« Préviously » ou – en Français ancien: « Rappel ».
Pour les repères :
https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/9255
Séquence Publique d ‘Oublies, numéro 69
1- Au comptoir d’accueil,
elle lui demande :
« Tiens, il est venu sans ses groupies, la Russe, le Vieux Voltaire, ou sa Germaine-déraille? Au moins, il a ses gris-gris, lunettes et badge et l’air pas malin, allez perdons pas de temps, il va s’installer près de la salle de lecture, le monde passe, avec un peu de chance, Ydit, s’il parle fort, on alpaguera peut-être deux auditeurs, et trois, si ce sont des femmes »
ce dernier trait dit non sans goguenardise.

Ydit balise le chemin comme pour une randonnée lointaine.
Ici, c’est la région. Une exposition en tournée des grands duchés n’offre que ses caisses vides d’OubliEs, on a envie de lâcher le sac, le verre, la mémoire.

La dame de l’accueil l’aide à déposer les affichettes, à tirer au droit les plis d’une panoplie d’Orateur sortie du carton à malices.
Emue des glissement d’étoffe et des frottements de geste, la chef de salle se glisse dans le hall: « Ah, c’est donc vous YDIT, » dit-elle à YDIT, qui évidemment ne dément.
Par extension du domaine du devoir, elle demande la carte.
S’étonne : « Vous habitez vraiment toujours cette rue de Paris?« 
Puis: « Incroyable, vous savez qui je suis?…Je suis la fille de la poissonnerie, la boutique entre l’église et la Brasserie de l’église, j’ai quitté Paris depuis dix ans, mais ça me reste, mes poissons!« Elle s’amuse : « Sauf l’odeur, tant mieux ». Ydit et la chef de la salle aux Poissons échangent des secrets de marée haute matée par l’épuisement du vent, des secrets de la mémoire usés par les retards, de mascarets complexes à flux et reflux contradictoires.

La conservatrice : « Toutefois, sauf dérision, personne ne vient ici en pleine terre raconter ses souvenirs de pêcheurs ou ses retours au port. » puis, fière de la logique comme de la métaphore :« Souvenirs, je vous laisse faire, tirez les filets, YDIT, c’est votre aventure. »
2- YDIT raconte qu’il avait vingt ans et qu’on s’asseyait à quarante dans l’étroite salle enfumée de la fac. La jeune prof venait de retourner les « mémoires » notés. Alors qu’YDIT sortait, sur le palier décoré de tracts, elle avait dit : « Ce mémoire là, je me doutais bien que c’était vous, l’étrangeté bavarde et ce baroque rieur…Heureusement que la prof c’est moi, et la fac celle-ci, autrement : sale note. »
Dans les escaliers des militants gravissaient les degrés à l’envers, éreintés de pots de peinture et de balais. Ils exhortaient le monde à changer en tapissant de discours multicolores et de coulures oblongues les portes des toilettes Femmes, les tableaux de l’administration, les chaires des amphis. La prof avait dit : « Prenons un café au coin. »
La conservatrice chef de la salle et des poissons en paraît troublée : « Quoi, elle se permettait ça? Incroyable ! »
YDIT raconte : C’était la juvénile et précoce épouse d’un écrivain déjà célèbre pour son cénacle, ses calculs et ses œuvres inédites. Elle connaissait beaucoup de monde. Tous auraient pris plaisir à goûter sa petite tasse de café.

« Mon mari et le groupe se réunissent souvent. Après-demain c’est bibi qui planche. Venez donc écouter, on verra ce que vous en pensez, ou ce qu’on pourrait faire. J’ai apprécié votre babillage étourdi pour votre ‘mémoire’. Les autres aimeront ça. »
Dans les couloirs des Ecoles et les boudoirs des éditeurs, les jeunes gens bien élevés montraient du doigt le chemin de « The Shop » : on y rencontrait sinon l’esprit , au moins le verbe.
L’entresol de « The Shop » paraissait bâti de livres étranges construits comme des barrages contre le Pacifique.
On s’asseyait en carrés magiques le long des parois, on fermait l’ancien escalier. Les amis de Georges venaient avec de la bière, des livres yougoslaves traduits du Persan, des cigarettes anglaises, de jeunes auteurs et de vieux étudiants. Harry offrait du whisky tourbé, Jacques faisait les comptes, François venait de Lyon, Mitsou riait, Jean-Pierre ne faillait à rien. Et si Papy Zaza s’absentait, il se faisait remplacer par Sally Mara.


Au cours de la soirée d’en haut, YDIT n’avait rien dit. A la fin, dans la rue, La prof avait proposé qu’il vienne prendre un verre chez elle, demain. On n’aurait osé refuser de goûter à sa petite tasse de café.

C’était un appartement académique-chic : huit pièces, moulures, cheminées, 3.50 sous plafond, femme de ménage Maurienne et discrète. On accédait par degrés aux livres cachant les murs de haut en bas.
« Vous pourriez commencer par quelques feuillets pour le numéro d’automne de la revue Grand public. Ensuite, on verrait. Les autres sont d’accord. Encore une tasse de café? »
Parfois, ajoute YDIT, elle se mettait à parler comme un Professeur de jadis.
YDIT raconte qu’il avait accepté, bien sûr, puis lu un peu, écrit très vite, sur la vieille machine de « The Shop », où les doigts touchaient plus le vide que le fond. Il s’était amusé, dilettante et léger. La Prof avait demandé s’il voulait un conseil? LUI : « I prefer do not ». Inutilement arrogant, YDIT pariait que les dénonciateurs du sérieux ne pouvaient attendre un texte grave. A son âge, il y a des années entières où la lumière ne se lève pas sur l’horizon de l’intelligence.
L’article vite fait avait été vite reçu sans réserve ni commentaire, vite on le publierait tel quel.
La conservatrice voudrait savoir s’il a été payé au moins ?
Ydit raconte que, plusieurs semaines après la publication,
il avait reçu un chèque, à peine de quoi sans doute assurer une soirée de bûches dans l’appartement de La Prof, qui avait beaucoup de cheminées, il est vrai.
A la rentrée d’octobre rose, Ydit avait appelé La Prof. Elle avait tant à faire, et en retard : son cours d’agreg. à préparer, le colloque de Cérisy, une intervention à San Francisco. On se verrait l’année prochaine, à Marienbad ? Elle n’avait rien dit d’autre.
Mais, dans les mois ensuite, YDIT n’avait reçu aucune nouvelle, même pas une invitation simple à revenir écouter les Amis de Georges en haut de l’escalier à « The Shop ».
La ligne était claire. Il stagnait du mauvais côté de l’écriture. Stop. Never more.
Il avait, récemment, essayé de relire son article, mais l’unique volume envoyé par l’éditeur est perdu.
Ne restaient que les bibliothèques, les tiroirs de la mémoire bloqués par le jeu du bois, et les dames des Archives.
La chef de salle marque une fois encore la bienveillance des poissons partagés, de l’écaille des jours : l’écaille un jour, l’écaille toujours !

Elle dit : « Au moins, on pourrait retrouver le texte? Il n’est pas numérisé, mais je m’en occupe, moi, et vous, vous racontez. Chacun son œuvre. »
3 – YDIT que C’était un numéro sur ‘La traduction’.
Numéro 19, B.N. cote 8°Z 39843 p. 86 -94
L’article est retrouvé :
Intro : » Nous sommes dans un bar élégant, au septième étage d’un grand magasin. Dehors, l’été, tempéré par la mer. Ici, l’air conditionné, presque trop frais, instaure un climat irréel. Il est 16 heures. Il n’y a personne ou presque.
Je branche le micro du magnétophone; une amie, m’accompagnant, vérifie de diaphragme de son appareil.
16h15, Jorge-Luis Borges fait son entrée. Canne. Œil vide mais ferme. Démarche hésitante. Deux jeunes filles, jolies, estivalement vêtues de jupes légères et d’aériens chemisiers, aident le maître à nous rejoindre »(…) » 
Plus loin, après avoir évoqué les filles bronzées par leur nudité-même, l’interviewer continuait :
« – Traduire, c’est donc adapter, on y réussit plus ou moins bien?…Vous disiez qu’il existe des traductions plus …enrichissantes que l’original.
– J.-L. B. : L’odyssée, grâce à mon ignorance opportune du grec, est une librairie internationale d’œuvres en prose et en vers, depuis les rimes plates de Chapman jusqu’à la Authorized Version d’Andrew Lang, au drame classique français de Bérard, à la « Saga » vigoureuse de Morris ou à l’ironique roman bourgeois de Samuel Butler…La difficulté catégorique (est) de savoir ce qui appartient au poète et ce qui appartient à la langue. C’est à cette heureuse difficulté que nous devons la possibilité de tant de versions, toutes sincères, authentiques, divergentes(9) ».
Plus tard, l’auteur de l’article reprenait un autre passage dû à l’écrivain : « Attribuer ‘ l’Imitation de Jésus-Christ’ à Louis-Ferdinand Céline ou à James Joyce, n’est-ce pas renouveler suffisamment les minces conseils spirituels de cet ouvrage ? »(8) ( les chiffres renvoient aux textes d’origine, cités en notes dans l’article).
La chef de salle : « YDIT, reconnaissez, vous ne méritiez même pas votre chèque à vingt balles, le chèque de l’échec. Ecrire avec cette rigoureuse désinvolture, et déjà tous ces tics, passe encore pour les anecdotes simplettes des mauvais souvenirs que vous racontez, ici-même, devant l’étique public un peu en toc des archives,
ou le soir au retour de promenade avec les jolis copains de la bande. Mais pas pour la gravité de ces temps-là ».
YDIT : Je me suis demandé à l’époque si j’allais encadrer le chèque, mais j’ai préféré inviter une amie à dîner-
– petite amie ?
– petit dîner.
– Elle s’est bien tenue?
– petite tenue.
YDIT ne dit. La chef de salle pense que, de toute façon, l’article ne méritait pas davantage, ni une amie ni un dîner, juste un chèque signé d’échec, à la rigueur une petiote séquence d’OubliEs menée à la sauvette dans le hall- car, au fond, La Prof avait eu raison en évoquant l’article avec les amis de Georges :
« C’est gentil-gentil, mais celui-là, va lui falloir au moins cent ans pour effacer son goût de la légèreté. Passons à la suite. »
Après quoi, ils avaient parlé du Colloque de Cérisy.
Didier JOUAULT pour Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n° 69
RAPPEL sur les AQUARELLES nommées » S.P.O. » ( ou Lavis, mode d’emploi).
La Séquence Publique d’OubliEs qu’on regarde maintenant est un élément d’une longue série d’OUBLIS volontaires. Oublier ce qui a été un mauvais présent, ou un réel trop tard perçu. Le projet, des posts de garde, en poste restante, reste de mener sans hâte et sans reproche le récit amusé -ou stupéfait- de ces jours qui façonnent les mauvais souvenirs pour des récits lancés dans les soirées d’amis, les cauchemars, les somnolences d’avion- ce qui reste à oublier, au fond, avant de faire la somme (ou un somme?) …à la fin de l’histoire.
Didier JOUAULT pour Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n° 69

« Mais, je l’avoue, s’il l’avait fallu, moi-même, pour ma promo, je serais allé marcher pour le roi de Prusse »
C’était oiseux et doux, comme de comparer les versions de La Jalousie ou les divers whiskies de Churchill en écoutant Oscar Peterson ou India Song. De sorte que l’entrevue avec 

Il l’avait offert à B.L. Elle l’avait développé comme on tire un original. » 
L’autre l’injuriait :



