Didier Jouault pour Yditblog 60 / La peau du départ est longue à tanner.

Séquence Publique d’OubliEs numéro 60 : Rusée, la Russe rosse arrase le ressac.


Dans sa Peugeot des grandes époques, une Russe un peu déglinguée – mais on l’a déjà vue ici-même et revue en majesté telle Vénus sortant de la fenêtre- la Russe attend tapie et sans mots. Comme un océan de questions ne parvenant jamais à repousser la dune du silence. Le soleil ferait des taches sur l’appeau, entre les joncs.

Un auditeur de ce jour : « Pour  votre jeunesse, YDIT , des Russes dans le métro et les autos, y en n’avait pas, justement, des Russes, ou alors ça faisait STASI, c’est vrai que vous n’êtes plus tout jeune, hein? et cette Russe, alors, votre Vassiliki, au fond, elle travaille pour les Services, pour les Organes comme ça se disait? »

 

 

 

Dans la 403 du service, Vassiliki murmure que si elle voudrait, elle aussi dirait. Pourrait dire. Aurait pu dire. Dirait qu’elle a pu. Qu’elle a plus. Qu’il a plu – mais de l’eau ou à quelqu’un? Enfin tout ça. Zut et rezut avec le Français. Celui là ( Ydit?) et les autres.

YDIT raconte qu’il mesure la fatigue de la visiteuse à l’imprécision de ses modes. Vassiliki  rappelle que, au fond, elle veut seulement parler de son père, ou plutôt l’interroger sur les activités clandestines, pour les services.

Mais son français d’épuisée ne dit pas si elle interroge sur les services ou si les activités s’accomplissaient pour les services. Peu importait : le père, c’était une histoire ancienne de mégots, ici même encore, on pouvait tout savoir, en remontant le fil ténu mais constant des Séquences Publiques d’OubliEs.

 

 

 

Séquences Publiques d’OubliEs ? Comment la Russe ( on dit La Russe comme on dirait la Parque )pourrait-elle donc  savoir qu’une histoire se trame ( ou se tisse?) de mois en mois ?

YDIT accepte la cigarette que lui tend l’auditeur patient. On finirait par se demander si des amis dévoués ne lui délèguent pas son auditeur patient du moment comme on assure un service minimum dans les transports les jours de rêve. Pourtant Ydit ne fume pas. Sa tante- Germaine-, épouse d’un chef de gare- désormais éponyme d’une figure SPO, disait : « Quand on offre à fumer à ton oncle, il les prend, et on les met dans ce tiroir, on sait jamais. »

De telles vérités ne se commentent pas.

L’auditeur demande si on s’y remet, de s’en remettre, de ces blablas ? Il y a tout de même autre chose à faire, dans la vie, que d’écouter l’ Ydit ?

 

 

 

 

YDIT : « Les désirs mal finis montent avec arrogance les degrés de la mémoire. Sur le palier du souvenir, masqués en loup solitaire ou déguisés en cohorte de cadavres à ski, les voici: on les sent frotter les pieds sur le tapis, pousser vers dessous la clé de mensonges. »

 

 

 

 » Des fois, Ydit, je me demande si  le lit des mots n’est pas un peu la lie des maux, avec vous, et votre esprit ? »

YDIT :prétend qu’ il joue à la déli-délo avec les carrés de la mémoire, et à la marelle dans la cour des miracles, en faisant attention de ne pas écraser les bords du pied.. Ainsi soit-il. La Russe, qui fait des progrès à l’oral, répète en boucle : « Mon Devoir est le Savoir, pour les Services, et votre Père. »

YDIT : « Ce jour là, c’était le dernier jour, encore une fois comme souvent, après tout. Dans le vaste bureau de ministre,…

 

 

 

Le Chef avait invité ceux qui, à divers moments, avaient servi les Services, et rendu des services pour servir. »

C’est mieux si vous n’imitez pas la Russe non, Ydit ? Elle le fait mieux que vous…

YDIT : « Le Chef partait, demain. Ce serait le moment de rendre les clés à chacun et surtout de tout futur non accompli.

 

 

 

En ce temps, on avait le téléphone accroché à un fil, plusieurs téléphones et bien des fils. Peut-être même  aussi  l’une de ces boites qui réglait de façon carrée les fables arrondies dans les discours?

 

 

 

Il y avait du champagne, des petits fours longs comme un jour sans tain derrière la vitre des attentes, et des visages d’oubli déjà dans  la fenêtre. Isolé encore plus que d’habitude en l’exact milieu de la solitude, ce point où l’existence apprend d’elle-même qu’elle ne sait rien sur elle-même, le Chef avait parlé.

Tous ceux qui lui avaient offert l’illusion de la présence avaient su écouter comme si c’était vrai. A présent, on devisait, on riait, on s’affirmait qu’on s’aimait en faisant le bilan de ce travail ensemble. C’était plutôt gai. Les secrétaires particulières et les chefs de service façonnaient de mouvements incertains le malicieux brouhaha, habillage facétieux du silence intérieur. On se demandait ce que ferait Le Chef, ensuite? Tout cela manquait heureusement de gravité ».

 

 

 

La Russe interroge ( c’est son métier), un peu perdue comme souvent et beaucoup, si Le Chef était son père ?

YDIT : « Le Chef irradiait l’euphorie de la libération, qui précède l’aphasie de l’inaction. Il se croyait sur un char venu d’Amérique, casque en arrière, Camel offertes à des femmes en cheveux qui tendaient des fleurs, acceptaient des bises dans le cou, versaient du cidre. C’était bon, c’était enfin léger. Libre. »

 

 

 

Libre.

« Il avait d’une main brusque saisi le cul d’une bouteille vide et bloqué d’un coup rageur un commutateur mural : téléphone coupé, on pouvait naviguer sur son erre sans tenir le bout du vent. « Enfin foin des autres et de là-haut« , gloussait-il, et l’on s’attendait à d’autres gestes théâtraux marquant le plaisir d’en avoir fini de ceci, et de ceux-là. C’était léger, facile, presqu’amusé.

Ydit raconte, encore :   » Britt était près d’une de ces grandes fenêtres sous hauts-plafonds à quoi on reconnait, en Occident, l’espace des puissants.

 

 

 

Assistante personnelle du Chef, soucieuse de tous les savoirs et sachant tous les pouvoirs, elle semblait regarder en espérant n’être pas vue. Elle avait fait un signe à YDIT, qui la rejoignait. « Viens, je dois te montrer… »

Ils étaient sortis, traversant le couloir. Elle avait poussé la porte du minuscule bureau d’Ydit, avec le mot « Conseiller » en doré sur le cuir, mais ça ne voulait rien dire.

 

 

 

D’un bras sûr de son dessein comme de son pouvoir, Britt poussait Ydit dans un angle, tel un enfant mis au coin.

Elle : « C’est fini pour maintenant, on reviendra, t’inquiète, on reviendra, mais nous deux on pourrait continuer ailleurs… »

 

 

 

Et elle initiait le geste de l’embrasser dans la bouche, de prendre ses mains pour leur imposer  d’oublier des limites, comme des jeunes gens sur un banc devant les cinémas.

Ydit s’échappait, contournait l’étroit meuble de travail, évitait le piège constant du téléphone, se glissait dans l’ombre. Un Arsène Lupin refusant le cambriolage. Rigolard et fuyard. Pas d’aiguille creuse où faire passer le chameau du désir.

Britt , qui le regardait , bloquait la porte, souriait encore, à front renversé.

 

 

 

Le verrou n’avait pas été tiré d’un doigt coquin pour un moment complice : on vivait dans un cadre 18ème, et pas déjà sur la toile.

-« Tu ne veux vraiment pas? «  disait-elle, insistante.

Ydit marmonnait, baragouinait comme une Bécassine privée de parolier. Britt cependant le regardait trop fort pour qu’il l’oublie.

-« Refuser, tu as tort, je ne te conseille pas, tu regretterais »

 

 

 

Ydit s’échappait cependant, la bousculant un peu.

Depuis le couloir, sachant déjà qu’elle aurait un jour raison, il se disait une fois de plus que, à chaque instant, le mensonge de l’illusion  gangrène la courte balade légère dans le présent des hommes.

Et, se retournant, léger, rieur, il criait :

 » Nobody is perfect« !

Enfin disparaissait fondu au noir.

 


Didier Jouault                                  Séquence Publique d’OUBLIeS             Yditblog 60

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Didier Jouault pour Yditblog 59 Une assez méticuleuse exploration de l’absence

Séquence Publique d’Omission N° 59.

 

« Tiens, dit-elle, pas de russe rusée au menu de l’Omission, cette fois encore? »
Ydit répond qu’il a de plus en plus de mal à choisir ses entrées.

« Passez à la résistance tout de suite, non? ». Dans son rôle de Parque incertaine de ses propres choix, la contrôleuse n’a pas tort.

Alors, Ydit raconte : « Pour cette fois, on était bien dans le train. Les quatre dont LUI / l’Excellence paraissaient prêts à un assez immobile voyage. »

Lactadine– qui faisait la presse et parfois les parlementaires- se penchait vers LUI , et- d’un doigt tendre- mais désincarné ( ce qui ne va pas de soi ! )- désignait : « Tiens, vous avez mis la cravate à rayures?« 

L’Excellence répondait qu’« il n’y avait pas de télé sur place, juste des gens du truc visité, ou des élus des usagers, c’était bien ça?« . On devinait qu’il n’attendait pas plus de jubilation qu’une séance de signature Joyce  un soir de noël à Langres. « Et puis, tu m’as toujours dit que pour les descentes  en province, la rayure ça fait plus Vraie Excellence, non, John? »

IL s’adressait au chef-cab, qui voyageait en face de Lui. A sa droite, Lactadine : »Je vous ai pris une chemise plus chic et une cravate Hermès pour le dîner de ce soir avec les parlementaires ». Attachante pressée, Lactadine ne le quittait pas d’une plume, elle chauffait les claviers avec doigté, elle cotonnait les micros d’une paume tendre, son métier restait d’inventer un déguisement pour chaque vérité de fond, en imaginant broderies de surface. C’était un métier difficile que découvrait Ydit. Il aurait aimé le faire, car il avait jadis voulu être écrivain.

Comme on établit un camp de base sur la face nord avant le grand saut de l’escalade, Lactadine  veillait aux cravates, aux macarons,  et aux sénateurs. Cette fois, le sommet culminerait bas.

« Ma technicienne des surfaces », disait l’Excellence, souvent d’humeur paterne et badine avec les demoiselles sherpa, non  sans un peu de ces équivoques souriantes qui sucraient jadis de poivre et sel les soirées politiques en région. Ydit ajoute qu’il a conservé d’elle l‘image d’une fille inquiète et vaporeuse  toujours près d’une fenêtre dans l’inquiétante attente de quoi, un pigeon voyageur, un rayon d’éclaircie, la visite de Zeus lui-même?

« Et vous, là-dedans? » (la contrôleuse  revient du bar, curieuse comme toujours de ce qui nourrit l’errance interne de ses voyageurs, surtout en groupe, espace de prison mentale.)

YDIT répond qu’il se le demande souvent ce qu’il faisait, lui là-dedans, pour  le petit rôle de l’Ancien, parmi les serviteurs de roman qu’une Excellence portait dans son équipage, ça ne servait à rien, mais puisqu’il y avait quatre sièges dans le carré TGV.

Le quatuor avait pris place tout juste trois secondes avant le départ. Sécurité. « On le fait ou pas… » disait l‘homme-armé d’accompagnement, « …sinon IL a qu’à se promener en bermuda et turban dans la Jungle de Calais!« 

Une grande femme quadragénaire, vêtue en universitaire-soir-de-colloque, passait dans le couloir, marquait une brève pose en regardant LUI qui ne regardait nulle part, puis reprenait sa route vers les lignes de sa main écrivant.

Tout près, des voyageuses voyageaient. Au loin, ensuite, le train irait vers un Est lointain, Berlin, le Berliner Ensemble, le chant des sirènes, l’ange de l’histoire, quelques voix dans la nuit, la dernière porte, un soir au cinéma ( *).

Polaroïd, l’homme-armé, très proche de LUI, gardait les yeux ouverts sur les dangers, la carte près du bonnet. Son humour avait la durée d’une pluie d’été au désert. C’était réconfortant sur l’état rangé du monde.

Il avait fait son tour de wagon, pas lent,  pas de risque, seul un peu d’étonnement dans les yeux d’une voisine de l’autre côté du couloir. Tout de même, son devoir avant tout, Polaroïd avait conseillé à Excellence de s’asseoir côté fenêtre.

« Les villes, ajoute Ydit, ça demande de la visite d’Excellence, les conseils, les cantons, les comités, chacun de ces vacillements fragiles du passé mués en hargneuse carte écolière. Alors, on fait du train comme on donne une pièce à un mendiant à la sortie du Temple : foi, espérance, charité « .

S’adressant soudain à Ydit, qui songeait aux voyages, car que faire en voyage sinon que de songer au départ, l invention du monde 2

IL grognonnait :

« Mes Eléments de Langage, je les vois pas ? »

Ydit répondait, comme toujours : « Juste en dessous de votre discours, Monsieur,  la deuxième sous-chemise bleue. »

Excellence peinait parfois dans l’exploration des dossiers.

Toute manière, ajoutait Lactadine en se penchant pour voir, ya pas de question- piège dans cette visite, il va se passer nothing de chez nothing.

Prolongeant le mouvement, elle regardait  brièvement sa propre photo souvenir prise dans la vitre du bureau : encore de la marge avant fin de la  grâce.

Inkedfille fenêtre encrée

L’Excellence éparpillait sur la tablette le maigre dossier de visite, s’agaçait en tournant les pages, tous ces trucs de chiffres, encore cette fois. IL levait la tête, mais regardait à travers la fenêtre où se collaient de premiers flocons de neige.

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 » Mon discours, il a été validé par le dir cab?«  Ydit raconte qu’il  revoyait le bureau du rez- de -jardin, le feu dans la cheminée (un homme en veste blanche, qui venait de regarnir en buches, sortait), le crâne rasé du dir-cab :« Tu as revu son discours, Ydit ? »

En même temps, dir-cab fomentait ses rudes batailles sur le Blackberry, levant à peine la tête. L’adversaire du jour, c’était Jeunesse et Sports, des moins que rien tout juste bons à confondre lancer du poids et saut à la perche.

Ydit répondait que oui, c’était revu. Levant les yeux comme on flashe un excès de vitesse, le dir-cab : « Ok, validé pour moi, donc, et de toute façon y aura trois pelés se les pelant au milieu de ce chantier à la noix, par moins dix dehors ».

Ydit raconte : En route vers les pelés du moins dix, LUI s’ennuyait visiblement un peu. L’Excellence, on le savait, préférait une séance questions réponses à l’Assemblée, « Là au moins on se bouge les fesses, ou une séquence de body training avec sa prof, ou de savoir-vivre avec la Vieille. Quelque chose pour rigoler, au moins. Pas comme ces pelés du chantier. »


« T’inquiète, disait John, depuis longtemps familier au point de sentir Son Excellence sur le bout des humeurs, t’inquiète, ça va aller vite, et l’important c’est ce soir, les parlementaires de la région.« 

Dans le couloir circulait à nouveau l’universitaire lassée. Elle atténuait le rythme de son pas lascif, comme lorsqu’un enfant regarde les poissons se souvenir en rond derrière la grille. Homme-armé levait la tête.

Excellence souriait, et Ydit espérait qu’il ne serait pas, comme parfois relégué, dans un autre coin du resto à compter les fourchettes : il avait très envie de visiter la ville, surtout dans la neige, et Lactadine semblait d’accord pour découvrir à deux, plutôt que de rester pliée au lit à lire « Le Temps retrouvé  » ( elle avait préféré commencer par là, pour ne pas être  ensuite surprise  par la fin).

Lactadine, sérieuse : «  Vous voulez qu’on travaille votre interview de France Inter après-demain ? »

LUI :« T’es gentille, mais pas envie maintenant ».

Excellence regardait autour : vitres, accoudoirs, neige, Ydit en coin, le train…beurk.

Encore cette fois, John avait  perçu l’immense plaine du désert intérieur, si pénible à traverser seul :« Tiens, je vais te passer ton courrier perso ». LUI : Moue très bougonne, geste des mains. Le temps contraint du carré peinait à  s’arrondir, ça traînait en langueur.

Un peu comme votre séquence d’aujourd’hui, non, si je peux me permettre? On vous a connu plus combatif ?

 

Ydit répond qu’il y a des années où l’on se demande que faire du temps si lent, c’est connu, on s’est trompé de sens pour l’année, puis reprend le récit : Soudain, avant  que Homme-Armé reprît conscience hors du rythme ferroviaire, la femme s’était penchée et tendait sa main vers l’ Excellence. « Certes, fulgurait le policier, une femme c’est moins dangereux qu’un homme, enfin pour les attentats, sauf à la pudeur, et encore, faudra creuser cette idée, mais si on peut même pas somnoler dans un carré VIP du TGV. »

Elle ne tenait au bout des doigts qu’une carte de visite. Elle se présentait, maîtresse de conférences en éco-ethologie de l’économie, tendance ouverture du marché.

Excellence hochait la tête. Décidément une mission de nul. IL souriait. Chef cab John s’attentionnait, Lactadine regardait, Ydit écoutait : on s’occupait visiblement du cas.

L’universitaire primessautait, guillemettait, notusculait en bas de page, ayant un peu de mal à tenir debout dans le coeur des cahots… Surtout, elle disait, en pointillé entre deux bougés du voyage: « ...Très impressionnée par votre action…Loi inhabituellement habile sur ce sujet…Enfin ce qu’il fallait faire depuis si longtemps que…Vraiment une politique de la bonne hauteur, bravo, et… »

Sur les genoux d’ Excellence, continue Ydit, le dossier visait à l’éparpillé, les réponses inutiles  bousculaient des questions mal posées.

La passante résistait à un virage rusé du T.G.V.,

Lactadine se préparait à la recevoir sur ses accueillantes cuisses, puis tout se résorbait dans une courbe claire : »…donc, je pense…des hommes tels quel vous, on souhaite leur apporter un concours expert…à D., où vous allez, je connais plein de … »

Excellence ne disait mot. Chef cab, c’est le métier, opinait d’un bonnet vigoureux. Lactadine veillait à la chute. Ydit se taisait.

La femme, risquant un envol, sortait une carte de visite, la reprenait: « ...ah, j’ai changé de mel… », griffonnait une ligne en prenant appui de la jambe sur le genou d’Ydit. Tout ça vacillait au lieu de transcender. L’inéquilibré s’imposait dans le pur trajet vers D. Excellence : « John, tu la prends ? » Chef-cab : »Avec plaisir, on a vraiment toujours besoin de forces nouvelles ». Il saisissait la carte,  mimant comme une dernière chance.

Souriante, la voyageuse : »...faut que j’y retourne…mais n’hésitez pas…pour m’appeler…je suis très… »

Quand elle s’éloignait, Homme-armé se détendait : avec ces gens là, surtout les femmes, on ne sait jamais.

John Chef cab,  amusé : « Et en plus tu sais à quelle université elle appartient ? »

Lui  : »Qu’est ce que tu veux que ça me fasse? » Regardait sa montre, soufflait: « Il arrive jamais, ce train ? »

Ydit notait : il devra, un jour, oser le récit de cette vérité que  parfois, raconter est une assez méticuleuse exploration de l’absence – de la force du rien.

Quand, plus tard, les Quatre et Homme-armé descendaient du wagon, Ydit voyait que la carte de visite griffonnée restait dans le cendrier. Il s’apprêtait à, mais non : ce n’était pas un oubli.

Sur le quai, les menues Hauteurs locales étaient dressées pour l’accueil d’ Excellence.

Lactadine murmurait : « Y a la presse locale, j’ai bien fait de vous mettre une cravate à rayures… »


(*) : quelques titres de textes de Cécile Wajsbrot, « Berliner Ensemble« , éditions la ville brûle, 2015


Didier Jouault,   Séquence Publique d’Omission 59   Une assez méticuleuse exploration de l’absence.

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