Yditblog S.P.O.79 (post 102) : Sur la terrasse les amis de Tyne aussi attendent le vol pour Marseille.

     Selon Ydit, Tyne marchait dans le désir les yeux bandés (spo78).  On entend à présent, parmi les bruits de la vie, un appel à l’embarquement de TYNE, attendue porte X pour le vol de Marseille (Spo79).


Ydit avait raconté, sur une scène vide, que traversaient par instants des spectateurs pressés,

     Ydit avait raconté l’accueil de TYNE avant la première nuit dans la maison à la campagne. Il avait dit la surprise de l’indifférence bavarde, il avait dit  le silence blafard de Tyne quand la ville tendait les détours de l’Histoire en cadeau de première nuit, mais TYNE avait marché les yeux fermés, alors que les murmures des sculptures ou la rigueur des façades réinventaient le souvenir pour elle, il avait dit son glissement prolixe au-delà des signes, la fermeture des écoutes, son mutisme du cœur…des « OUBLIeS » à saveur un peu amère, un peu acide.(SPO78)


 

 

     Mais ce n’était qu’une première apparition de la si aimable Tyne sur le décor des nuits et la scène des éveils.

     Puis ce fut comme une disparition : Ydit raconte qu’ils étaient tous deux assis au soleil d’une terrasse. Tyne le regardait, émue sans doute. Elle allait devoir quitter Paris pour Marseille, disait-elle, et allait s’y marier, peut-être, avec Alexandre, à force.

     Germaine-des-rails se stupéfie à hoquets hauts : Quoi,Tyne avait deux hommes? Comment,elle partait?

 

     Ydit raconte que, sans doute, Tyne aimait les jours et les nuits de deux hommes, et puis c’était un temps que Germaine n’a pas connu, sauf par les récits des libelles, et les mots purs de la tribu. Un temps de vertus sans fards, de jeux sans prix, et de feux débarrassés de leurs cendres.

-« Et vous aussi ? s’indigne – ou affecte de – Germaine.

« Et elle venait dans la maison de la campagne où une autre venait à son tour? »

     YDIT raconte : « TYNE  ce jour là prenait le temps de construire un nid d’oubli, sur la terrasse du départ. Sans malice, trop fine pour aimer toute blessure dans la mémoire d’YDIT, elle s’était prise à raconter les bonheurs de leurs histoires, depuis deux ans. Ou trois? On n’aime pas les histoires, parce que les raconter c’est aussi les enfouir.

    Germaine : Des  » OUBLIeS »?

 

     YDIT une fois encore dit que les  » OUBLIeS » sont les effacements volontaires des moments sombres enkystés dans la mémoire. Avec Tyne, rien que la lumière, et même en ce jour d’annonce faite d’un départ. Qui s’étonnait en ces temps que l’histoire ait une fin ? Rien de plus banal , Germaine, croyez moi :

On surgit, on s’allie, on se dit, on se plie,

les corps doux, coin de cou, c’est tout flou, puis l’époux

et voila tout, et voila dit.

     Germaine demande « si les récits de Tyne,sur la terrasse?..

ET d’abord était-ce vraiment TYNE? »

     YDIT rappelait qu’ils étaient allés quelques jours en Ecosse, au printemps.

        Elle avait acquis là son prénom.preraphaelite autrejeune fille à sa fenêtre

 

TYNE, Riv.du N. de l’Angleterre (128km). Elle prend sa source dans les monts Cheviot, près de la frontière écossaise, et est formée par la réunion, près d’Hexham, de la Tyne du Nord et de la Tyne du Sud (North et South Tyne), issue du Cross Fell. Elle arrose Hexham et Newcastel.(*)

 

Maintenant, dans ce clair-obscur que la mémoire fait aux jours de grands mots, les deux TYNE se séparaient à nouveau, Nord et Sud.

 

Souriant, car partir n’est jamais un malheur, elle demandait à Ydit s’il se souvenait ?

Tyne :

Ils étaient allés à plusieurs quelques jours dans le grand soleil de Sicile. On apprenait à bousculer la tiédeur des midis en  glissant la planche à voile parmi des vagues de comédie. On visitait les musées, au matin, quand les œuvres sont encore fraîches de regard et de lumière.

 

     Ydit : Et tu inventais chaque fois des proverbes africains : « Le cou du serpent finit là où sa queue commence » venu du Cameroun, disais-tu sur la plage,  et encore cet autre que j’aimais beaucoup, réplique pointue aux faiblesses de la mémoire, et que tu prétendais avoir entendu au Sénégal : « Si tu as perdu ton cheval, regarde sous la selle ».

     Une autre fois, on avait passé trois jours en Normandie, Tyne rappelle qu’ « Ydit se déguisait en lecteur cambrioleur, picorant par dessus l’épaule nue et blanche des phrases d’écrivain noir », que Tyne jamais n’abandonnait. lupin-passage-bon-plan
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césarée 2014 Sur le bord d’une rivière, on lisait impudiques au soleil.T h nu main et sexe d'oublies

     Dans le sud, sur la terrasse, elle s’amusait beaucoup d’accepter les jeux d’images qu’YDIT rêvait encore de conduire à une collection – jamais construite car Tyne avait pris d’un coup la tout entière place dans l’imaginaire.

duo nu      Ils en bavardaient encore, sur le point de partir, et Tyne- sur la ligne de partage des mots- demandait ce soir « si elle pouvait conserver les tirages ? »

InkedTyne Croix, pierres,drap, de dos, Estep

     Ajoutant l’un de ces proverbes dont nul ne saurait jamais s’ils étaient puisés dans les sources secrètes et noires de l’Afrique, ou si chaque jour Tyne les inventait : au Togo, encore : « Si le fleuve bouge son cours, même le caïman doit suivre ».

 

    Tyne raconte les histoires, dit qu’elle dormait souvent peu, Ydit parodiait : « Madame promène son cas sur les remparts de l’insomnie ». Dans l’abri de toile posé au fond de gorges descendues en kayak et en tenue de rien du tout ( mais, savez-vous Germaine, en ces temps de légèreté, on avait du corps nu l’image du simplement vivant) Tyne répondait en écrivant sur un petit carnet (par souci de ne pas éveiller le dormeur du val, ironisait-elle) et – comme d’habitude- elle avait raison de citer le Bénin : « Même s’il vit dans l’eau, le poisson a toujours soif ». De ce point de vue, Tyne restait impénétrable.

 

Ils allaient aussi dans des villes où d’anciennes camarades de classe un peu lasses ou d’étranges étrangers les invitaient à boire  dans les bars ou fleurir les défunts. On disait de TYNE :  « Elle rambarde, elle pétille, elle s’oublie dans les bulles ».

 

Dans les parcs et les châteaux, YDIT montrait les traces et les noms des compagnons anciens. Cette fois Tyne écoutait, parfois.

Tyne dormait souvent peu, mais tard : Ydit attendait sur les murets qu’elle finisse de passer la gomme d’éveil sur le dessein de son corps.

En Espagne – ils étaient partis en voyage ourdi en quatuor allègre – elle rattrapait la nuit par des siestes picturales posées dans le demi-jour mensonger de la terrasse.

InkedTyne sieste chaste _LI

 

     L’attention s’étiole, luciole qui papillonne, mais Tyne raconte encore qu’ « ensemble ils avaient visité les ruines de l’ouest, les formes posées entre les colonnes disaient la mémoire des bâtisseurs. » 

     YDIT : « Tyne portait une longue jupe, il faisait chaud, en manière de cadeau d’anniversaire elle avait transformé en pochette pour la veste de lin que portait YDIT le plus intime (et aussi le plus fin, le plus détouré) de ses propres vêtements.

     Non, Germaine, ne vous agacez pas : c’était un moment du temps, ces années, où la joie pure des corps ne se voilait pas de morales accessoires, et quelle jolie pochette sans surprises ! »

 

 

 

     Mais voici, à présent, que Tyne dissipe sa présence, si peu sage,

et part vers Marseille, comme on va prendre un thé au Sahara.

ydit grognon mais ça ne va pa durer

     « Pas de fruit sur l’arbre qui n’ait eu d’abord sa fleur », aurait-elle murmuré , songeant au Sénégal. Cependant, les sentences aléatoires et les faux proverbes n’amusaient plus YDIT. Il relisait des livres anciens, posé sur un décor de désastre. Le langage n’est drôle que si l’on reste.

 

dj lecteur dans le désastre

 

Tyne partait, laissait entre eux la faille d’un  paysage que nulle lave n’emplirait. Porte fermée, elle gambadait un peu, déjà, sur les marches fraîches de son nouveau récit.

 

-Et vous? demande Germaine attendrie malgré la regrettable  banalité ambiante.

 

petit matin post Tynedj 30,ans portrait songeur

YDIT : Tyne dormait peu, mais partit tôt. Je servais le premier café solitaire et glacé.

Sur le mur, un portrait qu’elle avait fait disait la suite.

 

 

 

     Autour de la table sur la terrasse, on entend les passants attendre le vol pour Marseille, le vol de TYNE pour jamais, pour les temps volés, pour les tournois de mémoire, pour les autres pièces de la vie qu’on visite.

 

Tyne est toujours un spectacle joué à guichets fermés.

 


(*) Le Robert des noms propres


Didier Jouault pour YDITBLOG 79/102

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2 réflexions sur “Yditblog S.P.O.79 (post 102) : Sur la terrasse les amis de Tyne aussi attendent le vol pour Marseille.

  1. Avatar de CBH CBH dit :

    On aurait aimé connaître Tyne, diaphane libellule rasant les étangs troublement riches de vies.
    Certes la rivière a aussi ses charmes entre Lake District et mer. Mer ou montagne, Tyne indécise, Ydit sur le chemin de l’oubli. Jolie séquence.

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