Achevant la tournée, vous êtes presque parvenu au seuil, quand la dame de l’accueil s’écrie, tout sourire :« Au fait, vous avez bien mis assez de timbres pour quand on va vous le retourner ? »
Ainsi de suite. Vingt dépôts ou envois, dont les numériques. Et dix-neuf séquences pour émietter le récit de tout cela qui s’origine, presque UN AN plus tôt, un après-midi en Perche, par le voisinage d’un chatte, d’un coq et d’un guide Italie du Nord sur une table de jardin.

A peine ai-je eu la satisfaction (du pari tenu ? De la prospective vérifiée?) de recevoir cinq lettres de refus, que les violences du virus brisaient toute forme de chrono-logique en réduisant à presque rien les habituels et immenses efforts des demoiselles des PTT, dont le Petit Marcel écrivait tant de bien, et qui possèdent toujours à leur nom (sinon en propre) un ancien « Foyer des Demoiselles », devenu restaurant chic, dans une rue toute proche des Maisons. On y voit déjeuner ensemble des auteurs et des critiques, c’est rassurant.
« Les Editeurs » a fermé, ses banquettes s’usent toutes seules, les « Maisons » n’éditent plus, le tapis roulant s’est immobilisé dans sa poussière. La dame des îles, dans son silence impérieux, a rejoint les jolis cache-cœur des accortes au Mercure.
Sur les marches dans l’escalier de secours, dispersées en descente, les versions du roman attendent le ramassage, mais nul ne parvient jusqu’ici. « Même les éboueurs n’en veulent pas ? » ricanerait V3.
Une certitude : lorsque les livres seront libérés, le si modeste récit intitulé « Le jardin de Giorgio Bassani »aura rompu toute attache avec la réalité.
Démodé avant naissance. Démâté avant le départ. Privé d’intérêt, s’il en eut jamais.
Le roman évoquait l’effondrement des mémoires sur les années noires, l’amaigrissement des souvenirs -si loin de La Renaissance où un Duc ouvrait ses bras pour l’accueil à FERRARE. Il racontait l’Alzheimer social que Bassani reprochait déjà, Vélos et Ferrare.
Restait-il en nos temps quelque force de Résistance à l’oubli?
Tout entier, ridicule et moribond passager, il s’ échoue sur les rives de l’avant-crise. On écrira des mots nouveaux : la crise. Que faire de FERRARE, des ruelles dans le ghetto, des vélos sans selle et sans short, des monochromes de Silvia qui regarde le jardin rose depuis son balcon au matin, Silvia rayée du regard et de la mémoire?

Que faire d’un roman sur l’oubli quand nos mémoires proches seront saturées de Présent ?
On aura tant d’autres fantômes à chasser. Quand un personnage s’efface, le roman disparaît.
A quoi bon ce manuscrit si chacun fait la queue pour simplement savoir vivre ?
On ne peut pas respirer la poussière du dérisoire sans tousser.
Voila un forme d’étonnement dénuée de douleur (et encore moins d’amertume) : Ydit est un auteur sans refus d’éditeur, pour quinze cas sur vingt. Joli score, non ? Trois quarts de silence, c’est trois quarts d’insouciance, trois quarts d’insolence en moins.
Gagné !
Pour « Le jardin de Giorgio Bassani », pas d’hésitation : qu’on ne me le retourne surtout pas « plus tard », mon « Jardin », avec ou sans timbres, avec ou sans pépites, bulbes, racines. Je le cultiverai sans cela.
« -C’était un plaisir de vous rencontrer, »
« -Oui, deux à quatre mois, »
« -Oui, l’enveloppe timbrée, »
« -Et donc c’est ici qu’on le dépose ?
Oui : ici, exactement là. Clap de fin.
On peut toujours faire autrement. Autre chose.
Ydit-bis numéro 19, et tiens c’est calculé pour très exactement 600 mots de texte, 19 images, et programmé précisément le 10 mai. Et alors ?
Alors : Nec plus Ultra!
didier jouault Ydit-bis ,« Soumettre Ferrare »(4/4) , Flop de fin, Rien « à suivre »…