Didier jouault pour Yditblog SPO 49 Estivales Esquives IV,
L’immédiat, c’est le massage, le média c’est aussi le massage.
–« Mylène …Mylène c’est la fille du Tourisme au village...elle m’a tout raconté pour votre show. »
-Oui, c’était pas le Zénith, ni le solstice d’ailleurs.
–Ici, ça va être encore pire, non?
En passant, YDIT a repéré l’enseigne : « Au Refuge-Détente ». Un peu le bonheur des dames à la montagne. Détournant le panneau…
YDIT espère qu’une forme d’impatience goguenarde va conduire vers les OUBLIeS un public ( estimé impatient )de randonneurs et de campeuses revenues du concert d’hier soir, sur la place de la mairie. On peut tout espérer des campeuses.
Alison a préparé les huiles, un mélange personnalisé. « On se met au travail?«
Son accent est anglais, son langage mesuré, son geste garanti sans danger. Elle masse comme on confesse.
Elle ajoute, soufflant un peu dans le début d’effort : « Je n’ai pas l’habitude de voir mon salon de massage transformé en salle de…conférence. Je vous mets un peu de Valériane avec ? Et je vous sers un verre ? »
Au fait, c’était quoi pour de vrai votre « Centre de M. »?
YDIT ne dit, est massé : suffit ainsi.
-Et M., c’est Marseille ? Ou Manchester?
Ydit parle d’OUBLIeS sur un divan sous une main experte. Méfiance sur les détails. M., c’est aussi le camp Delage, un beau vivier de campeuses (cf.SPO 50).
YDIT: Gédéon fut son maître à l’université, en même temps qu’éligible sénateur dans le mouvement de réfection de la vieille maison sociale. Les années 80.
Maire depuis longtemps de son village, quelques dizaines de kilomètres plus loin que la fameuse ville de M., dans les vignes et les pentes.
Au téléphone, GEDEON, appelant Ydit dans son Centre vide de M., dit qu’on doit se souvenir de cela : Ydit est repéré par la vieille maison sociale pour se présenter aux municipales de Derrière-les-Fagots. Gédéon est connaisseur. Les maires font les sénateurs et les sénateurs font les maires. C’est un peu une vis sans frein.
Voila tout. Donc, « Ydit je te le redis, Derrière-les-Fagots est un faux village de vrais cadres parisiens et de vieux vignerons accrochés aux véritables valeurs radicales, Jaurès et tout ça. Ton jeune profil fera un pur tabac.Les sondages le prouvent. »
Quand Gédéon appelle, YDIT compte les adjectifs. Il explique : Au Centre de M., l’ennui est le roi et le chiffre sa drogue. Pas sûr de rester ici. Mais revenir dans un lycée?
GÉDÉON : « Quand on aura gagné, pas de problème, on nomme l’autre inspecteur-chef quelque part, et on te fait directeur. Ça te laissera du temps. On a besoin de toi ici, en région. Et, pour commencer, à Saint Jean de Saint Pierre, mon village. »
GÉDÉON, lui, ce qu’il veut, c’est : un plan-de-com.
La grande idée d’il y a sept ans, avant les sénatoriales : l’être ensemble du commerce et de l’art, l’intelligence de la main et la saveur des échanges…C’est de la pensée en cru sans appellation.
– « Vous pouvez lever la jambe, doucement, et puis essayez de vous laisser aller un peu, ça ne vous fatigue pas d’être tout le temps contracté? » L’huile d’Alison s’étale lentement, comme la zone artisanale artistique de GÉDÉON.
Pour l’instant à SJSP, la Zone à GEDEON : un magasin de sport demi-montagne fabrication coq local, deux potiers d’art dont un ne travaille que les bougeoirs, un négociant de vins locaux et produits gastronomiques semi-ruraux, une annexe de l’office de tourisme, une céramiste spécialisée uniquement dans le bleu de cobalt et la terre de Sienne, trois artistes-peintres parmi lesquels le prof du collège. Un écrivain régionaliste a refusé de s’installer mi-conteur mi-écrivain public.
« On voit qu’il s’agit d’un autre temps », dit Alison, qui terrorise entre pouce et index un muscle noué.
Samedi, l’ Assistante de GEDEON attend YDIT à la gare.
La plage avec la voiture de service, passe encore, mais pas pour le samedi. « Attends d’être élu » dit-elle, c’est surtout samedi et dimanche que tu travailleras. »
Pour l’heure, elle lui fait visiter la Zone, explique le projet. On déjeune à l’abri des micocouliers, il y a du rosé, venu de « La Zone à GEDEON ». Assez vite, dans le regard, on perçoit le désir d’échapper. Ici, c’est petit, tout petit. Mais si GEDEON devient ministre…
–« Elle rêve de Paris ? Elle est jolie ? Non, s’il vous plait, ne crispez pas le bras, essayez de lâcher prise, c’est rare que je voie quelqu’un résister ainsi au massage. »
Après le déjeuner avec l’assistante, on rejoint GEDEON pour la fameuse réunion à la mairie.
GEDEON : Il faut relancer la Zone.
L’auditoire est aussi vaillant que la Zone.
YDIT: Et si on faisait plutôt une action au Camp Delage, je le connais par coeur?
Dans un couloir, à la fin, pressé, le sénateur-maire :« Ydit, c’est un bon exercice pour toi, la Zone, ça te fera connaître localement. C’est rare que je voie ainsi quelqu’un résister au message. »
Ydit raconte : en quelques pages, il avait construit le plan suggéré, avec des pièges à passants tout simples. UN : Déplacer dans la Zone à GEDEON le bureau de poste, de toute façon à reconstruire avant effondrement sur petite exploitante retirant sa retraite des vignes, ça drainerait tout le village.
DEUX : profiter de tout cet espace vide pour réunir dans la Zone le colloque espéré par GEDEON sur…l’Economie Sociale et Solidaire en milieu semi-rural de moyenne montagne. À défaut d’un colloque au fameux Camp Delage.
Alison fait le travail du Refuge-détente sans réticence, masse en vérifiant toutefois qu’aucun geste ne dépasse les lignes d’étoffe pudique (et si j’avais mis un string ?s’interroge YDIT). Elle demande s’il veut bien se retourner, attention à la serviette n’est ce pas?
Au village, une autre visite de travail : Verrait-on GEDEON? L’assistante : Il est retenu à Paris, travaillons le colloque. On avait dîné avec un rouge frais,
à la terrasse de l’hôtel-restaurant de la mairie, seau à glace et oliviers, non, non, c’est sur le compte de la mairie.
Alison, on perçoit son trouble. D’habitude, c’est plutôt elle qui parle, pendant les massages. Elle ose, toutefois: « Avec la jolie assistante, la maire a aussi payé la chambre d’hôtel ? »
YDIT raconte qu’on avait corrigé le plan de com. intitulé par le sénateur : « Projet de communication semi-urbaine ouverte et citoyenne pour l’expansion équilibrée mais dynamique de … »
Révision par le maire : On modifiait le sens de circulation dans le village, on inventait des impasses, les touristes passeraient forcément par la Zone à GEDEON. S’il y en avait, ricanait l’assistante. On ne déplaçait plus La Poste, GEDEON ne voulait pas, son grand père y ayant été receveur.
À la place, on délocalisera le Centre des Impôts.
– Idée parfaite pour drainer des publics enthousiastes, se moquait YDIT
– C’est lui le sénateur-maire, s’excusait l’assistante.
Le jour du colloque, le secrétaire d’Etat aux économies sociétales avait dû ne pas venir. La chambre de commerce était représentée par le gestionnaire des dossiers Terre de Sienne, le député envoyait son assistante...GEDEON S’affairait, YDIT s’effaçait. Tout s’effritait. Rien ne tenait. Évident ratage, honte bue, temps perdu. Un Japonais aurait sorti les sabres, un Grec la ciguë.
-« Et l’assistante? « s’enquiert Alison, qui aurait bien aimé une histoire d’amour.
Le sous-préfet avait inauguré la vacuité, rêveur devant l’invitation dessinée par l’artiste-peintre en résidence à la zone.
Au déjeuner, YDIT et lui s’étaient discrètement découverts membres d’une même association.
-« Ce colloque, les années de plomb, rarement vu si ringard, et sous-préfet ici, je t’assure, la barbe!
Et toi, c’est vrai que tu as laissé une étonnante trace sur le livre d’or? : » La mémoire est une salve d’étiquettes appelées mots, appelées souvenirs, appelées images, on les colle sur des pots de confiture, dans les placards bruns, mais le geste imprécis des doigts usés confond colle et sueur …« Si jamais tu veux faire carrière…
… je te déconseille ce genre de … »
Vers 17 heures, deux ou trois maires, quatre ou cinq voyageurs perdus par le plan de circulation et le noyau dur militant du parti savouraient les temps d’échange.
La Zone à GEDEON avait livré l’apéritif, le sénateur-maire avait livré bataille : deux bonnes raisons d’affliction.
A l’instant de partir dans sa grosse voiture de fonction des samedis, le sous-préfet l’avait confirmé : on n’aurait pas les crédits pour déplacer le Centre des Impôts, pas cette année. Libérée, l’assistante avait un peu trop bu.
On faisait le tour de la défaite, dans la cuisine près du bureau, avant le train du soir pour retour à la fameuse ville de M. Elle disait qu’à continuer ainsi, dans cinq ans, la Zone ce serait une friche industrielle que même les propiétaires du Camp Delage ou même des Chinois refuseraient de racheter.
–Ydit, tu ne le répéteras pas à GEDEON … tu restes ici avec moi, ce soir, pour me consoler ? Un peu?
–Oh, elle exagère, murmure Alison en oignant une cheville, « c’est à lui, enfin à vous, de demander ; ce ne sont pas des façons de faire ». On devine, à l’intensité accrue de l’accent, qu’elle aimerait bien savoir, au fond, si ce soir là, dans la molle tiédeur des échecs et l’inquiétante fraîcheur des ridicules, YDIT est resté?
À SUIVRE : Estivales Esquives, V et finale : Lacan prend de l’âge ( Séquence Publique d’Omission numéro 50)
Oubli : vous avez un massage en attente…
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Version indienne : vous avez un massage dans la tente ?
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