Le chef de gare : « Ah, tiens, alors vous nous quittez maintenant? Plus rien à faire au village ? Plus de tourisme dans l’isthme, de massage du message, de séances au cinéma ? Les filles vont regretter vos balades en montagne. Faut dire que la dernière fois c’était un peu…osé dans la pose? »
Ydit, depuis l’autre quai , forçant la voix :
« Vous allez rire, mais la séquence 50 a battu tous les records d’audience sur les divers réseaux. Je me demande si c’est pour les pommes de terre frites ou les vieilles voitures? Je ne vous ai pas trop ennuyé, entre deux trains? »
– Certainement pas, j’ai de quoi m’occuper, et vos petites séquences, ça change des types à chien avec guitare qui chantent sur le quai.
– Alors, une petite dernière pour le wagon de queue ? On le sait, j’aime les trains et …
– Oui, on s’en souvient : Germaine-des-quais!
– Donc, allez , je vous laisse choisir. On a combien de temps?
– Dix-huit minutes avant le 14h23, mais il a souvent du retard. Vous m’en feriez une un peu tristounette, de SPO, pour les adieux ?
Estivale esquives, épilogue en forme de flash back ( 6/5)
YDIT…Comme le sillage que dresse l’oubli sur l’océan fatigué de la mémoire, quand le caboteur essaie de rentrer au port malgré le mascaret ; tel le tracé de la nuit dans l’errance du réveil : ce visage reste au cœur de la cité. Il est un village tout entier, ravagé par l’incendie barbare des heures, par les soudards de l’oubli, et cependant ses ruines éparpillées conservent la vie de poussières traversant le soleil dans leurs ombres.
Un homme qui fréquente les ports, et là campe, humant les raclures de passé, dit : l’inconscient est structuré comme un tangage. Il précise : la mémoire est menteuse comme un visage.
La ville de M., et ses aventures de l’été 17, racontées dans ce village, sont une boucle de rêve. Un éclair pour chapeau sur la tête d’un dauphin emprisonné, ou comme un objet sculpté dans la glace qu’on sur la chaussure d’une princesse en guise de diamant, un cheveu sur le clavier hagard de la mémoire.
En ESTIVALES ESQUIVES, l’été a construit son chemin de pierres et de sable. Boucles narratives : départ tiré par une rafale de cartouches d’oubliEs, finale en chant d’adieux.
Pendant l’été 2017, l’année de M. revient sur sa propre origine, voyageur de commerce du temps marchandé, guerrier portant à la fois la victoire et la probabilité de sa fin.
Moment venu de retourner à l’origine du récit d’ESQUIVES : voici donc l’un des champs du départ.
– Le chef de gare: « Je sens que ça va pas finir dans des chansons ? »
YDIT : Ce fut avant de partir pour M., un soir, dans l’appartement de Paris.
Ephe Dée rompait la pause,
s’approchait de la table où des livres attendaient. Un vinyle faisait des ronds dans l’air Ecoutant, elle s’était retournée vers lui, songeuse : « Et toi, Ydit, à qui penses tu quand je sors de tes draps? » Tu pars vers M. et je n’y serai pas.
« Où es-tu, quand tu es dans mes bras ?
Que fais-tu, est-ce que tu penses à moi ?
D’où viens-tu ? Un jour tu partiras
Où es-tu, quand tu es dans mes bras ? »
Je reste en soldat protégeant pour rien l’armurerie videée de tes mémoires, guetteur immobile de l’errance molle et des attentes. M.,dis-le, n’est que l’attrait d’un oubli, M., le prétexte pour partir. »
« Plus tard, dit ensuite Ephe Dée, tu reviendras de M. , et je t’accuserai : « Tu n’as rien compris à Hiroshima ». Mais je ne voudrai plus te voir, je n’aimerai plus tes gestes de silence, et j’attendrai que tu distribues les « OUBLIeS » comme des images d’un mauvais livres d’heures, épuisé avant même toute impression. Nous serons comme deux pays voisins qui s’éloignent.
clic: watch?v=E8EOhsoVSiI
Tu mèneras tes « OUBLIeS », comme des brebis en descente d’estive, et je n’écouterai pas tes récits de marin privé de carte-ou de boussole, car j’aurai été ton horizon et tu l’auras perdu. Je serai celle qui n’écoute plus.
YDIT : Et ce fut ainsi.
Ephe Dée a vidé le barillet de ses présences vives, elle tirait contre les ombres que faisait Ydit en marchant au milieu de la ville, M.
« Et donc? » dit le chef ? Surtout que voila le 14 h 43, faut finir.
J’veux m’enfuir, est-ce que tu rêves de moi
J’veux m’enfuir, tu ne penses qu’à toi
J’veux m’enfuir, tout seul tu finiras «
Et donc, aussi longs que soient les efforts, YDIT affronte l’impossibilité d’emporter ce visage au milieu des flux d’ « OUBLIeS », dans le silence.
C’est ainsi que les hommes se souviennent : en suivant sur le sable une maligne empreinte du temps qui dénie tous les oublis.
Image à la une : » femme fatale », Myles Himman
texte : Bernard Lavilliers, Jean-Paul Drand • Copyright © Warner/Chappell Music, Inc
Didier JOUAULT pour YDIT BLOG
Pingback: Le regard sur l’été ne dispense pas de l’œil sur la mémoire | yditblog