
Aux tables annexes, vers les fonds marins de la salle commune,…

Exposition BOCAJ, »Tout un monde », Espace Dominique Bagouet, juin-septembre 2016, MONTPELLIER
…les stagiaires ne ménageaient pas leur critique : c’était long et pas si bon. Elles avaient le tort de leur jeunesse : d’où qu’elle vienne, la parole de l’hauteur permet de passer le temps.
Il fallait un peu d’imagination pour savoir cette vérité : il y avait dans le verbe de cet homme-là une substance qu’on ne retrouverait plus.
Elles font des signes à Ydit, sans prendre garde à l’appareil photo…ouvert par erreur, photos gâchées.
Malgré tout, l’évocation de la soirée auprès du feu avec les ruraux du Morvan, méandres légers imités de Chardonne, moins guillerets que Dekobra, plus légers que Bove, on sentait que ça retenait de moins en moins l’assistance. Il y avait de l’évaporation dans la vigilance, de la passoire dans l’attention. Le Secrétaire avait alterné hauteur de vues ( « Ainsi en France… »)et familiarité du ton ( « Hein », clin d’oeil), un peu comme un grand’père revenu du front où il était infirmier. Il y avait dans l’action de cet homme-là ces profondeurs qu’on ne retrouverait plus. C’était un avaleur de temps, magistère de la nuance, lavis en beiges, scènes d’avenir en sépia de passé.
Ydit reprend : « Soudain, au milieu de l’ennui gagnant un peu, le rendez-vous d’adieu avec Irma s’était imposé dans la conscience brumeuse d’après paroles et vin claret. Elle avait attendu, comme suspendue, dans la chambre du séminaire,

comme dans la fin silencieuse d’une catacombe sans visiteur
si longtemps seule, tout l’interminable repas-discours, pour d’aimables adieux d‘amoureuse temporaire, plongée dans le flux incertain du rien à venir.
Le car partirait à l’aube, pour la gare, si bientôt. Irma oubliée, Irma effacée.
Elle avait fini par s’endormir dans le poids de la solitude, sans amertume ni regret. Elle était une belle personne,Irma. Ydit avoue qu’il avait, à la fin du dîner, gravi les premières marches du bâtiment où logeaient les stagiaires. La réveiller. Se parler l’un l’autre. Puis un sursaut tout de même, à l’instant de frapper : indignement trop tard. Même lointaines, les militants ont leurs limites. Il avait ensuite marché dans la nuit, seul. »
Dans le musée du silence, dans l’espace qu’on dirait construit pour l’apothéose des « OubliEs » tant les souvenirs errent comme des esprits de la forêt délaissés par des traverseurs de désert, tant la mémoire franchit des portes sur l’absence, maintenant Ydit se tait.
La lumière a changé, le musée va fermer.
Ydit ne dit plus mot. 
Il traverse les espaces en écoutant à l’intérieur de lui-même les vivats colorés que la foule adressait : « Tiens bon, Tonton ! »

A la sortie, derrière le musée, un attroupement, rapidement dissipé grâce aux forces locales de l’ordre républicain.
C’était une amicale d’anciens électeurs et nouveaux éleveurs du canton de Monsauche venus voir d’un peu plus près dans le blanc des yeux cet Ydit, ce type qu’on dit qu’y dit.
On ne se méfie jamais assez, surtout quand on défend la réputation de l’Histoire, de ces baladins sans foi et trop diseurs, car on ignore de quoi ils sont capables de se souvenir. On dirait pas.
Ydit est capable au moins- et c’est le pire- de se souvenir de cette pas si moindre lâcheté d’un aurevoir massacré, alors qu’Irma lentement trouvait le sommeil,
au revoir oublié
juste parce qu’on écoutait en tout bout de table le soliloque neigeux d’un baladin du langage qui -on s’en doutait, finirait tout de même dans pas si longtemps par être candidat.
Et pas qu’une fois.
Bien sûr, grignoter les tartes aux myrtilles d’une Histoire même pas sortie du four…
Mais, l’amie de peau et de sieste, négligée dans la nuit et son aube : tant de gestes et de mots qui n’ont pas engendré leur destin.
Tout ce rien contre tout ce bien.
Ydit n’en est pas fier.
Il y a de ces petits mais graves moments sales qui sans aucun doute valent
la peine d’un long « OUBLIeS »
Didier JOUAULT





mais personne, sauf à croire que l’estimable s’est déguisée en ce qui devient comme une vignette de copiste en tête de chapitre : la jeune fille à la fenêtre ?
« Ou un récit sans costume d ’époque ? »

Ydit raconte :
………….on ne finît pas tout à fait seul ses nuits. »
cantine du village vacances d’avant les terreurs actives du tout-veggy : poulet/frites : vinasse locale- on allait prendre
Dans l’errance facile que permet le silence de Le Président, Ydit change de salle comme de scène, comme de visage. C’est le coeur même des OUBLIeS.






de capitaines en mission africaine (et non pas l’inverse !). Ce sont des visiteuses solitaires mais lumineuses acceptant par ennui un brin d’écoute et une cueillette de mots. On trouve encore un gardien à peine alcoolique, malgré la solitude du gardien à l’heure du désert. Il est soudain réveillé par l’inquiétude d’un silence que rompt le pas perdu d’un marcheur insistant. Et il il accepte de faire les photos du passage entre deux songes d’une nuit d’été, comme s’il donnait un pourboire aux fantômes de l’Histoire. »
achève son placide mouvement d’accueil – telle une mariée soudain rhabillée par ses visiteurs même, et qui prend du champ : elle tend un bréviaire de visite pour le sanctuaire, (incomplet le chœur n’y est pas) puis regagne la fenêtre, et le regard en biais de l’oublieur qui n’oublie pas ses images pieuses. Elle ne pipe mot.
Au moins, sur ces landes, y – a -t – il la compensation de la plage aux mains de sable, des toros tournant à vide dans l’arène de pique, de baigneuses en short arrondies au gâteau basque.
comme un galiériste pastille de rouge le tableau déjà vendu, afin de le protéger d’importuns désirs.
(car l’état d’homme permet les deux) raconte :
Remarquez, on ne veut pas insister ? 

Pour dédoubler les « OubliEs ». Une de ces histoires pétillantes ou plates, mais un peu entre deux eaux. Donc, messieurs les Anglais, tirez les premiers un trait sur les détails de ce qu’il advint, à Uzès, entre Fustelle, Ydit, et Coulanges. Fin de l’aparté.
Prière de ne pas toucher, rappelle-t-elle, avec le grand sérieux des amateurs.