YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 46/99, Chapitre 15 – fin. Ne commençons pas à tout mélanger.

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Se donnerait-on la bise avant le départ ? S’entrebaiserait-on avant de se quitter ? C’est à cette question que, trois ou quatre jours plus tard, nous répondrons, ou pas, quand Silvia me fera signe d’attendre, depuis sa terrasse au deuxième étage, sur le point de la séparation. Je reviendrai d’une visite privée dans la galerie que dirige sa soeur, jute à côté du Castello Estense, le pâté en croûte pierreux de nos chers ducs d’Este. Ce sera l’heure du thé, si cette heure a du sens à Ferrare. Les bagages seront prêts, une valise cabine pour l’avion, un mini sac en bandoulière, et les outils nécessaires à ma tâche de voyageur pour les agences: tablette, appareil photos, bloc-notes. J’y ajoute sandwiche, tomates, et yaourt à boire, vieille habitude d’homme contraint à se passer de déjeuner pour l’urgence d’une notice attendue : les Juniors, à l’agence, leur cœur c’est un chronomètre..

Du haut de sa terrasse Silvia m’entendra revenir de ma visite, un peu excité par la disputatio sur les œuvres et l’art contemporain vieillissant mais elle ne le saura pas, la serrure électrique du portail sur la rue est un peu bruyante, on ne risque pas de se rater. Sauf si on veut. Mais elle ne veut pas ? Elle aura envie de savoir ce que j’ai pensé de tout ça, Ferrare, les rues et les vélos, les shorts et les plaques, la galerie, les ducs, les Juifs, Bassani, tout le bazar…et si j‘ai enfin des réponses. Je serai planté comme l’un de ses lauriers au milieu de la cour, parmi les pots fleuris, bermuda noisette, mocassins de veau brun, chemise légère pas trop colorée- vêtements pour client de galerie-, un peu en sueur car les rues auront encore été très chaudes, et je ne marche que du côté soleil.

Jamais d’ombre.
Elle fera le geste, mi sourire mi grimace, le mouvement toujours un peu dérisoire d’essuyer des larmes. « Alors, tu pars encore ? Et Bologne ce soir, toujours seul, l’avion demain matin?». Silvia connaît des réponses. Dans notre bizarre méli-mélo de vocabulaires, je confirmerai. Silvia sera sur la terrasse, au bord de la rambarde en fer forgé à claire-voie. Son buste, toujours dru tenu, sera couvert d’un T Shirt noir très ajusté, elle portera son ample robe blanc-crème, large, légère. En contrebas, je lui parlerai, en évitant de trop lever le regard vers cet en dessous de la jupe qu’une attention pointée soutenue par le mouvement de vent permettrait d’explorer avec davantage d’impudeur, sinon de précision. Silvia percevra l’équivoque de notre position et ma prudence. Cela ne la troublera plus. Elle dira quelque chose du genre :
« Caro, ne bouge pas, je descends de suite », mais attendra un peu avant de bouger. Permission d’en profiter. Juste cela. Bref épars noir : étoffe ou toison ? Un string déguisé en nu ou un nu méprisant le string?
Ensuite, dans le jardin de la rue Belfiori, nous aurons une brève étreinte ressemblant à celle de l’arrivée, en plus tendre, plus complice, naturellement.
« Es-tu content de ce que tu as pu voir ? » demandera-t-elle, malicieuse, sans préciser à quel moment, sur la terrasse, en ville ?
Nous n’aurons pas d’adieux émus, et nous ne parlerons pas de notre soirée, ce qui sera désormais « Le soir du Vieux Ghetto », rue Vittoria, sur la terrasse où il a fait si bon. Et si tiède. Cela se racontera plus tard. Patience dans l’azur.
Petits baisers, sa main sur mon épaule gauche, la mienne parcourant ce dos de la nuque à la limite qu’impose la pudeur, on dirait de vieux amis se quittant après les vacances.
Plus tard, sur le site par lequel nous dialoguons désormais, Silvia écrira des phrases trop émues, puis cette conclusion provisoire ( !), en Italien : « Je ne t’oublierai pas, ni les jardins, rue Belfiori ni celui de la maison de Giorgio Bassani ne t’oublieront. »
Ce sera tout de même un peu agaçant, on aurait l’impression d’une lycéenne découvrant la langue.
Pour l’instant, ne commençons pas à tout mélanger, ou plutôt ne perturbons pas la frise déjà complexe du temps puisque j’arrive, juste j’arrive pour la deuxième fois dans le petit jardin. Il faut s’y faire, il vocifère ( sans bruit aurait écrit Marguerite) : le narrateur est alternatif et répétitif. C’est l’art de la répétition, « Le Miroir qui revient ».
A Mantoue, j’en viens, la logeuse avait ajouté une bouteille de Prosecco, Mantoue est une ville pétillante. Erika de Mantoue, Stéfania de Modène, sans doute faudra-t-il que j’ajoute leurs histoires à mon rapport, le moment venu, si je me résous et me fatigue avec joie (oxymore, habitude de l’effort en montagne?) à rédiger un texte sur Ferrare.


Les attentions de Silvia,aujourd’hui, sont un hommage à mon retour chez elle vers elle, ou dans la ville vers la ville, deux mois seulement, à peine, après mon premier séjour ici. Mais, débarquant de Modène et Mantoue, je n’ai pas d’intentions au sujet de Silvia, ce n’est pas elle que je viens retrouver à Ferrare.


Celui que je cherche, c’est le nommé Giorgio Bassani, d’abord sa maison, ou plus précisément le jardin secret de Giorgio Bassani, c’est exactement ainsi qu’on doit nommer le but,oui, c’est ainsi que se formule un but : le jardin secret de Giorgio Bassani.

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