Didier Jouault pour Yditblog Séquence Publique d’Omission n° 42-2 : 42 x 1= 65 ~ Partie 2/2

 

La si douloureuse inquiétude venue devant toutes ces choses douces et fortes qui vont peut-être s’achever demain.

 

Le mistral souffle encore et les festivalières sont  toujours entourées de robes épaisses. Des vapeurs de  buvette enjolivent le soleil.13-buvetteEt une jeune femme en jupe large paraît donner la réplique au comédien YDIT.

Ydit :« 42, c’est encore, c’est aussi « 42 ème parallèle », Dos Passos, quatrième de couverture :

42-2 SPO une trace neuve sur un autel votif«John Dos Passos, dans « 42e Parallèle », invente un genre romanesque nouveau. Prodigieux tableau des débuts du XXe siècle aux U.S.A., il fait vivre des personnages de toutes les classes sociales, introduit des actualités, des portraits au vitriol des célébrités du jour, des collages, des textes lyriques. Il dresse une stèle à la mémoire contre le risque nouveau  de toutes les formes de l’oubli.42-2 SPO masque de guerre 14 18 Ainsi surgit la « comédie inhumaine » d’un monde collectif, où les tragédies individuelles se fondent dans le désespoir d’une époque, d’une société.  Ainsi on lit comment la guerre s’installe depuis les mots qui dépassent le coeur. On apprend comment la parole peut assoiffer la haine. »

– « Dans ce fourre-tout, murmure le Blanc Barbu Chenu, une chèvre d’ici ne trouverait plus son fromage ». Ydit, toutefois, persiste dans le plat collage du jour.

Ydit : « 42 ans de travail, 65 ans de vie, ça fait combien de kilos sur la balance ? « 

Ah, là, je peux vous dire, s’exclame un grand maigre plus long que son short : exactement …(il a sorti le téléphone, le met au défi d’un doigt véloce pas féroce) : Mmm, 42 livres, plutôt 42 pounds, c’est 19,05088 kilos, si on admet que la pound c’est 0.45358237 kilos. Et en conversion Euro, si on reste en Europe ? Facile :

Livre sterling GBP 0,83720 0,84830 0,84928 0,84903 0,84420

Tiens, pendant que je vous  recueille  dans l’aire du regard, j’ai aussi le Peso, pour savoir le prix des murs à construire, ailleurs ou même ici :

Peso mexicain MXN 20,14590 20,16420 20,52050 20,62610 20,66150

Ydit 

 « Voila donc le souvenir du jour où j’ai commencé à me sentir individu en voie de à peine progressive disparition. »

« Vous voulez qu’on fonde une assos ? » s’amuse la jeune femme, persuadée qu’ YDIT est un comédien dont le texte frise le…42ème degré. Mais, comment ne pas donner la réplique à ce bonhomme dépassé par son propre collage, son âge, le vent revenu, les volutes  tenaces du vin qu’échauffe ici la cannelle ?

Ydit : Valéry, vous vous souvenez ? Nous savons  désormais que les civilisations sont mortelles.

Elle : Moi, mon prénom, c’est Lactadine, mais j’ai reconnu !

Elle croit deviner la règle du jeu : trouver du 42, mieux que la taille des chaussures d’inspecteurs vernis, ou des pantalons des mannequins très jolis. Discrètement, cachée par le dos carré du barbu, pâtre-promontoire, elle consulte l’écran. Revient, sur le devant du soleil resté en scène, triomphale :

« Et ce 42 là, vous l’avez en magasin, Ydit  ? Un 42 de métal qui résiste aux chaleurs de toutes les vieillesses, aux bassesses de toutes les tirades, aux rouilles de tous les âges. Un pur métal pour des armes pures ! Classification : no 42, Mo, Molybdène · Métal de transition, 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 4s2 3d10 4p6 5s1 4d5 . De quoi se faire une cuirasse contre l’état du monde- et de vos synapses effilochées. »

Les spectateurs restent surpris par les choix étonnants  de ce patchwork parlé, de ce copié collé un peu austère. Au fond l’une des lignes de ce festival est une sorte de burlesque à la Buster Keaton. On en a vu d’autres. « Puis, c’est du off ?» – demande à nouveau le barbi blanchu, consultant sa montre. « Il ne  faudrait pas rater le vrai programme. »

YDIT reste dans le silence de la poussière à nouveau tombée sur la lumière.

Il sait que, parfois, vers la fin de la séance, on s’arrête. Et quelqu’un, dans la salle, demande : «  Pourquoi ce silence ? »

Ydit s’approche de la jeune femme, elle ne recule pas ; il tend la main, elle joue à jouer à la prendre, comme dans la vie.

Vous connaissez Olivier Rolin ? .

Le type du Bar des flots noirs ?

-La dernière-phrase de PORT SOUDAN : « Je ne me souviendrai plus jamais de rien ». « Moi c’est : J’oublierai tout ce qui fut  blessé. »

 Je vous devine, vous regretterez surtout de ne plus visiter lentement les bibliothèques à l’heure des inventaires !

Ou de ne plus répondre avec un sourire sot dans les télés de province ?

 D’un bond souple, trois pas en arrière, le jeune femme suit le mouvement, tous deux sont face au maigre – mais tenace- public. Ydit commence : « Je ne me souviendrai plus », elle termine « jamais de rien ».

Ils suspendent  geste et parole,  comme  des fantômes oubliés par des visiteurs pressés.

Ensuite  tous deux saluent. Comme s’ils se connaissaient  depuis  42 ans, mais ce sont 42 minutes.

Des applaudissements, polis. Le Blanchi-Barbu demande au Long-en-Short : « Tu crois que c’est sa fille » ? Tous s’éloignent.
La jeune femme :  Vous avez vraiment 65 ans ? YDIT : Même davantage !

Elle : Moi, j’en ai 42, c’est pourquoi votre histoire m’amuse. 42-2 autre jeune femme à la fenetre, détendue, revue photoAmalia Ferrer SileroL’amie avec qui je voyage m’attend à l’hôtel, mais j’ai encore du temps…à 42 ans. Et, tenez, je vous fais un rabais ? Je vous offre un 41, au bar de l’étang ?

42-2 près de l'étang

 

« Allez,

en marche ! avant qu’il soit trop tard », sourit-elle, lui prenant le bras.

 Pendant qu’ils marchent, elle ajoute qu’en ce jour même, ils noieront la si douloureuse inquiétude venue devant toutes ces choses douces et fortes qui vont peut-être s’achever demain.


 Didier   Jouault     pour         Yditblog

 

 

 

 

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11 réflexions sur “Didier Jouault pour Yditblog Séquence Publique d’Omission n° 42-2 : 42 x 1= 65 ~ Partie 2/2

  1. Avatar de Thierry Chazarin Thierry Chazarin dit :

    Il n’est pas un peu trop bas, le fil à linge dans la photo du haut ? Tes photos insolites et inouïes sont charmantes avec leur côté tendre et désuet. Mais c’est toujours aussi fin et subtil, un régal de te suivre…

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