Yditblog Séquence Publique d’Oublies n°99, Le frôlement du quai porte -t-il le regret d’une langue tue? (Marina 3 / 3)


Rappel : le commencement de la lecture est

Yditblog  Séquence Publique d’OubliEs n°97, Le souffle de papier porte -t-il la lumière d’une     langue     tiède ?                            ( Marina 1/3)

et le milieu est :

Yditblog   Séquence Publique d’OubliEs n°98,   Le passage du marin trace-t-il la promesse d’une   langue    vivante ?                      ( Marina  2/ 3)

 

 

AVERTISSEMENT :

A l’approche de la centième, des souvenirs et des images peuvent attenter à la sérénité de personnes entre 4 et 81 ans, avant on ignore, après on a oublié.

De toute façon, il n’y a pas de phare en Corrèze, si?

Vassiliki le croit : « Nous devrions nous méfier, cette petite nouvelle on dirait des attraits forts elle a ». Vassiliki aimerait que -«  ne perdons pas le temps- on se débarrasse de Marina? »
Germaine soutient l’ordre de horaires mais aussi la liberté de ne pas prendre le train. Elle insinue que, « des moyens d’oublier Marina, Vassiliki en connaît, hélas? Un petit tour à la Lubianka? »
Et si, demande V3, « et si, au fond, si l’on ose dire, la bonne façon de faire serait d’introduite Marina? »
A cette évidence, plus personne ne dit plus rien.

Faut-il introduire Marina? Pour cela , ne faudrait-il pas un vorace du narratif, un loquace du performatif ? Les trois se taisent, à l’étroit sur le quai 33, départ pour Troyes.

 

Puis, dans les feuillets accompagnant le roman, on sent que du temps a passé, la lecture de ‘Ma vie parmi les ombres’ épuise sa propre matière, d’ailleurs l’écrivain se joue des temps et des fatigues des personnages. Ici, la réflexion affleure, non: explose, s’impose comme l’interruption (classique) du narratif au profit de l’expositif, vieux procédé, au point que – soudain- Ydit se demanderait si sa lectrice, cette ‘Marina‘ ne serait pas un moraliste ? Une enseignante préparant la fin  du cours et une honorable sortie de scène ?

     Un philosophe ? Ou, pire encore (interrogation de nature à bousculer le portrait imaginaire qu’il s’en faisait, légère et jeune, en bikini noir sur la page blanche, déplaçant les bretelles -aux heures où l’excès de public empêche d’ôter  le haut- Marina page sur la plage pour éviter les marques de bronzage ) et la voici philosophe de sol  posée en vrac sur de vastes fesses et un tabouret  de camping en toile, une serviette publicitaire couvre des cuisse inquiètes de la rougeur? Elle abandonne ses réserves au point d’ajouter l’une des deux  seules notes en distance que comporte son parcours du roman : IMG_9127 2 pages 520 et 521, deux longs passages signalés en marge (au crayon, cette fois). Le temps ou les doigts ont presqu’effacé  le commentaire que YDIT déchiffrerait , tout en bas de page, les lettres sont détachées les unes des autres :  » d’autant qu’il n’est jamais sûr ( toujours aigre). »

     Enigmatique : de qui parle-ton ? Et si c’était une amie de l’auteur?- Marina semble très sensible aux écarts de perception et de vie quotidienne entre les vieilles dames très dignes, et devenues très pauvres, de la Corrèze évoquée par le roman et sa propre aventure inattendue : le surgissement du marin dans le milieu de l’amphithéâtre de  Columbus, OHIO

l’étonnement des parents propriétaires du garage de Main street, puis  leur plaisir et leur accord , car on ne refuse pas les marins dans les garages de l’Ohio, et belle-maman sait accueillir pour inviter au voyage,

– mais ( se dit-elle en se penchant pour reprendre le roman posé ouvert à la page 523) ils ne soupçonneraient  jamais dans quel vêture elle lit et se meut, simple tshirt  et rien d’autre, pour lire cela :Ombres (2)

     A deux reprises encore, la lectrice met la main de sa présence sur le silence du papier. La première est la seconde intervention d’ordre informatif. Elle corroborerait l’interprétation d’une femme en vacances, ayant choisi de faire de « Ma vie parmi les ombres » l’aventure de ses loisirs : sur un mode parfaitement (et donc très étrangement) discordant avec la page, un trait rouge marque toute la longueur du deuxième paragraphe, et l’encre rouge ( toujours les mêmes lettres non liées) note  « St Pierre des Corps, Je 18 ao 11 18h ».

     Tiens, notre Marina sait voyager? Que ferait, cependant, un marin en Touraine, sauf à convoyer en contrebande la poudre blanche du sel de Loire, sur de vagues chaloupes à fond plat, au milieu d’un fleuve amoindri par l’été? Le sel de la terre? Le seul de l’amer?Le fiel de la sphère Le miel de la mère?

     Ici, en cette page cruciale, ce paragraphe d’une seule phrase parfaitement structurée, fluide, s’interrogeant sur la répétition et la différence, sur la fondation par le verbe, -(599) surgit l’énigme. Pourquoi ce passage ? Ombres (1)   Et la notuscule , sans aucun rapport avec le roman : une indication du lieu de lecture ? Retour, en effet, de congé, direction Paris, changement à St Pierre des Corps? Quelle étrangeté de noter l’heure de lecture, comme si le paragraphe correspondait précisément à un repérage, à un repère historique secret, issu d’un profond de la biographie? Ou bien, faute d’un papier sous la main, a-t-elle trivialement noté un  de rendez-vous? Chez le dentiste, le coiffeur? Mais on choisit en ces cas la page de garde, plutôt celle de la fin si l’on veut préserver l’entrée dans le livre.

     Il est très étrange, on pourrait penser préoccupant, voire inquiétant de noter ces deux lignes tout à fait factuelles, mais en rouge, mais en parallèle mais au trait signalant un passage mais sans aucun rapport avec un train, un horaire…Comme s’il s’agissait de désigner qui est qui? De lancer la corde vers le pendu? De prendre l’avant du vent comme savent faire les marins?

     Alors, soudain, la question la plus émouvante (ou la plus drôle) : ce banal volume de poche, usé , à peine couturé, n’est -ce pas le code secret qu’on utilisé deux amants frappés d’une soudaine rencontre? « Et ce fut comme une apparition? », « Je vous souhaite d’être follement aimée? »… Toutes ces sortes de mots? Pour se donner rendez-vous? En cachette sous les yeux verts des autres, qui préparaient la liste des courses? Comme dans un roman d’avant la fin des romans?

    A bientôt, -un dimanche près du phare- en l’attente d’une accumulation de délices bretons, soleil, galets, vent coquet et crêpes salées? Ou borsch au légumes , terrine d’émaux, couscous broché? Des mots de code pour approcher la vérité des amours? Des hypallages pour contrer les synecdoques, et le largage de tropes de marine ?

pexels-photo-2090484 Anfisa Eremina     Et ensuite sur le quai de béton gras, entre les aiguillages gouailleurs d’une gare de transit sans gloire ni bonheur, à la fin de l’aventure secrète, une petite semaine (7 aout /11 aout) ils déposent le volume qu’ont usé leurs mains de passeurs dépassés, témoignage épais et invisibles d’amours en escapades ? Une semaine d’OubliEs racontée mais cachée sur l’étagère de la bibiothèque?

Dans la mécanique de l’idée passe le pas lent, le pas de loup de la mémoire.

     Ou pire encore : posé sur la tablette du TGV, à l’insu des grands-pères accompagnateurs, mais à l’intention d’une contrôleur, d’une pétroleuse contrôleuse ?

     Ou ceci encore : Marina lectrice et Ydit  viennent de se rencontrer, ils  ont échangé le livre tout au long du weekend, chez les amis à la campagne, comme si l’on signalait à l’autre un passage pour déguster le soir, un mot à élucider, une formule…rien que le voisinage banal des jours vidés par le devoir de repos? Même pas d’amour malgré la présence épaisse de Marina du livre?

Et puis quoi encore? !

Ou bien,   oui,    les rendez-vous d’espions    corréziens  , dont certains prénommés Richard, et à la solde du     narratif ?


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Rappel : le commencement est :

Yditblog  Séquence Publique d’OubliEs n°97, Le souffle de papier porte -t-il la lumière d’une langue tiède ?                            ( Marina 1/3)


AVERTISSEMENT :

A l’approche de la centième, des souvenirs et des images peuvent attenter à la sérénité de personnes entre 4 et 81 ans, avant on ignore, après on a oublié.


 

‘Je t’entends déjà dire qu’on ne peut plus être déshonoré, aujourd’hui, et donc que nul n’est honorable, l’honneur, le sang, la pureté, la gloire, tout ça remplacé par les droits de la personne humaine’ , a murmuré en souriant Marina, qui avait à ce moment les cuisses encore ouvertes et humides, gardant cette position par une sorte d’impudeur dont je ne savais si elle était une réponse à ce que je venais de dire ou simple abandon à la fatigue des sens »(page 157).

     Sur le quai, la jetée, sur  la voie ferrée comme un poisson de métal gris, les trois ‘barons’ du récit continuent à s’interroger : où est passé le Narrateur?

Selon Germaine, « L’absence d’YDIT, ça pose tout de même un problème ! J’espère qu’il ne s’est pas pris pour Empédocle, pour Thésée, à force ? »

          Vassiliki: « Ydit, on pourrait se passer de lui, après tout. On peut se passer de tous ceux qui racontent le passé, non ? »

V3 complète : « Moi, je ne dois rien à personne ».

      Germaine-des-rails, qui fait profession d’aimer l’ordre, on s’en doute, se demande « ce que c’est que cette chose nouvelle, cette  ‘Marina‘ »

      V3 : « On a déjà eu peur avec « Tyne », heureusement elle partait pour le sud, Ydit n’a pas suivi. »

     Vassiliki  le croit : « Nous devrions nous méfier, cette petite nouvelle on dirait des attraits forts elle a ». Vassiliki aimerait que – » ne perdons pas le temps- on se débarrasse de Marina? »

     Germaine soutient l’ordre de horaires mais aussi la liberté de ne pas prendre le bon. Elle insinue que, « des moyens d’oublier Marina, Vassiliki en connaît, hélas? Un petit tour à la Lubianka? »

Et si, demande V3, « et si, au fond, si l’on ose dire, la bonne façon de faire serait d’introduite Marina? »

A cette évidence, plus personne ne dit plus rien.

 

Les feuillets accompagnant le paquet reprennent :

     Ensuite, selon un rythme indescriptible, que seule la vie autour de la lecture saurait un peu expliquer, une ligne bleue souligne (‘Ma vie parmi les ombres’ page 94) le nœud du récit : un univers de puissance et de rudesse a disparu, mais un autre est survenu. Lectrice à plume bleue et sourcils épilés pour le sable, ombre nouvelle portée sur les mots du roman, Marina aussi, pourquoi cette différence offusque-t-elle le crayon au point de cette ligne rarissime?

Le bonheur d’être du côté du bonheur ?

 

Fabre ¨MPT appel à oublies 2 femme allongéecreditn alexandre_cabanel phedre éperdue d'amour coupable pour son beau fils hppolyte, 1880Inkedgorges de l'A_LI

     Tu lis Richard Millet dans le canapé du dimanche, sous le soleil dans la grande pièce, dehors peu d’oiseaux parce qu’il y  a le vent de la marée montante ? Ou bien tu lis sur la plage de Corse, séparée du réel par l’évidence de l’ile, parfois chair projetée du récit, d’autres fois page transmuée en statue de pierre? Marina ? Tu ne réponds pas. Tu restes peu vêtue, Marina, toujours, car le marin aime cela, mais le plaid écossais et sa lourde laine font une niche de tiédeur, le soir, quand les terreurs et les effraies sont de retour, sur la jetée, sur le quai, sur le regard.

    Lecture : page 132, un unique mot souligné ( et sur la dernière page de garde, blanche, le mot est écrit comme pour s’assurer de sa présence, suivi de la référence à la page. »Inchoative » :

« Inchoative » : « aspect grammatical qui se réfère soit au commencement d’une action soit à l’entrée dans un état ( aspect qu’on trouve dans les langues indo-européennes, mais aussi en lituanien, dans les langues finnoises. ) Dans les deux cas est mis en jeu le passage d’un état initial ( absence de propriété ou de procès) à un autre : il y a passage de ‘rien’ à quelque chose’. »

 

     Rêveur Ydit ? La lectrice n’a pas de dictionnaire ou de téléphone, elle souligne ce qu’elle doit cependant traduire- et même un lecteur banal doit le faire, comme « cet hapax« , page 487, alors Marina courbe sa lecture afin d’apprécier les entrelacs de subtilité d’une grammaire qui-avec une rare énergie- dans les lignes qui suivent, sépare inchoatif et prospectif ?…(ouf)

     Germaine commente les feuillets : elle se pense autorisée à dire le sens car elle maîtrise les aiguillages. Pour elle, YDIT – en vacances ou en fuite, ou enlevé par des terroristes du langage?-, YDIT parcourt ses imaginaires comme le vieil Henri visitait ses propriétés, « apprentissage par les gouffres ».

     Et il nous snobe un peu, n’est il pas ? anglicise V3

     La troisième grâce/comparse/parque désigne à nouveau les feuillets du paquet, sans parole :

     Feuillet : situation universite-d-etat-de-l-ohioElle est ici et pas d’ici, l’américaine de l’Ohio, Marina,

lectrice interlope, qui s’est endormie dans la pièce encore éclairée de contre-jours en cette fin d’après- midi,

avant que les éclats réguliers du phare (s’il fonctionne encore?) portent une autre forme de lumière.

    Elle lit, elle n’a pas pris la peine (ou n’a pas l’humeur) de se vêtir davantage depuis ce matin, il fait beau et sa nudité entraperçue dans le  grand miroir près de la fenêtre lui propose en sourdine comme un écho de ce qu’elle déchiffre sans peine, le corps si mobile et fragile de Marina héroïne du roman, et tous ces corps enfouis enfuis cachés des aïeules de la Corrèze, et la lectrice de l’Ohio est devenue

marina 1désormais parfaitement bilingue, depuis qu’elle a décidé de vivre avec le marin : marina 3

 

allongée sur le divan, accroupie contre les oreillers à l’autre extrémité de la vaste pièce, ou même assise sur le haut tabouret près du bar qui marque l’espace de la cuisine, dévoilant par la position une intimité semblable à celle de Marina dans le roman, elle s’aperçoit sans s’observer,la lectrice Marina

contente d’une souplesse préservée, amusée de la forme rectangulaire que la taille donne à la toison, et qui amuse toujours le marin, depuis la rencontre sur le campus.

 

    Dans l’OHIO, comme dans le Limousin du récit,  on s’habille pour se cacher, depuis 1804, à Columbus, l’université sait donner le goût de la pudeur aux filles de l’Etat, surtout dans les pôles de Lima ( où le scribouillard et sa tante vivent dans une maison verte),

 

à Mansfield (que Jeanne explore comme on essaie une combinaison interstellaire), à Marion (ou Manon? poursuivie par un vieux des Grieux havre sans sac), ou à Newark enfin, les quatre pôles de l’Etat, qu’YDIT s’occupe à visiter pendant que l’Infernal Agrégat du trio reste livré à lui même, sous les plafonds,  en salle d’attente.

 

      Ensuite, mais entretemps le marin a été  de retour, il a commencé de finir le récit  des lourdeurs de la houle, la piqure des moteurs, ce n’est pas Loti ou Conrad, mais c’est page 164, on est le soir, il dort déjà, l’englobe-t-elle dans la molle et très incertaine cohorte des  » parents ». Ydit s’étonne que ce passage, banal, soit l’une des rares moments – pour elle, Marina, lectrice- d’insistance, on aurait préféré une autre page, davantage vrillée par l’hélice interne de l’écriture, fendue par la torpille muette du pire. On perçoit qu’émerge lentement la lancée de l’amour, OHIO et ailleurs.

 

    Enfin, arrive sous la main le passage où la lectrice se livre, se révèle, dit d’elle plus qu’on n’aurait oser imaginer rêver, en tournant le volume, pour lire le prix.

    C’est l’été plein. Rien à faire. C’est près du phare, mais au fait, est-ce le phare du port, celui de la jetée où l’on vient depuis longtemps, et ce phare est alors la balise de vie? Ou bien est-elle en vacances, avec sa mère, toutes deux ont loué une bicoque près du port, au village,

 

l’une de ces anciennes maisons de pêcheurs repeintes en bleu et blanc pour que les touristes ne perdent pas les repères inventés qu’ils s’attendaient à retrouver ?

Il fait beau, la mère a préféré rester près des roses trémières, des hortensias roses et bleus. Le déjeuner léger n’empêche pas l’envie de promenade et le soleil n’impose pas la torpeur qui fait lire des livres sans se souvenir qu’on les a lus. Là encore, les passages soulignés,

 

Ydit est obligé de l’avouer,  se montrent décevants. On connaît sa lectrice à ses traces dans le livre. Voici que Marina perd de son éclat- nuit tombante.

Ce n’est pas le petit prince ou Madeleine Chapsal, mais la force du livre, en ces lignes, semble diluée dans la brume de ce jour qui va tomber, avec le retour au port des plaisanciers bruyants.  » Poussière d’étoiles », souligne -t-elle autre part … Est-ce la banalité que ma lectrice a voulu signaler? Sinon, pourquoi ceci seulement parmi tant d’autres pages ?

Grand creux, ensuite. Il y a eu tant à faire? Les enfants revenus de vacances? Ou bien au contraire, si « le Phare » n’était pas  » son phare » mais « un phare », le retour dans une ville et l’épuisement des rêves ? page 384 : ce qu’elle souligne , c’est la spécificité de ce Français, mais sans relever, dirait-on, les observations sur la perte?

 

Germaine observe : « Tout se complique entre le livre lu, celui que Marina invente, et les pages que le vent du tarmac laisse flotter entre les mains d’Ydit sur le campus de Columbus »

Mais V3, vieillard véloce et venimeux, note que « Entre temps, voici que les Grands-pères

 

à barbe sont revenus de la corvée de bois, sans les petits enfants bleuis sous le short qu’ils accompagnaient en TGV.

« On a perdu le fil des générations avec le goût des OubliEs ? « demande Vassiliki, l’attentive Slave.

A suivre, d’ ici peu – sans doute :  Yditblog   Séquence  Publique d’Oublies   n° 99,  Le frôlement du quai porte -t-il le regret  d’une langue tue?     (Marina 3 / 3)


 

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Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n°97, ( Replay pour enchainement) : Le souffle de papier porte -t-il la lumière d’une langue tiède ? ( Marina 1/3)

 

 Le souffle de papier porte -t-il la lumière d’une langue tiède ? ( Marina 1/3)



AVERTISSEMENT :

A l’approche de la centième, des souvenirs et des images peuvent attenter à la sérénité de personnes entre 4 et 81 ans (avant on ignore, après on a oublié) en particulier avec la distance implacable  de « l’ironie »,  et surtout si l’on regarde les mots ou qu’on lit des images.


 

Germaine, c’est tout elle! , se demande pourquoi Ydit n’est pas là, malgré ce qu’il a dit (et dirait, s’il était là?). Ce n’est pas dans ses habitudes, surtout après plus de 120 publications, de manquer un rendez-vous.

Que va t-on dire à tous ces gens venus ici pour écouter la disparition de la mémoire ?

 

Sauf, suggère la trouble Vassiliki, « sauf s’il a été retenu par l’une de ses étudiantes? »

-« Il paraît, note V3 non sans une complice malice, « que certaines savent trouver la bonne posture pour arrêter le départ ? »Marina 1 amalia Ferrer serreiro

 

 

Puis, tout de même ( à son age, cela s’admet, dirait Ydit avec une forme de tendre compassion), Voltaire dit V3 s’agace :

« A la question de l’absence ou à celle de la faille  dans le récit promis, pas de réponse, et pas de doute, le doute, c’est agaçant. »
-« Et s’il avait trompé de porte, propose Vassiliki, trompé de couloir souterrain, entré par erreur dans la cellule d’un voisin, et hop, paf, bang? »

img_3346André Maynet, Mine de riensIMG_9119

Pour Vassiliki, toute disparition dénonce une possible défection, les ‘Organes’ le savent, tu te lèves, tu pars, tu passes le mur et -hop, bientôt plus de Mur …Et le monde également s’effondre ? ajouterait Ydit, mais Ydit ici n’est ni ne dit.

-« Et pourtant, et pourtant, » chantonne Germaine, que l’espoir jamais ne quitte, car sa vie est solide comme un horaire de chemin de fer,

-« Mais pourtant », qui, dit l’un?

-« Et si on lançait un vibrant appel? »  dit l’une

Ils font une   annonce   en trois couleurs.

monsieur-prevot-culture-sens-moral-culture-patriotisme-accueil de goupe SNCF3 dames SNCF sur quai

 

 

 

 

 

 

Tout de suite, sort de la foule, comme une fouine à l’aube, et de l’ombre, comme un poisson dans l’eau, une sorte de messagère vaguement douteuse, déguisée en amazone qui porterait un costume inspiré de l’oiseau.

« Ah, c’est vous dit-elle, ça fait toute une séquence que je vous cherche, c’est sûrement vous… Il m’a dit, ‘Vous verrez, Marina, l’Infernal Trio, l’infernal agglomérat, ça se repère…

 

…d’abord une Grande Rouge qui Grogne, espèce de Gardeuse de Gare égarée, inquiète comme un contrôleur en habit monté dans le train de 12h34 à 12h21, mais celui-ci est parti depuis 11h11, ce qui – admettons le – devient sujet de préoccupation sur le sens de rotation de la terre…

 

 

...puis une ébauche usée de vieillard jeune, il ressemble de plus en plus à une vieille demoiselle qui n’aurait pas la langue dans sa poche mais bien pendue, et capable de tous les grands écarts, et qui en gagne en bonne mine, joyeuse souplesse, et gaillarde répétition…

 

…enfin un échalas de sexe indistinct et  d’incertaine origine mais d’accent slave (ou balte?), un peu douteuse dans les ébats du débat et les suivis des débuts, mais solide ( au fond) sur son projet ( sa mission, même) de rééditer (pour finir?) un rapport sur les activités du Père pour les services »…

 

L’Indicible Agrégat (dont l’acronyme amphigourique est : IA) s’étonne, s’ébroue, s’esbigne, s’étiole par anticipation, menaçant de refuser le paquet puis lâchant une décharge en bonne et due forme.

On regarde, on touche, on palpe, on sent, on questionne : C’est d’Ydit? C’est Didi?

c pain et fromage

Papier cadeau ouvert, des feuillets, un volume, un mot.

 » Désolé, vraiment, les filles, 

pas eu le temps de vous prévenir,

je pars d’urgence en vacances,

mais j’ai confiance,

vous ferez le job sans moi,

YDIT « 

UN volume :

L’édition  date de 2003 et le folio de 2006. Mais l’une des mentions manuscrites (p.202) fait état du

« Dimanche 7 aout 2011 Près du phare »

L’écriture est à la fois solide ( les attaques, le 7″ et une certaine  inhorizontalité de ‘2011’, très peu de lien entre les lettres )

La quatrième de couverture pose un double repère pour Ydit : l’étiquette « Occasion » et sa couleur singulière indentifient la grande librairie ( parisienne en ce cas) dont les six étages permettent de chiner beaucoup de bons livres déclassés par leur défraicheur. Ici, une autre étiquette marque l’insolence de la ‘solde’ : 2 euros ( et près de 700 pages, c’est donné, on peut en lire de travers quelques unes)  et porte trace de la date de mise en rayon. On devine que la présentation sur l’étalage, pour attirer l’œil du promeneur, contribue à l’acte fortement impulsif de l’achat de volumes plus ou moins carrés.marina 4

 

 

L’état général est un aveu ; le volume a longtemps -ou souvent- été promené, selon cette habitude qui étonne encore plus d’une : il est rare qu’on puisse croiser Ydit sans un livre à la main, serait-un volume épais pour une attente courte, une station de métro, un fauteuil de dentiste. Pour ce volumineux roman imprimé en corps 11, on pourrait probablement estimer la lecture globale  entre 14732 stations de tramway ou une rude randonnée solitaire en montagne, et une longue semaine de convalescence immobile après un accident de chasse ou de scooter des neiges …

…et beaucoup plus si le lecteur, encore fatigué, laisse l’habituelle rêverie parallèle interrompre le fil vertueux de son parcours.

Mais le lecteur n’était pas un chasseur ni un scooter.

L’émotion, en feuilletant chez le libraire ce volume fané- qui narre l’usure d’un monde et les bonheurs amers d’y avoir échappé- provient des mentions infrapaginales dont la première : « Près du Phare. Dimanche 7 aout 2011 », à l’encre bleue.

C’est en Français, les dates ne correspondant pas, on ne suppose pas que le scripteur soit Virginia dans une promenade au phare, c’est  peut-être une lectrice elle aussi nommée Marina? Presqu’involontaire, longeant par la suite le fleuve proche, on guette ces pierres trop coupables et complices pour emplir les poches si l’on entrait dans l’eau, car la mémoire de l’une est l’avenir de l’autre.

-Encore une de ces allusions incompréhensibles, s’exclame Germaine, sauf par les associés de la Hogarth Press qui ont reçu en cadeau de noël un volume de trente-deux pages, illustré par Dora Carrington, Two Stories, deux textes,  ‘Trois Juifs‘ et ‘La marque sur le mur’!

Ensuite, on voit aussi, page 459, en perpendiculaire au texte imprimé, une mention manuscrite encore à l’encre bleue, qui réfèrerait à un anglo-saxon( d’où les écarts entre les différentes lettres), parfaitement bilingue : – le premier mot est mal déchiffrable : « Soleil? Sonil? Souil ?, la suite est claire :  » me 10 ao 11 11h1/2 pm ».

Bilingue, mais pas au point sans doute d’identifier les tropes auxquels fait allusion un écrivain très soucieux de la langue :dans la phrase, page 142 , deux mots sont soulignés à l’encre bleue (… »la commisération qu’elle ressentait non seulement à son propre endroit mais  pour l’espèce humaine tout entière, son cas douloureux valant, par cette sorte de synecdoque ou d’hypallage pour tous sans être une manière de se plaindre comme un homme »(…)IMG_9131 2

La lectrice n’a construit que peu de traces pour l’ensemble du livre, dont l’épaisseur rassemble cependant plusieurs centaines de milliers de signes et davantage encore si l’on ajoute les silences, les reprises de respiration à l’issue d’un chapitre, les grignotements de chocolat indispensables en raison de l’effort d’endurance, les remontages indiscrets des bas sur le point de filer à l’anglaise, les retournements de situation et sur le matelas nu, reprises de maquillage en quittant le sauna éteint, et des balancements imperceptibles, quoique  virtuellement nauséeux, du TGV.

Dans le train, des grands pères souriants et saisis en pleine digestion de l’Histoire, ancêtres  à mœurs et morales peut-être douteuses, accompagnent (ou surveillent?) leurs petits-enfants que la découverte du monde ( et des voyageuses en train de lire en short dans le train court ) enthousiasme encore, pour quelques dizaines d’années, ce qu’Ydit comprendrait, s’il n’était pas enfui en vacances.

Le désir vient de l’imaginer, Marina, et s’impose alors cette figure  du roman, la jeune étudiante devenue amante, dans ce livre elle parle souvent nue dans le lumière d’un drap, parcourue de caresses et traversée de mots, elle aussi venue de cette terre limousine. Maîtresse si jeune et si audacieuse, figure libre de ses actes, posée devant les figures rigides, douloureuses, mais radieuses des aïeules de Corrèze, bien loin de toute histoire de mots, de tout  rivage et de tout voyage…

…pour enluminer les pages d’heures où ne sont vraies et profondes que les aïeules, leurs amies, leurs maris, leurs marins, leurs univers de la terre paysanne.  » Nous sommes ici, ensemble, au cœur de cette nuit d’hiver, plus nus que nous ne l’avons jamais été, et que nous ne pourrons jamais l’être, si tant est qu’un homme puisse être aussi nu qu’une femme qui s’abandonne » (p.652).

De façon exceptionnelle, la marque n’est qu’une imperceptible pliure en haut de page. Impossible, alors, de savoir ce que (page21), la lectrice voulait retrouver ou signaler. La superposition des femmes, l’arrière grand’mère Bugeaud? L’amoureuse juvénile, Marina? La poétesse, Marina Tsvetaïeva qui dérobe son désespoir en choisissant la corde?

Le point central est Marina, partenaire du corps et d’apostrophe tout au long du long roman, était-ce le passage ‘repéré’ page 21 : « Je regarde Marina se déplier dans le crépuscule d’hiver , plus nue qu’elle ne l’a jamais été, même quand elle approchait tout à l’heure son pubis de ma bouche, la tête renversée en arrière, les yeux clos, lente et lourde, possessive, triomphante ? »
     Mais, probablement, le tout début du chapitre 4, page 289, le personnage puissant et livré de Marina offre -t-il, dans son impudeur, la clé en négatif des autres femmes du livre, et de la vie « en général » mère, grands-mères, grands tantes, et surtout l’immense nostalgie ( vive amertume ?) de l’écrivain en regard du monde et des valeurs disparues :

‘Je t’entends déjà dire qu’on ne peut plus être déshonoré, aujourd’hui, et donc que nul n’est honorable, l’honneur, le sang, la pureté, la gloire,

tout ça remplacé par les droits de la personne humaine’ , nu s'en tete revu 2

 

 

a murmuré en souriant Marina, qui avait à ce moment les cuisses encore ouvertes et humides,

 

gardant cette position par une sorte d’impudeur dont je ne savais si elle était une réponse à ce que je venais de dire ou simple abandon à la fatigue des sens »

 

 


A suivre, d’ici peu ( mais sait-on jamais?),  Marina 2/3   Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n°98, Le passage du marin trace-t-il la promesse d’une langue vivante ?


didier jouault pour Yditblog n° 97

 

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