Yditblog Séquence publique d’oubliEs n°81 ( post 105) : La carpe du territoire fait toujours perdre le Niort – 2 sur 2.

Ydit veut raconter l’arrogante cruauté des jeunes hommes trop faciles. Par le suite, peu à peu, presque sans le vouloir, ses frères lui ont appris à respirer autrement le parfum noir des dames, sans renoncer à les aimer.
Séquence deux sur deux : la théorie de la chambre de bonne


Reprise de volée :

Le tarot l’affirmait : dans un voyage prochain, Ydit ( dont le pseudonyme était encore lui aussi à venir ), Ydit croiserait le sentiment sur un quai, un rivage, un trottoir ( les cartes répugnent au détail). Une lame disait le voyage, une autre l’aventure, la troisième en se dévoilant à point paraissait cligner de l’œil dans le miroir des vestiaires. La devineresse ( en liesse sous la tresse) volait d’une main toujours muette sur ses lames retournées, mais ne disait mot que sur demande : une carpe dans son fossé.
Germaine, bien entendu, veut en savoir davantage sur le futur annoncé. Et comment il n’advint pas 

Ydit raconte :

 

En ces temps d’il y a plus longtemps que le pas du souvenir ou presque, il allait dans les départements animer des réunions, où tenir le rôle de l’invité, pour le stage de Week-end.

 

     Peu de jours après les jeux de reflets du tarot, il finissait une séquence publique d’avenir, qui s’était  posée dans une abbaye défroquée en pays de marais poitevin.
-A Parthenay, la Parque naît, s’amuse Germaine, se demandant ( sur un ton à couleurs de Maroc) s’Ydit bout l’abbesse?

     Ydit, tout de même, ces gloseries à peine littéraires pour des mots à peine d’esprit, ça l’agace, parfois. Mais on sait que le verbe lâché ne rentre jamais dans la bouteille. Il poursuit le récit.
     Ydit raconte :
Tout au long du Week-end, une jeune médecin et lui avaient balisé les territoires séduisants de la connivence. Rien n’avait eu lieu, sauf l’évidence d’un futur possible, ce que les regards disent en peu d’éclats. (Germaine ricane du ‘peu d’éclats’ -discrets comme une volée de cloches pour la messe du dimanche).

 

     YDIT : Le stage fini, sur le quai de la gare, tard, comme elle le raccompagnait avec une autre, Ydit se demandait soudain s’il ne fallait  pas soudain rester, poser les mots sur le quai, décliner ici tout langage, dérailler,  s’arrêter – même si tôt ? Il se sentait un peu amoureux et beaucoup stupide, à moins que le contraire?
Elle proposait qu’il vienne dîner chez elle, elle n’était pas de service le lendemain à l’hôpital, il est encore temps, un reste de mojettes, tant pis pour le train, une tranche de jambon de pays, celui-là ou un autre, tous les trains partent à la bonne heure, il prendrait celui du lendemain matin. Peut-être. Ou même un autre. Puis elle viendrait passer des soirs à Paris. Avec les mojettes, on boirait du pineau frais dans la chambre d’amis. Le dimanche on rangerait la bibliothèque.

 

     Par la fenêtre, pourtant, il avait donné du mouchoir comme on donne du gîte, avec une malicieuse dérision. « Venez quand vous voulez », disait-il à la cantonade, pour ne désigner personne et décevoir tout le monde.

     Peu de jours après, sur ce qu’on nommait alors « répondeur », une poitevine avait décrit la suite : » J’arrive ce soir« . Elle aussi avait conservé l’adresse du Parisien. Mais c’était l’autre, l’amie gentille et  sans talent dont les yeux n’absorbaient pas la fine lumière du désir. On avait partagé des minutes de respiration dans le parc de l’abbaye. Elle avait cru à l’invite ferroviaire.

 

     Bientôt, la Poitevine à forte poitrine a quitté le quai, nulle Germaine attentive n’ayant pu interdire le voyage vers rien. Elle s’impose d’une queue de rat joviale et d’un chignon polisson, coiffé en nid d’ange. Elle s’est préparée à la vie pendant le voyage.

 

     Il n’y avait pas de code à la porte, en ces temps sauvages. Elle sonne. On ouvre.
Dans l’appartement, elle installe un peu de confusion -presque de stupeur -.

    La compagne majeure d’alors s’amuse devant cette improbable cueillette de séminaire… Ydit est démasqué en costume de Sganarelle, valet gras d’un Don Juan exporté en Poitou, qui sait tant des filles sauf la vérité de leurs yeux pâlis par l’attente de la couleur vraie. « Mes gages, mes gages ! » réclame la Poitevine à Sganarelle, et « Dégage, Dégage ! » songe l’amoureux trompé sur la personne, retranché dans le donjon intérieur de l’indifférence.

Mais se prépare son destin de pierre.
La Niortaise, guidée  par  des lames de fond de son propre désir d’être Désirée, n’a rien compris de l’appel à venir peupler l’avenir.paroles de tarot.jpg

Elle accepte avec une précipitation de Grandes Chutes l’invitation à occuper, ce soir, la chambre de bonne.

YDIT : « On n’allait pas lui proposer le tabouret, et encore moins le canapé, elle aurait vidé son sac dans le salon. »

Pour festin, déchiré entre trois, on lui offre un brouet sans luminosité. Le dialogue est puissant comme le grain dans la dune : un soupçon de vent le fait rouler vers le néant de l’anonyme.

La Niortaise ignore Paris, elle redresse le chignon à coup de baguettes détournées d’un restaurant (iranien-mongol?) de Migalou-Bonnières, elle ne parle que de ce pauvre Boby ( un autre grain de sable, Irlandais), et perçoit en tout regard la vigueur d’une annonce faite au pari. Elle décroit ses allées, décrit ses venues, mais renie ses retours.

 

     On regrette, elle croit en sa nuit. Telles sont les mœurs parisiennes vues depuis les bocages. On écourte l’agape sans éros, son train était si loin, si tôt, elle est si fatiguée, n’est-ce pas?
Ydit suggère de la conduire à la chambre de bonne, quelques escaliers, amusement dissuasif mais dissimulé de la compagne majeure. On sent que la Niortaise, émue et très éveillée, se dit «Ouh la la, çà va si vite, c’est la capitale sans Kapital, j’ai bien fait d’emporter mes gélules.»
Elle gravit les marches comme une qui aurait le bonheur de descendre l’échafaud sans avoir perdu la tête : enfin la vie commence. La grande aventure, c’est ainsi qu’elle y pensait pendant les réunions de section ou les cueillettes au papillon, sur les rives des canaux dans le marais. Elle a vu comment les gars de Paris on appris les voies de  la fraîcheur sans pudeur.

 

     Elle franchissait la porte, se retournait, fermait les yeux : du temps passait. Quoi, Ydit de Paris et du Parti n’avait pas encore dénoué son langoureux Caraco à liens verts et rouges en dentelle d’Alençon brodée sur toile de Mayenne? Ydit n’avait pas déjà, impulsif et gourmand, porté à la lumière la petite étoffe « Dames de France » achetée pour l’occasion, sur le marché de Bressuire, avant de l’éparpiller sur la moquette ?

     Ydit souhaitait bonne nuit. Il indiquait les lieux utiles, la meilleure boulangerie au petit déjeuner, laissait pour demain le plan de Paris ornementé de perles telles les adresses de musées ou de gares, – surtout d’une gare – et remerciait pour l’agréable dîner entre camarades d’incartade légère – et très dépassée.
     A une autre fois, il espérait ? A Niort de nouveau, sur le quai de la gare, avec son amie médecin de l’hôpital ?

     Fermait doucement la porte. N’écoutait pas derrière. Se confortait dans sa cruauté : séduire, passe encore, mais coucher, à cet âge… S’offrait l’imbécillité d’un sourire d’escalier, ceux des conscrits de jadis ayant fait pipi dans le casque du sergent. Encore trop vert pour le rouge de la honte.

     YDIT raconte : Restée seule, on imagine, la Niortaise rumine, fulmine, elle ravine, bientôt elle Nautamine, elle Revitaline, elle Nivaquine, tous les moyens sont bons pour régler son cas à ce fat, disparu sans bruit et sans fureur, parti derrière la porte la queue entre les jambes.
Humiliée, sans doute, déçue, violentée de solitude, elle sort boire une verre dans un bar, deux bars, trois verres. Plus tard, elle disparaît au-delà du rideau de scène.

 

 

     « Et bien, soupire Germaine, je comprends l’urgence  des « OUBLIS » à présent que la statue d’un commandeur est en route  : il n’y a en effet pas de quoi vous pardonner. ET Ensuite ? »
Ydit : Au matin, sur la porte de l’appartement, un mot attaché par un peu de ruban d’Alençon renforçait la niaise cruauté de l’épisode :

verso : « Elle avait le visage aminci, les pommettes longues, et de grands yeux doux ».(1)

recto : « Mais il se fait tard, allons souper! »(2)


(1) Marcel Schwob, Vies imaginaires, Gallimard, 1957

(2) Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien.


 

didier jouault pour Yditblog  81/105

Par défaut

Yditblog Séquence publique d’oubliEs n°80 ( post 104) : La carpe du territoire fait toujours perdre le Niort – 1 sur 2

     Ydit veut raconter l’arrogante cruauté des jeunes hommes trop faciles. Par la suite, peu à peu, presque sans  le vouloir, ses frères lui ont appris à respirer autrement le parfum noir des dames, sans renoncer à les aimer.

 

l Multiplication des Germaines

 

     – « En fait, franchement, dit Germaine en  secouant la tête d’un joli «  non », vous pourrez dire ce que vous voulez, Mon Vieil Ydit, nul ne lit pas l’avenir dans le jus de pruneau, et encore moins en jouant aux dés avec les noyaux, c’est bien connu, ça n’abolit pas le bazar. Ou alors ça ressemble au plan de la gare de Niort ».

 

 

     Ydit ne demande donc pas ce que cela signifie. On a d’ailleurs compris, depuis le début (ou presque), à quel point l’espace des Séquences Publiques d’OubliEs privilégie à chaque fois l’image sur le sens, résolument, définitivement, l’image plutôt que le verbiage, y compris le sens de la vie, et- pour les amateurs- l’essence du lavis.

– « Même s’il fait image et même s’il n’est que de passage pas sage, le sens ? » estocade Germaine. Elle s’est de mieux en mieux glissée, geste et verbe, dans le costume à paillette de la rouge dame des rails qui pétillette et goguette. Elle chewingmachouille le mot «sage» et songeant ( éternel reproche ) à la présence souvent estimée inutile de nues plus ou moins crues dans les séquences à plus ou moins croire, nues seraient-ce en sculptures qu’honorabilise ( non sans hypocrisie, on le devine ) leur endormissement sur les parquets des musées, leur efflorescence photographiée,  ou leur épanouissement au yeux de tous dans le douillet silence des jardins publics.

     Absent de Paris pour affaires ( cette fois, dit-on, pour diner d’un dindon avec un de ses Frères, Jefferson ou Washington ) Voltaire dit V3 exprime de loin son accablement, avec un peu moins que les 140 caractères de la limite autorisée.

     Abandonnée à son propre aiguillage, Germaine poursuit, au moins son discours, et sans doute aussi le chemin vers la gare égarée sans égards dans l’une des séquences publiques d’oubliEs à venir. Encore un de ses aphorismes très mineurs : « Plus le trafic est ancien, plus on va vers la voie unique ». Au proverbe malien succède le proverbe du train.

     À propos d’indignité, demande Germaine, aujourd’hui pétulante comme un Cyrano, je ne vois pas non plus ma pote Vassiliki ? Deux ans qu’on se connaît ! Elle n’est pas revenue de Sofia ? Elle rédige son rapport sur vous, et votre père, au profit des Organes?

Elle le sait, Vassiliki, elle, qu’en mentant on regarde les cartes pour mieux  voir dans le passé.

Ydit raconte : Un après-midi, sur une devanture de boutique près du canal, il avait personnellement été invité -par affichette- à tout savoir en direct sur son avenir. Comment résister à l’appel du désert ? La dame, toute d’âme vêtue et de lames armée, pratiquait le tarot instinctuel, ce qui peut exciter toute curiosité mâle placée- surtout que l’affichette s’ornait d’un portrait de la devineresse qui se documentait en tenue de classe.

     Ydit formait en son rêve des cauchemars à la Pyrrhus. Paisible et pleine d’elle même, une Judith belle comme Camille Desmoulins battait ses ailes du désir, puis sortait promener sa tête d’Holopherne, fichée sur une pique qu’on aurait dit droit venue du pays perverti d’Alice : l’avenir, c’est ainsi, murmurait-elle, tandis qu’on flottait sur l’encens de la sale d’attente.

     Le tarot l’affirmait : dans un voyage prochain, Ydit ( dont le pseudonyme était encore lui aussi à venir ), Ydit croiserait le sentiment sur un quai, un rivage, un trottoir ( les cartes répugnent au détail). Une lame disait le voyage, une autre l’aventure, la troisième en se retournant paraissait cligner de l’œil dans le miroir des vestiaires. La devineresse volait d’une main toujours muette sur ses lames retournées, mais ne disait mot que sur demande : une carpe dans son fossé.

 

Par défaut

La taxe du hors piste, séquence ni publique ni d’oubli

C’est rare. Les compagnons de route (et parfois de mémorable déroute mémorielle) sont assis à la même table. Pour amuser le public, un facétieux a collé une affiche. On a détourné des images? La police s’emmèle!

 

Ydit fait front, pour ne pas perdre la face.

Même cajolé,

 

le Vieux Vaticinant Virule et Vaticine : « Non, vraiment, ydit a exagéré! »

Germaine, toujours diseuse de bons aiguillages et gourmande de rails, gourmande  et contrôle son Ydit comme si c’était un fraudeur sautant les barrières,

 

     un jeune sur sa planche à voile, un quadra en trottinette sur les trottoirs, bannière plein vent. Un type, tiens, un barrage de contrôle et on te le mate. Puisqu’il s’agit d’images…

On n’ira tout de même pas faire appel à des renforts, qui seraient bien capables de détourner Ydit de son repentir. Nécessaire repentir.

 

Et jusqu’à la plus incertaine des compagnes, la suave slave Vassiliki : enfin, de la matière pour un rapport plein de fautes?figaro le jour le plus longIMG_2051berline 4bal des pingouins de fer 6

Alors – triosent ils, où va-t-on? Ydit se meut en mauvais garçon, en voleur d’estampes, en Ribouldingue de l’image?

En mafioso de petits boulevards ?

 

 

Il déborde, il expose, il explose même? Hein, M’sieur Ydit, on oublie les principes?

 

 

Sans mauvaise conscience, mais tout de même un peu mollement, Ydit s’abandonne à l’argumentation : « oui, dans la rapidité de l’écriture, il a utilisé les images du « stage théâtre » sans avoir recueilli d’autorisation préalable ».

D’un geste généreux comme un contrôleur découvrant une carte Sénior sur le Paris-Brest, Germaine rappelle que l’image en espace public est à tous, sauf usage commercial ou dégradant.
Du reste, précise Vassiliki, les personnes sur ces images aiment se mettre en spectacle, et…

V3 dit Voltaire – moins acide que d’habitude, ( mais au fond peut-être aussi caustique), prétend que, parfaitement respectueuses  les images ne sont que des  » illustrations » d’un propos : les représentés ne jouent aucun rôle dans la Séquence Publique d’Oubli, ils ne font – pardon- que de l’aimable et souriante figuration.

Ydit sait tout cela : il a lu le droit. Mais, bien sûr, a posteriori on peut solliciter le retrait d’une image. Voila tout.
V3  soupire : ce n’est pas malin, Ydit aurait pu demander avant. 

Germaine : il demande maintenant, et on retire ce qui doit l’être, sans taxe et sans trace, sans amertume ni moindre thune.

Pour Vassiliki, dont les grands principes souffrent peu d’approximation, en d’autres lieux, ça aurait fini une balle dans la nuque au fond de la Lubianka…Bon, d’accord, j’exagère, mais une bonne dizaine au Goulag, ça oui.poste police rue Marsoulan 2012SPO Fessée-éducativespo fessée gtravure

Bref, les trois comparses jugent de concert qu’Ydit a franchi le passage à niveau, le nigaud, c’est balot, sans regarder avant. A son age!

On sait bien de quoi on aurait envie, hein?

 

On attend la suite, demande Germaine?

 

 

Ydit : pour quiconque,  disparaître des SPO malgré nos explications, rien de plus banal : il suffit de le demander. Ici-même !

 


Hors série, toutes photos déjà publiées dans une Séquence Publique d’OubliEs

Par défaut

Yditblog S.P.O.79 (post 102) : Sur la terrasse les amis de Tyne aussi attendent le vol pour Marseille.

     Selon Ydit, Tyne marchait dans le désir les yeux bandés (spo78).  On entend à présent, parmi les bruits de la vie, un appel à l’embarquement de TYNE, attendue porte X pour le vol de Marseille (Spo79).


Ydit avait raconté, sur une scène vide, que traversaient par instants des spectateurs pressés,

     Ydit avait raconté l’accueil de TYNE avant la première nuit dans la maison à la campagne. Il avait dit la surprise de l’indifférence bavarde, il avait dit  le silence blafard de Tyne quand la ville tendait les détours de l’Histoire en cadeau de première nuit, mais TYNE avait marché les yeux fermés, alors que les murmures des sculptures ou la rigueur des façades réinventaient le souvenir pour elle, il avait dit son glissement prolixe au-delà des signes, la fermeture des écoutes, son mutisme du cœur…des « OUBLIeS » à saveur un peu amère, un peu acide.(SPO78)


 

 

     Mais ce n’était qu’une première apparition de la si aimable Tyne sur le décor des nuits et la scène des éveils.

     Puis ce fut comme une disparition : Ydit raconte qu’ils étaient tous deux assis au soleil d’une terrasse. Tyne le regardait, émue sans doute. Elle allait devoir quitter Paris pour Marseille, disait-elle, et allait s’y marier, peut-être, avec Alexandre, à force.

     Germaine-des-rails se stupéfie à hoquets hauts : Quoi,Tyne avait deux hommes? Comment,elle partait?

 

     Ydit raconte que, sans doute, Tyne aimait les jours et les nuits de deux hommes, et puis c’était un temps que Germaine n’a pas connu, sauf par les récits des libelles, et les mots purs de la tribu. Un temps de vertus sans fards, de jeux sans prix, et de feux débarrassés de leurs cendres.

-« Et vous aussi ? s’indigne – ou affecte de – Germaine.

« Et elle venait dans la maison de la campagne où une autre venait à son tour? »

     YDIT raconte : « TYNE  ce jour là prenait le temps de construire un nid d’oubli, sur la terrasse du départ. Sans malice, trop fine pour aimer toute blessure dans la mémoire d’YDIT, elle s’était prise à raconter les bonheurs de leurs histoires, depuis deux ans. Ou trois? On n’aime pas les histoires, parce que les raconter c’est aussi les enfouir.

    Germaine : Des  » OUBLIeS »?

 

     YDIT une fois encore dit que les  » OUBLIeS » sont les effacements volontaires des moments sombres enkystés dans la mémoire. Avec Tyne, rien que la lumière, et même en ce jour d’annonce faite d’un départ. Qui s’étonnait en ces temps que l’histoire ait une fin ? Rien de plus banal , Germaine, croyez moi :

On surgit, on s’allie, on se dit, on se plie,

les corps doux, coin de cou, c’est tout flou, puis l’époux

et voila tout, et voila dit.

     Germaine demande « si les récits de Tyne,sur la terrasse?..

ET d’abord était-ce vraiment TYNE? »

     YDIT rappelait qu’ils étaient allés quelques jours en Ecosse, au printemps.

        Elle avait acquis là son prénom.preraphaelite autrejeune fille à sa fenêtre

 

TYNE, Riv.du N. de l’Angleterre (128km). Elle prend sa source dans les monts Cheviot, près de la frontière écossaise, et est formée par la réunion, près d’Hexham, de la Tyne du Nord et de la Tyne du Sud (North et South Tyne), issue du Cross Fell. Elle arrose Hexham et Newcastel.(*)

 

Maintenant, dans ce clair-obscur que la mémoire fait aux jours de grands mots, les deux TYNE se séparaient à nouveau, Nord et Sud.

 

Souriant, car partir n’est jamais un malheur, elle demandait à Ydit s’il se souvenait ?

Tyne :

Ils étaient allés à plusieurs quelques jours dans le grand soleil de Sicile. On apprenait à bousculer la tiédeur des midis en  glissant la planche à voile parmi des vagues de comédie. On visitait les musées, au matin, quand les œuvres sont encore fraîches de regard et de lumière.

 

     Ydit : Et tu inventais chaque fois des proverbes africains : « Le cou du serpent finit là où sa queue commence » venu du Cameroun, disais-tu sur la plage,  et encore cet autre que j’aimais beaucoup, réplique pointue aux faiblesses de la mémoire, et que tu prétendais avoir entendu au Sénégal : « Si tu as perdu ton cheval, regarde sous la selle ».

     Une autre fois, on avait passé trois jours en Normandie, Tyne rappelle qu’ « Ydit se déguisait en lecteur cambrioleur, picorant par dessus l’épaule nue et blanche des phrases d’écrivain noir », que Tyne jamais n’abandonnait. lupin-passage-bon-plan
Inkedfile4_LI

 

césarée 2014 Sur le bord d’une rivière, on lisait impudiques au soleil.T h nu main et sexe d'oublies

     Dans le sud, sur la terrasse, elle s’amusait beaucoup d’accepter les jeux d’images qu’YDIT rêvait encore de conduire à une collection – jamais construite car Tyne avait pris d’un coup la tout entière place dans l’imaginaire.

duo nu      Ils en bavardaient encore, sur le point de partir, et Tyne- sur la ligne de partage des mots- demandait ce soir « si elle pouvait conserver les tirages ? »

InkedTyne Croix, pierres,drap, de dos, Estep

     Ajoutant l’un de ces proverbes dont nul ne saurait jamais s’ils étaient puisés dans les sources secrètes et noires de l’Afrique, ou si chaque jour Tyne les inventait : au Togo, encore : « Si le fleuve bouge son cours, même le caïman doit suivre ».

 

    Tyne raconte les histoires, dit qu’elle dormait souvent peu, Ydit parodiait : « Madame promène son cas sur les remparts de l’insomnie ». Dans l’abri de toile posé au fond de gorges descendues en kayak et en tenue de rien du tout ( mais, savez-vous Germaine, en ces temps de légèreté, on avait du corps nu l’image du simplement vivant) Tyne répondait en écrivant sur un petit carnet (par souci de ne pas éveiller le dormeur du val, ironisait-elle) et – comme d’habitude- elle avait raison de citer le Bénin : « Même s’il vit dans l’eau, le poisson a toujours soif ». De ce point de vue, Tyne restait impénétrable.

 

Ils allaient aussi dans des villes où d’anciennes camarades de classe un peu lasses ou d’étranges étrangers les invitaient à boire  dans les bars ou fleurir les défunts. On disait de TYNE :  « Elle rambarde, elle pétille, elle s’oublie dans les bulles ».

 

Dans les parcs et les châteaux, YDIT montrait les traces et les noms des compagnons anciens. Cette fois Tyne écoutait, parfois.

Tyne dormait souvent peu, mais tard : Ydit attendait sur les murets qu’elle finisse de passer la gomme d’éveil sur le dessein de son corps.

En Espagne – ils étaient partis en voyage ourdi en quatuor allègre – elle rattrapait la nuit par des siestes picturales posées dans le demi-jour mensonger de la terrasse.

InkedTyne sieste chaste _LI

 

     L’attention s’étiole, luciole qui papillonne, mais Tyne raconte encore qu’ « ensemble ils avaient visité les ruines de l’ouest, les formes posées entre les colonnes disaient la mémoire des bâtisseurs. » 

     YDIT : « Tyne portait une longue jupe, il faisait chaud, en manière de cadeau d’anniversaire elle avait transformé en pochette pour la veste de lin que portait YDIT le plus intime (et aussi le plus fin, le plus détouré) de ses propres vêtements.

     Non, Germaine, ne vous agacez pas : c’était un moment du temps, ces années, où la joie pure des corps ne se voilait pas de morales accessoires, et quelle jolie pochette sans surprises ! »

 

 

 

     Mais voici, à présent, que Tyne dissipe sa présence, si peu sage,

et part vers Marseille, comme on va prendre un thé au Sahara.

ydit grognon mais ça ne va pa durer

     « Pas de fruit sur l’arbre qui n’ait eu d’abord sa fleur », aurait-elle murmuré , songeant au Sénégal. Cependant, les sentences aléatoires et les faux proverbes n’amusaient plus YDIT. Il relisait des livres anciens, posé sur un décor de désastre. Le langage n’est drôle que si l’on reste.

 

dj lecteur dans le désastre

 

Tyne partait, laissait entre eux la faille d’un  paysage que nulle lave n’emplirait. Porte fermée, elle gambadait un peu, déjà, sur les marches fraîches de son nouveau récit.

 

-Et vous? demande Germaine attendrie malgré la regrettable  banalité ambiante.

 

petit matin post Tynedj 30,ans portrait songeur

YDIT : Tyne dormait peu, mais partit tôt. Je servais le premier café solitaire et glacé.

Sur le mur, un portrait qu’elle avait fait disait la suite.

 

 

 

     Autour de la table sur la terrasse, on entend les passants attendre le vol pour Marseille, le vol de TYNE pour jamais, pour les temps volés, pour les tournois de mémoire, pour les autres pièces de la vie qu’on visite.

 

Tyne est toujours un spectacle joué à guichets fermés.

 


(*) Le Robert des noms propres


Didier Jouault pour YDITBLOG 79/102

Par défaut