Rappel : le commencement est :
Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n°97, Le souffle de papier porte -t-il la lumière d’une langue tiède ? ( Marina 1/3)
AVERTISSEMENT :
A l’approche de la centième, des souvenirs et des images peuvent attenter à la sérénité de personnes entre 4 et 81 ans, avant on ignore, après on a oublié.
‘Je t’entends déjà dire qu’on ne peut plus être déshonoré, aujourd’hui, et donc que nul n’est honorable, l’honneur, le sang, la pureté, la gloire, tout ça remplacé par les droits de la personne humaine’ , a murmuré en souriant Marina, qui avait à ce moment les cuisses encore ouvertes et humides, gardant cette position par une sorte d’impudeur dont je ne savais si elle était une réponse à ce que je venais de dire ou simple abandon à la fatigue des sens »(page 157).
Sur le quai, la jetée, sur la voie ferrée comme un poisson de métal gris, les trois ‘barons’ du récit continuent à s’interroger : où est passé le Narrateur?
Selon Germaine, « L’absence d’YDIT, ça pose tout de même un problème ! J’espère qu’il ne s’est pas pris pour Empédocle, pour Thésée, à force ? »
Vassiliki: « Ydit, on pourrait se passer de lui, après tout. On peut se passer de tous ceux qui racontent le passé, non ? »
V3 complète : « Moi, je ne dois rien à personne ».
Germaine-des-rails, qui fait profession d’aimer l’ordre, on s’en doute, se demande « ce que c’est que cette chose nouvelle, cette ‘Marina‘ »
V3 : « On a déjà eu peur avec « Tyne », heureusement elle partait pour le sud, Ydit n’a pas suivi. »
Vassiliki le croit : « Nous devrions nous méfier, cette petite nouvelle on dirait des attraits forts elle a ». Vassiliki aimerait que – » ne perdons pas le temps- on se débarrasse de Marina? »
Germaine soutient l’ordre de horaires mais aussi la liberté de ne pas prendre le bon. Elle insinue que, « des moyens d’oublier Marina, Vassiliki en connaît, hélas? Un petit tour à la Lubianka? »
Et si, demande V3, « et si, au fond, si l’on ose dire, la bonne façon de faire serait d’introduite Marina? »
A cette évidence, plus personne ne dit plus rien.
Les feuillets accompagnant le paquet reprennent :
Ensuite, selon un rythme indescriptible, que seule la vie autour de la lecture saurait un peu expliquer, une ligne bleue souligne (‘Ma vie parmi les ombres’ page 94) le nœud du récit : un univers de puissance et de rudesse a disparu, mais un autre est survenu. Lectrice à plume bleue et sourcils épilés pour le sable, ombre nouvelle portée sur les mots du roman, Marina aussi, pourquoi cette différence offusque-t-elle le crayon au point de cette ligne rarissime?
Le bonheur d’être du côté du bonheur ?



Tu lis Richard Millet dans le canapé du dimanche, sous le soleil dans la grande pièce, dehors peu d’oiseaux parce qu’il y a le vent de la marée montante ? Ou bien tu lis sur la plage de Corse, séparée du réel par l’évidence de l’ile, parfois chair projetée du récit, d’autres fois page transmuée en statue de pierre? Marina ? Tu ne réponds pas. Tu restes peu vêtue, Marina, toujours, car le marin aime cela, mais le plaid écossais et sa lourde laine font une niche de tiédeur, le soir, quand les terreurs et les effraies sont de retour, sur la jetée, sur le quai, sur le regard.
Lecture : page 132, un unique mot souligné ( et sur la dernière page de garde, blanche, le mot est écrit comme pour s’assurer de sa présence, suivi de la référence à la page. »Inchoative » :
« Inchoative » : « aspect grammatical qui se réfère soit au commencement d’une action soit à l’entrée dans un état ( aspect qu’on trouve dans les langues indo-européennes, mais aussi en lituanien, dans les langues finnoises. ) Dans les deux cas est mis en jeu le passage d’un état initial ( absence de propriété ou de procès) à un autre : il y a passage de ‘rien’ à quelque chose’. »
Rêveur Ydit ? La lectrice n’a pas de dictionnaire ou de téléphone, elle souligne ce qu’elle doit cependant traduire- et même un lecteur banal doit le faire, comme « cet hapax« , page 487, alors Marina courbe sa lecture afin d’apprécier les entrelacs de subtilité d’une grammaire qui-avec une rare énergie- dans les lignes qui suivent, sépare inchoatif et prospectif ?…(ouf)
Germaine commente les feuillets : elle se pense autorisée à dire le sens car elle maîtrise les aiguillages. Pour elle, YDIT – en vacances ou en fuite, ou enlevé par des terroristes du langage?-, YDIT parcourt ses imaginaires comme le vieil Henri visitait ses propriétés, « apprentissage par les gouffres ».
Et il nous snobe un peu, n’est il pas ? anglicise V3
La troisième grâce/comparse/parque désigne à nouveau les feuillets du paquet, sans parole :
Feuillet :
Elle est ici et pas d’ici, l’américaine de l’Ohio, Marina,
lectrice interlope, qui s’est endormie dans la pièce encore éclairée de contre-jours en cette fin d’après- midi,
avant que les éclats réguliers du phare (s’il fonctionne encore?) portent une autre forme de lumière.
Elle lit, elle n’a pas pris la peine (ou n’a pas l’humeur) de se vêtir davantage depuis ce matin, il fait beau et sa nudité entraperçue dans le grand miroir près de la fenêtre lui propose en sourdine comme un écho de ce qu’elle déchiffre sans peine, le corps si mobile et fragile de Marina héroïne du roman, et tous ces corps enfouis enfuis cachés des aïeules de la Corrèze, et la lectrice de l’Ohio est devenue
désormais parfaitement bilingue, depuis qu’elle a décidé de vivre avec le marin : 
allongée sur le divan, accroupie contre les oreillers à l’autre extrémité de la vaste pièce, ou même assise sur le haut tabouret près du bar qui marque l’espace de la cuisine, dévoilant par la position une intimité semblable à celle de Marina dans le roman, elle s’aperçoit sans s’observer,
contente d’une souplesse préservée, amusée de la forme rectangulaire que la taille donne à la toison, et qui amuse toujours le marin, depuis la rencontre sur le campus.
Dans l’OHIO, comme dans le Limousin du récit, on s’habille pour se cacher, depuis 1804, à Columbus, l’université sait donner le goût de la pudeur aux filles de l’Etat, surtout dans les pôles de Lima ( où le scribouillard et sa tante vivent dans une maison verte),
à Mansfield (que Jeanne explore comme on essaie une combinaison interstellaire), à Marion (ou Manon? poursuivie par un vieux des Grieux havre sans sac), ou à Newark enfin, les quatre pôles de l’Etat, qu’YDIT s’occupe à visiter pendant que l’Infernal Agrégat du trio reste livré à lui même, sous les plafonds, en salle d’attente.
Ensuite, mais entretemps le marin a été de retour, il a commencé de finir le récit des lourdeurs de la houle, la piqure des moteurs, ce n’est pas Loti ou Conrad, mais c’est page 164, on est le soir, il dort déjà, l’englobe-t-elle dans la molle et très incertaine cohorte des » parents ». Ydit s’étonne que ce passage, banal, soit l’une des rares moments – pour elle, Marina, lectrice- d’insistance, on aurait préféré une autre page, davantage vrillée par l’hélice interne de l’écriture, fendue par la torpille muette du pire. On perçoit qu’émerge lentement la lancée de l’amour, OHIO et ailleurs.
Enfin, arrive sous la main le passage où la lectrice se livre, se révèle, dit d’elle plus qu’on n’aurait oser imaginer rêver, en tournant le volume, pour lire le prix.
C’est l’été plein. Rien à faire. C’est près du phare, mais au fait, est-ce le phare du port, celui de la jetée où l’on vient depuis longtemps, et ce phare est alors la balise de vie? Ou bien est-elle en vacances, avec sa mère, toutes deux ont loué une bicoque près du port, au village,
l’une de ces anciennes maisons de pêcheurs repeintes en bleu et blanc pour que les touristes ne perdent pas les repères inventés qu’ils s’attendaient à retrouver ?
Il fait beau, la mère a préféré rester près des roses trémières, des hortensias roses et bleus. Le déjeuner léger n’empêche pas l’envie de promenade et le soleil n’impose pas la torpeur qui fait lire des livres sans se souvenir qu’on les a lus. Là encore, les passages soulignés,
Ydit est obligé de l’avouer, se montrent décevants. On connaît sa lectrice à ses traces dans le livre. Voici que Marina perd de son éclat- nuit tombante.
Ce n’est pas le petit prince ou Madeleine Chapsal, mais la force du livre, en ces lignes, semble diluée dans la brume de ce jour qui va tomber, avec le retour au port des plaisanciers bruyants. » Poussière d’étoiles », souligne -t-elle autre part … Est-ce la banalité que ma lectrice a voulu signaler? Sinon, pourquoi ceci seulement parmi tant d’autres pages ?
Grand creux, ensuite. Il y a eu tant à faire? Les enfants revenus de vacances? Ou bien au contraire, si « le Phare » n’était pas » son phare » mais « un phare », le retour dans une ville et l’épuisement des rêves ? page 384 : ce qu’elle souligne , c’est la spécificité de ce Français, mais sans relever, dirait-on, les observations sur la perte?
Germaine observe : « Tout se complique entre le livre lu, celui que Marina invente, et les pages que le vent du tarmac laisse flotter entre les mains d’Ydit sur le campus de Columbus »
Mais V3, vieillard véloce et venimeux, note que « Entre temps, voici que les Grands-pères
à barbe sont revenus de la corvée de bois, sans les petits enfants bleuis sous le short qu’ils accompagnaient en TGV.
« On a perdu le fil des générations avec le goût des OubliEs ? « demande Vassiliki, l’attentive Slave.
A suivre, d’ ici peu – sans doute : Yditblog Séquence Publique d’Oublies n° 99, Le frôlement du quai porte -t-il le regret d’une langue tue? (Marina 3 / 3)
didier jouault pour Yditblog Séquence Publique d’OubliEs n°98, Le passage du marin trace-t-il la promesse d’une langue vivante ? ( Marina 2/ 3)