CARTE POSTALE :
L’expédition des Jeeps noires traverse les travées de la mémoire,
…mais au guichet du souvenir personne ne vous regarde en face
Cependant, la langue d’été joue encore en piqué, dans la « VILLA du Pré »:
Séquence d’été quatrième, SPO numéro 73, Il y a de quoi être fâché, tout de même, non?
A l’époque de la Villa du Pré, vers la fin du printemps des treize ou quatorze ans, les garçons aimaient le plus souvent rester à l’abri des arbres, dans les ruelles et les impasses, assis contre un mur, ou sur le bord des trottoirs.
Les couleurs de là-bas, paysage de pauvres propres, pouvaient indiquer l’Irlande, où personne d’ici n’était allé.
Les sœurs attendaient sans crainte que les garçons grandissent.
Le soir, on revenait de loin jusque sur la Place Séverine, en passant par le fameux stade fréquenté par les sœurs. 
On échangeait contre pas grand chose ces trois fois rien usuels qui font le plein et le bien des voisinages.
Les garçons racontaient leur absence d’Histoire. On s’amusait à chanter sous les fenêtres d’une fille dont on croyait retrouver le nom dans une chanson de Nougaro : » Mariiiie Christiiine, je suis sous, sous, sous ton balcon ». Le récit des riens s’évapore au soleil comme une trace de sirop laissée au fond de la soucoupe, près du glaçon qui chemine vers sa mollesse, la fluidité promise où il se perd.
Germaine demande s’il y est retourné, Ydit, à la « Villa », et la Russe aimerait en savoir davantage sur ce passé qui murmure encore ses babils de petit matin frais sous les faux acacias.
Ydit raconte qu’il a demandé à visiter le collège, qui fut et redevint une école.
La directrice n’a rien voulu entendre. Elle voulait savoir si le visiteur appartenait à la commission d’innovation heuristique et de compréhension allusive formée pour éclairer la maturation du projet et authentifier la validation des certificats.
Germaine avant qu’il en ait terminé comprend qu’Ydit invente.
De toute façon, il aurait fallu écrire à des inspecteurs, des contrôleurs. Passé 15 ans, passé 16 h , on n’entre pas dans les écoles où n’errent désormais plus que les directrices taillées dans le marbre, 
et qui écrasent le temps et les humeurs en patinant leur photo à coup de Korrector blanc laiteux,
sur un rythme lent de Pavane de Ravel qu’elles écouteraient dans un train vers le sud,
comme emportées par l’élan subtil de la …
…pierre lentement taillée qui les conduit vers un ciel de musée.
Par les pierres, le projet de bâtir parle les formes nouvelles avec les mots de l’ancien. Précédant la fin de son propre temps, un dénouement dans le dénuement, la mémoire est toujours pressée.
Germaine, cette fois, marque un signe d’agacement : non seulement Ydit ment, Ydit ment, mais il exagère aussi dans l’usage des mots. « C’est l’été, dit-elle, il ne suffit pas de faire plus court. On peut aussi faire plus simple. Oui, je sais, on peut rêver. Oui, je sais, plus simple il y a l’horaire des trains, avec changement à Roupéroux-le-Coquet ».
Ydit raconte pourquoi il aurait désiré entrer dans l’école, qui était un collège environ cinquante-cinq ans plus tôt.
C’était une fin de matinée de fin de printemps. Ydit raconte qu’il était revenu pour le déjeuner, comme chaque jour, il avait chaud d’avoir couru afin de compenser la bavardage avec les garçons du Pré,
devant le collège.
La mère l’attendait, immobile et furieuse, la lettre à la main.
Le Directeur du collège lui-même avait pris soin de lui écrire, à la mère.
Il tenait, au nom de sa conscience, à dénoncer vigoureusement un tel gâchis. Déjà que le frère aîné, vraiment on ne pouvait pas dire que, mais enfin bon, c’était une histoire spéciale. Mais lui, le cadet, non, ça ne pourrait pas se passer ainsi, ni de commentaires
. Le Directeur s’étonnait, en rouge, soulignait, en vert, épaississait le jugement par des lettres alourdies d’encres diverses. Aujourd’hui, c’aurait été un graphe insolent sur la façade sud, celle qu’on voit depuis le square devant le collège.
Il ajoutait, en mots gras, qu’YDIT ne fichait rien, rien de rien, et ne semblait pas le regretter.
Rien, troisième fois, sauf traîner avec d’autres garçons à peu près de son âge, et même un peu plus vieux, qu’on nommait Les Garçons de la Villa ou Les Gars du Pré, en tout cas de probablement mauvais compagnons.
Il ajoutait plusieurs points d’exclamation, raides et droits comme un après midi de lecture papier glacé chez Pierrot.
Aucun, poursuivait -il presqu’en justice, -aucun ne rendait ses devoirs à temps, on se demande bien à quoi ils passent leurs fins de journées, sauf à ricaner en attendant les filles sous le porche du collège voisin.
Certains, même- exemple fracassant- paraissaient en fréquenter, des filles, à treize ou quatorze ans, où allait-on ? Quant à YDIT, vidons l’abcès, savez-vous Madame qu’IL FUME DES CIGARETTES,
oui, comme je l’écris ( il avait abusé des majuscules), on faisait l’effrayant constat : il A DES CIGARETTES SUR LUI.
Le Directeur avait encadré deux fois les mots qui, semblait-il, exprimaient encore pire que » Les filles ».
Fumer, des cigarettes et fréquenter, des filles.
On se demandait, soit dit en passant,
où il avait trouvé ses cigarettes, de marque allemande qui plus est, on ne se refuse rien..
et qui lui avait appris à fumer, comment mettre les doigts, comment on aspire jusqu’à la goulée chaude,
et ce qu’il pouvait bien avoir d’autrement Pire appris entre temps.
A force, il allait rater le certificat d’Etudes Primaires!!!…

Quant aux filles, plus faciles à se procurer que les cigarettes : elles quittaient leur collège aux mêmes heures, imprescriptible et indescriptible promiscuité, maintenue malgré les TRES nombreuses lettres adressées par lui,
le Directeur,
( il écrivait beaucoup )
à sa collègue la Directrice du collège des filles, 
mais rien à faire, elle refusait de désynchroniser les sorties, et lâchait ses filles dans les pattes-et même peut-être les mains! -de nos garçons.
Il ne racontait pas l’une des réponses de la Directrice, prétendant que « dé-synchrone », le mot lui allait à lui comme un gant.
Germaine-des-rails, plus habile en signaux que personne, rapporte que ( mais YDIT ne le sait-il pas ?) les lettres forment une bonne part de l’Histoire…des Lettres. V3, vieux Voltaire, serait- là ( mais il est encore en Suisse pour soulager sa conscience) on le verrait hausser les épaules : sa propre correspondance (mot à faire trembler Germaine) ne fournit-elle pas plusieurs étagères?
Aussi, précise Germaine, pour qui un aiguillage et un passage à niveau ne se confondent jamais, aussi, dans les OUBLIeS de l’été, vous avez vu, YDIT, qu’on trouve une lettre du Ministre de la Guerre et une autre du Directeur de Collège, tout cela n’est pas léger, léger
…
« La mère a-t-elle mis dans la punition toute la vieille hargne rentrée depuis l’arrivée de ce coffret en bois, et du livret militaire, stylo avec plume en or, mort au champ d’honneur le 4 juin 1940 ? Le coup d’une SPO précédente ? »
Ydit pense à ce cours de géographie quelques jours avant : à bout, le professeur, un Ancien pourtant, avait saisi de force le « cahier de textes » d’YDIT, puis longuement expliqué d’une plume alerte à quel point YDIT ne fichait rien mais rien. Gentil, mais agité, parle sans cesse, distrait tout le monde, va même rater le certif alors que ce devrait n’être qu’une formalité… Insupportable. Sale môme. Attachant, mais sale môme. A faire signer. Je vérifie demain que c’est
.
Assis sur le banc trop petit, le bonhomme voyait YDIT de haut. Et YDIT pleurait. Beaucoup. Il adorait, le moment venu, faire le gamin bon enfant. Alors, finalement, l’Ancien de la Géo avait raturé à grands traits son éclat de colère. Arraché même la page, car les ratures, on sait que c’est louche pour les parents. Puis fait promettre à YDIT de se calmer. Promesse tenue.
Maintenant, YDIT raconte : « Tassée sur elle-même, la lettre à la main, la mère, comme Cassius Clay contre Sony Liston (qui abandonne au 7ème round)
ou la tempête contre Arthur Cravan (poussé dans la brouette de « Maintenant »), la mère bousculait YDIT dans les coins aigus du ring familial. 
On devine qu’elle y mettait une ardeur sauvage, tout ajustée à la douleur prévue, comme lorsqu’elle parlait économie conjugale avec le père, sauf qu’elle ne se servait pas d’outils ménagers pour dialoguer, cette fois.
On était en plein débat éducatif, elle s’en tenait à la main nue et au pied bas lancé balancé bien placé.
Elle avait l’argument généreux et redoublait sans réserve ses effets.
Bien que très inexperte en noble art, elle savait trouver les points du corps
où laisser la marque de sa colère. »

Ydit aurait voulu que la poésie de JACCOTTET fût réalité :
Poids des pierres, des pensées
Songes et montagnes
n’ont pas la même balance
Nous habitons encore un autre monde
Peut-être l’intervalle( Poésies 1946-1967,Poésie-Gallimard,1971)
L’été, c’est poème, ricane Germaine.
Ydit : Appétit radicalement coupé, il avait peu goûté la pomme de terre en potée au lard gras et à la tomate, d’ailleurs trop cuite (mais, il faut le reconnaître, la mère ne peut quand même pas tout faire en même temps, elle n’a pas quatre mains).
–« Que ça te serve de leçon », ajoute-t-elle, frottant ses paumes rougie sur le tablier, « au mois celle-là tu t’en souviendras longtemps ». (Germaine observe que « la mère, anticipant sur les S.P.O., ne manque pas d’un certain humour, quoiqu’un peu lourd ?« )
Sur les jambes, on ne perçoit pas encore les bleus, même si la joue semble très rouge, quand YDIT retrouve les Garçons devant le collège après le déjeuner.
–« Eh ben, t’as déjà pris ta râclée ?! » interroge Patrick
–« Tes parents aussi ont reçu leur lettre du Directeur ?! » s’émeut Pierrot
Et tous les garçons de La Villa du Pré se mettent à rire aux larmes, jusqu’à ce que le Directeur, qui écrit beaucoup, s’installe près de la porte pour sonner la rentrée.
didier jouault Yditblog 73
J’espère que Ydit a cessé de fumer ?
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heureusement, le Director ne s’intéressait pas au Beaujolais, car – avec le Beaujolais- la rupture est impensable, avec les cigarettes ( surtout allemandes, on ne se refusait rien) : oui
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Cette saveur d’été est Formidable ! Bises sss Aminata
Envoyé de mon iPhone
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Euh, pardon z’y kroassepas,, c’est qui le formidable, Aminate ? ( elle l’est, et avec plus d’un point commun avec toi, d’ailleurs)
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Et l’anglais? Ça va mieux?
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I préfer not to,
mais je pense m’entrainer : c’est régulier chez moi un summer camp au Montana un camp d’hiver à Washington, juste : ne pas bousculer ce rythme…
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