Yditblog SPO 89/ 116 : Alexandre oublie le Ravin et ne saute pas de mon soleil (*) 3 sur 3

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Yditblog SPO 89/ 116 Alexandre ne saute pas de mon soleil (*) 3 sur 3

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YDIT raconte la suite : Serge RAVIN.

ALEXANDRE avait encore moins de quarante ans. Qu’avait-il fait pour être là ? Rien, et cela lui permettait de beaux développements.
« Venez avec moi au ministère », avait dit Serve Ravin, parodiant :  » J’ai besoin d’un agrégé qui sache lire et écrire. Vous serez mis à disposition, je m’en occupe ».

Qu’allaient  dire les amis profs dans les vestiaires ?

 

Deux jours plus tard, échappant à la réponse, Ydit recevait un crayon ( le premier « plan ordinateur » restait à venir…) dans une soupente dominant le porche XVIIIème du ministère de l’Industrie, minuscule endroit naguère propice à l’activité de portier guettant les carrosses de Monsieur le Comte retour de Masques et Bergamasques.

 

On avait posé ici le nouvel «  Institut d’Action Ecole Entreprise ».
« -Je n’ai pas trop le temps pour les détails, le ministre m’attend, voyez avec Alexandre », répondit Serge Ravin.

2- L’amie d’Alexandre

ALEXANDRE avait encore moins de quarante ans. Qu’avait-il fait pour être là? Rien, et cela lui permettait de beaux développements. Le voici d’un coup « délégué général » du nouvel Institut que préside Serge Ravin, un vieil ami de son père-croit Ydit.
ALEXANDRE : « Si on déjeunait ? C’est la boite qui paie… » Ydit raconte que, tout près, les membres du cabinet avaient leurs habitudes et leur crédit.

 

Alexandre aimait qu’on l’y vît. L’hôtesse apportait la carte, Alexandre nommait les convives, « On prend un bon cru en leur honneur ! », puis s’étonnait qu’Ydit ne bût pas d’alcool avant le soir.

On bavardait, une jeune femme à la parole légère – reconnue comme chargée de la communication du ministre -rejoignait un groupe en répondant à peine au salut d’Alexandre.

 

« Elle me rappelle ma Nana », disait-il, remplissant son verre. « Elle s’appelle Nathalie, mais je préfère Nana, quand je la fais venir. Tu devrais la voir ». Puis emmêlait bouchées avec récit, comme on fait dans les romans du XIXème. Il avait, deux ans avant, participé comme animateur à un « camp de jeunes » pour bonnes familles du clan. Dans le bungalow, elle n’avait pas résisté à son charme – et il avait avoué à la belle, comme à la cantonade, son goût pour les tendrons.

 

Qu’ Ydit se rassure, elle dépassait maintenant tout juste la majorité- « Tant mieux, avec mes fonctions…T’en dis quoi, du ris-de-veau, je le trouve trop cuit ? »
Ensuite, passant vite à la tonalité fin de soirée près du feu, chien sous le fauteuil, cognac et odeurs de mouillé sous les coussins, Alexandre commençait à décrire ce qu’induit la relation d’un quadra progressiste et d’une ‘petite bourge encore presque neuve’.

 

« Un type de mon âge, et avec mes besoins, il demande forcément des trucs auxquels la Nana doit s’habituer, comme de …sinon c’est pas la peine ».

 

-Et si on retournait travailler ? demande abruptement Ydit, coupant la parole et cachant son malaise- mais le geste a été explicite.
Plus tard, dans le réduit sombre, les jours de déroulent avec un ennui surprenant : Serge Ravin, hormis pour « voir le ministre », est peu présent. Alexandre a peu d’idées dans beaucoup de mots, le temps est long et l’Institut mort-né. Ydit, après avoir bavardé en compagnie de la secrétaire rieuse et inactive, en profite pour écrire.

Mais ça ne paie pas son homme.

3- Les coquins d’Alexandre.

Ydit raconte qu’Alexandre une nouvelle fois l’invitait à déjeuner. Trois tables plus loin, une notable célébrité politique concourait activement de la fourchette à la reconstruction d’un monde plus juste.

 

En son honneur, Alexandre offrait le supplément du menu- pourtant cher. ‘T’inquiète’ disait-il,‘ c’est l’Institut qui paie’. Puis, ayant goûté le vin et le temps qui passait : « Bon, je voulais te parler d’une bonne affaire possible, juste entre toi et moi, pas la peine d’ennuyer Serge avec ces petits trucs. Tu es toujours Directeur délégué de la revue où trempe Serge?

 

Tu n’aurais pas envie d’un peu de fric pour développer votre lectorat, des pages couleur? »

Ydit raconte : Ainsi, méfiant mais aguiché, Ydit acceptait d’accompagner Alexandre à la rencontre avec les frères Z. « Il allait voir, c’étaient des types formidables, d’accord d’origine polonaise, mais ça ne se voyait plus. Ils avaient développé une boite de pub et de comm, qui marchait plus vite que le feu et, ajoutait Alexandre avec finesse- ils aimaient autant le partage que la souple Nana.

 

Ces mecs, incroyable, se déplaçaient même en hélico, si besoin, tu te rends compte? »

Ydit se rendait compte. La boutique se voulait discrète et cossue.

-« Et lui, demandait le plus gros des frères, il vient de la part de qui au fait ? »
-« De Serge Ravin, mais en fait, Serge, son vrai nom c’est Ravinowicz, répondait Alexandre. Il est des nôtres. »
D’un geste entier du buste, le deuxième frère marquait la mauvaise surprise.

« -Et pourquoi il cache son nom, celui-là, s’il est des nôtres ? »

Alexandre bredouillait : Tout datait de la Résistance, Serge y avait joué un rôle important, finissant même colonel à 25 ans en 45, tu te tends compte ! De là provenaient tous ceux de ses amis qui n’étaient pas, déjà, ses copains de la moitié gauche de Paris. Le frère n’avait pas l’air de se rendre compte.
« -Admettons, mais peu importait, en fait. Ydit savait pour quelle affaire il était ici?Alexandre aurait quand même pu lui dire d’avance, enfin pas grave, c’était simple. »

 

On servait quatre cafés turcs.

Voila : « Notre société gère le budget comm. d’un gros groupe de mutuelles, c’est nos amis, c’est des nôtres. » Les frères Z proposaient 40 000 par an, pour deux pages recto verso quadrichromie dans la revue que dirigeait Ydit, deal pour trois ans. « Super sur-payé, Ydit voyait ? » Ils avaient regardé le tirage, avec cet imprimeur (mais ils en connaissait un meilleur, on pouvait en parler), ça ne pouvait pas coûter plus de 10 000 par an, mal négocié. Restait 30 000, là c’était « simple, fifty fifty, toi -nous. »

Ydit ne comprenait pas. L’objet social du groupe de mutuelles était sans aucun rapport- même très cérébral- avec les thèmes de la revue : quel intérêt d’y publier ?
Alexandre marquait un peu d’impatience : « Fais pas ta Nana » répliquait-il en écho à leur déjeuner. Il ne s’agissait que d’être souple et de se laisser faire.

 

« A quoi ça sert pour le client, c’est notre affaire, disait le gros frère. C’est nous qui gérons sa confiance ». Il paraissait qu’Ydit n’avait pas BIEN compris le 50/50 ? On éclaircissait donc : « Une fois payé (trop cher) l’imprimeur, resterait 30 000, tu palpes 15 000 pour ta revue – t’en fais ce que tu veux, ça nous regarde pas, et d’ailleurs si tu prends tes 25 % ou 30 % de négociateur c’est normal, après ça commence à faire louche si tu tapes trop fort… »
Alexandre ( Ydit ne saurait jamais quel pourcentage on lui avait promis) concluait : « On facture 40 000, mais reste en vrai 15 000 pour toi perso et pour le développement de la revue, et 15 000 pour eux, les frères », en rétrocession mais sans facture, eux, forcément…
Ydit avait eu besoin qu’on lui précise l’affaire : le client paie 40 000 ce qui coûte 10 000, les deux frères -qui gèrent le client- reçoivent 15000 au noir, et le reste..

 

Le deuxième frère :  » 15000, tu peux tirer 4000 ou 5000 perso, tu t’achètes des bidules qui te font des trucs  le reste t’en fais ce que tu veux pour ta brochure, ça peut pas lui faire de mal ».

4- L’oubli d’Alexandre : et Serge lui en voulut toujours.

Ydit avait voulu qu’on le laissât réfléchir.
Au retour, Alexandre disait : L’unique problème, c’est la compta. Mais il connaissait la seule permanente de l’association éditant la revue : gentille, pas très futée, n’y connaissant rien en chiffres, on allait s’arranger avec elle sans problème, Alexandre s’en occuperait. Personnellement, ajoutait-il avec un sourire prometteur de toutes les petitesses.

« -Je n’ai pas trop le temps pour les détails, le ministre m’attend, voyez avec Alexandre », répondit Serge Ravin, lorsqu’Ydit entreprit de lui parler.

« Fais pas ta Nana, tu as parfaitement tout compris, alors je leur dis quoi, aux frères Z? »

Peu de jours après, le Conseil d’Administration, un peu dépeuplé, comme souvent, ce soir là, entendit avec surprise, et intérêt, le rapport d’Ydit sur la proposition.

 

« Mais, s’enquit le président- qui ne manquait pas d’humour- même avec l’analyse d’un psychiatre sur la symbolique de toute transaction, ne peut-on pas dire que c’est carrément une arnaque ? »

Un membre du Conseil, qui rêvait d’un vaste colloque porté par la revue, se demanda si une telle somme, cependant…Il sut avoir la sagesse de ne pas insister. Le Conseil vota unanimement contre.

Dans le mois qui suivit, au sein de « l’Institut », Alexandre avait multiplié les consignes absurdes et les demandes humiliantes. Ydit avait résisté.
« -Je n’ai pas trop le temps pour les détails, le ministre m’attend, voyez avec Alexandre », avait fui  Serge Ravin.

Ydit, alors, simplement : » Je renonce et  je pars ». Il l’avait écrit, sans rien raconter. Stupéfait, mais au fond indifférent ( un Ydit chasse l’autre), Serge Ravin avait « pris acte ».

Car tout le monde n’est pas des nôtres, et ce fut ainsi que finit la maladroite Union d’Ydit avec l’Entreprise et L’Industrie.

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(*) La fillette de temps en temps se plaint des passages obscurs. Bon exemple : « Alexandre, ôte toi de mon soleil », c’est ce que répondit, prétend-on, le philosophe au roi conquérant qui lui offrait de satisfaire ses désirs.


Didier Jouault pour Yditblog 89/116 : Alexandre saute de mon sommeil

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