ENTRACTE 4/6  UN PIQUE-NIQUE À TAXOS, QUATRIÈME MOT : passage pour des images, ou «Marcher passe encore mais songer à cet âge » .

ENTRACTE 4/6  UN PIQUE-NIQUE À TAXOS, QUATRIÈME MOT : passage pour des images, ou «Marcher passe encore mais songer à cet âge » .

Puisque nous sommes au foyer du théâtre, j’aimerais que les comédiens anciens y prennent la parole, répliquant ainsi leurs échanges de la « saison 1 », le temps des 140 et davantage publications de YDIT BLOG, projet d’origine…mes vieux personnages pour lesquels une brève nostalgie d’adolescence me retrouve ce soir,convive imprévu mais disert au dessert dans  la taverne de Nikos…

(pour répondre à une lectrice de Chartres : revenir en arrière, séquence par séquence, est facile, en bas de chaque post on trouve la flèche qui permet de régresser à l’épisode juste précédent. C’est long, mais en passant à chaque fois le post en cours, on revient au début de la saison YDIT-SUIT « Le Jardin de Giorgio Bassani », ou même à la saison YDIT-BIS, « Écrire FERRARE « . Ce qui se lit encore auparavant, YDIT-BLOG, est une sorte de préhistoire : ça commence en 2015…)

C’est là pourtant que dialoguaient mes amis de mots. Germaine, la dame des chemins de fer, porteuse du droit fondamental des horaires et donc régulièrement dévastée par la rude réalité des transports humains… Vassiliki, la Russe, qui m’obtint sans qu’elle ni moi le cherchions, un flux de « commentaires » sur WordPress, en anglais et provenant de lecteurs pittoresques, mais c’était un malentendu, les éloges s’adressaient à un site d’où j’avais pu exfiltrer la photo de la Russe. Je réitère, pour voir. Enfin, V3, dit Voltaire, un vieillard ironique et brillant, vu en perspective à la fin de sa vie (saurait-il jamais l’immense postérité), vétilleux et vaticinant, peu fréquentable et si largement fréquenté ( 1234 voies, lieux, stations de transport public, établissements scolaires, édifices culturels portent son nom).

Pour ma promenade que je ne veux ni rêveuse ni solitaire, je les emmène avec moi, j’agrège leurs pas et leurs mots à mes parcours de soleil et de roc, je les convoque à TAXOS. C’est un peu comme si nous bavardions dans le couloir, entre bar et toilettes du théâtre, entre canapés râpé du foyer et vitrines emplies de programmes anciens. Les masques refleuris couleur COVID dans les vitrines donnent au foyer un air de sépulture antique.

À TAXOS, cet après-midi, la bouteille rangée dans le sac à dos, des cabris passent, des chèvres m’observent d’un air égaré, je pose des mots sur l’image sans passer par le passé. Mais, quand on marche (tout marcheur le sait)( et c’est pourquoi il marche) le dialogue intérieur avec la sueur et le silence ouvre au coupe-coupe les  chemins spirituels. Sur le roc à température solaire  je fais la revue des cartes  postales que le souvenir présente avec  des tours de passe-passe dans un méli-mélo un peu confus. Mais voici pourquoi on voyage, précisément, pour mélanger .

cherchez l'erreur 4IMG_0291cherchez l'erreur 1nu diurne TAXOS

C’est maintenant l’épreuve fatale de toute mise en scène : dans le foyer, par-dessus les bruissements des bavardages où les clapotis de coupes en voie de finitude, résonne la sonnerie de fin d’entracte. Pour le marin perdu vers la baie des trépassés, un peu avant la pointe du Van, la corne soudain signalerait la fin des angoisses : on retrouve la passe. Pour le spectateur, parfois, la sonnerie ne dit rien que le retour à la salle trop chaude, aux craquements du siège trop vieux, aux délabrements d’une pièce trop lente.

Ici, pour que les surprises soient progressives, on glisse des images que fera plus tard Claude, photographe amateur mais ne répugnant guère à tenir un peu l’appareil, en une seule séance de poses, nuit américaine comprise. Dans les présentoirs à dragées que fabrique une mémoire en voie d’extinction, le Narrateur Speculatif, par endroits, subrepticement arrogant, glisse un auto-portrait de lui en statue grecque mal débarrassée de son présent. Il s’impose en s’exposant faussement. Il récite une leçon de philosophie, un  cours de sociologie, et sur la terrasse revit l’apparente contradiction entre Éthique de la conviction / Éthique de la responsabilité, vieille et désormais anachronique opposition : tout le monde est depuis longtemps mis à nu par son insignifiance même.

Peu à peu, dans le théâtre, avec dans le regard cette émotion que provoque une coupe mal vidée, la molle colonne des exilés vers la scène retrouve une route du Devoir. Le récit va reprendre, regagnez vos places. Chez Giraudoux, Pirandello, Anouilh, et même Beckett, on dialogue sur les événements de la scène, sans parler des didascalies bavardes. Ici, non, soyez en ce jour épargnés : retour libre dans Le Jardin de Giorgio Bassani pour faire un tour de fraîcheur sous le grand magnolia qui, dit-on, marquait le centre symbolique de cet espace secret ( espace/ secret, encore un hiatus que le Doyen aurait pointé sur l’écran du Mac…)


didier jouault, pour YDIT-PAUSE  : ENTRACTE 4/6. UN PIQUE-NIQUE À TAXOS, QUATRIÈME MOT : passage pour des images, ou «Marcher passe encore mais songer à cet âge » . A suivre, le 19 août.

Par défaut

Laisser un commentaire