Ydit-suit, Le jardin de Giorgio Bassani, pause : à l’an fini, à l’an nouveau, vœux à vous : tout ne peut qu’aller mieux ?

« Les Italiens ont un rapport moins compliqué que nous avec le passé. Ils opposent à l’art leur décontraction, cet environnement fait partie de leur vie quotidienne. En France, un espace comme le Palais Ducal aurait été, depuis longtemps, mis sous cloche et sanctuarisé, alors qu’ici, les administrations s’installent volontiers dans les édifices anciens. Une manière de leur garder un principe de vie. »

Jean-Paul KAUFFMANN, « Venise à double tour« , Folio, 2020, P.212

« Les juifs de Ferrare entretenaient un rapport confiant avec leur passé dans la ville. Ils n’ont pas pris au sérieux les lois raciales, pensant que les fascistes n’étaient pas identiques aux nazis. Puis les nazis ont gouverné à Ferrare ».

Giorgio BASSANI, « Entretiens inédits et qui doivent le rester« , archives de Silvia.

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2021 : Que tout aille mieux !

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Didier Jouault pour : Ydit-suit, Le jardin de Giorgio Bassani, pause : A l’an fini, à l’an nouveau, vœux à vous : tout ne peut qu’aller mieux ?

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 53/99, Chapitre 17 – fin. Je ne porte sur moi que mes projets.

NB : lecture originelle (non dégadée par les logiciels de lecture) :

https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/12077

Sans rien comprendre à l’espace qui fut ghetto ou place ducale, plantés dans leur arrogance pathétique, d’obscènes ou ridicules artistes font la démonstration de leur absence intérieure, avec un sérieux sans limite. Allongé le long d’un mur XVIIIè, un vieux type, tout emberlificoté de nattes grises sales et de rides mal lavées, s’est mis en posture de yogi, vêtu de tissus manifestant l’hindouisme profond, « c’est moi l’ermite et l’incarnation maigre de la sagesse », tu parles, et s’exhibe crasseusement près de divers sacs à dos désastreux.
Le yogi de baraque foraine suscite tout de même un sursaut de dégoût chez les spectatrices, comme on en voit aux enfants qui découvrent des crottes de chien dans le jardin de mamie. Des musiques hâtives approximativement jouées (car il faut passer le chapeau en vitesse) provoquent l’éparpillement hagard des publics successifs dans les ruelles étroites, sur les places encombrées.
« Tu exagères toujours avec les adjectifs », c’est ce que disait mon patron, Le Doyen, paix à ses mots.


Par bonheur, devant la librairie SOGNALIBRO, belle boutique de livres anciens qui vend beaucoup d’ouvrages d’art ou de kabbale (mais c’est un peu pareil ), sous une affiche qui renvoie vers une autre « librairie éditrice » BELRIGUARDO (« Siamo in via delle Vecchie, 24 ») trois filles, deux instrumentistes, une chanteuse, donnent un superbe concert, décalé mais puissant, une véritable musique. Je m’arrête, il y a un cercle nombreux, attentif, c’est bien. Accablé, je vois des petits groupes, polos sales ivresse atteinte, traverser l’espace visiblement assigné au concert qui sépare les artistes de leur public. On passe, on ne regarde même pas qui chante et joue, pourtant c’est beau. Parfois, on aimerait s’autoriser l’interdite violence. Ils marchent juste devant et ne voient pas non plus la plaque :

BASSANI CARLO BASSANI LAMPRONTE

BASSANI GUISEPPE BASSANI MARCELLA


A l’embouchure de la via Garibaldi, par laquelle on s’éloigne du centre vers La Mura encore lointaine, plus tard, un bar a installé un comptoir extérieur, on sert des Spritz chers et légers, il y a de nombreux amuse-gueule. Les touristes se pressent. On se dirait dans l’un de ces cocktails où les invités sont pauvres, et on abuse vite du gratuit. Mais n’est-ce pas le modus opérandi de quiconque ose écrire, et revient au buffet de la mémoire prendre un autre verre de fantasme, déguisant les souvenirs sous les capes du mensonge  – vous prendrez bien aussi quelques amuse-gueule ?
A Modène, par une erreur bien programmée par le hasard, j’avais quitté le périmètre facile de la ville ancienne, et passé la moitié de la nuit à marcher, tourner, chercher. On s’en souvient ?
A Ferrare, y compris en le souhaitant, et c’est pourquoi j’aime passionnément la ville, personne ne se perd à l’intérieur du rempart pentagonal, surtout, parce que l’horizon apaisant des remparts indique la clé de la ville, et personne n’a disparu, sauf dans un camion gris-vert bâché conduit par un nazi habillé de noir, et c’est pourquoi je hais la cité, aussi pour ses complaisances, sa futilité,

ses silences.
Peu à peu , les musiciens s’éloignent, et dans les lambeaux d’espaces ainsi redevenus hospitaliers, mes fantômes préférés de la ville peuvent retrouver une place pour leurs errances dans les fossés de mon imagination : Juifs errants, médecins kabbalistes, Templiers forts buveurs, homme de génie, l’Arioste, ou témoin de talent et de résistances, Bassani, ce Giorgio, mon Giorgio de plus en plus ( de mieux en mieux,) dépossédé de sa vérité par ce mensonge actif qu’est toute lecture : il se mue en imaginaire. Il devient mon personnage. Si je veux séduire, ce n’est pas Silvia, c’est Giorgio.
Pour le retour, j’ai choisi une rue longeant un pan de Mura, la nuit s’est apaisée, une lune vive s’installe au creux des lueurs et rumeurs, les remparts vibrent dans l’évidence hautaine du silence. Comme tout ce qui enclot l’espace, ils ouvrent la liberté de l’imaginaire.
Plus sombre que l’allée bordée de platanes inscrite au sommet de la levée de terre côté ville, l’ancienne douve, plus profonde, côté hors ville, conduit aussitôt à des taillis, des bosquets, davantage épais, obscurs, même si des lampadaires l’éclairent. Je n’ose aller plus avant par crainte de surprendre- comme au temps des récits de Giorgio Bassani, des amours rapides entre musiciens maigres – pathétique spectacle- ou (comme on peut s’y attendre ce soir), des corps souffrant confrontés à la violence de leur drogue, ou de son absence. Depuis des années, je ne redoute plus l’agression, le dépouillement, car si peu à perdre à mon âge. Dans cette solitude, je ne porte sur moi que mes projets, et dans les poches les échos de mon renoncement. A près de soixante-dix ans, des projets, ça pèse pas lourd. Et les renoncements deviennent légers.
Ému par le silence comme par la présence intérieure de mes absents, ce soir, ou le souvenirs d’amantes anciennes…

( Je raconterai plus tard la visite à Jumièges il y a quarante ans, en compagnie de Fred, je dirai plus tard qu’après la matinée des corps, nous nous offrions une visite, et je portais dans la poche-poitrine de ma veste en léger tweed, à Jumièges-la-lumineuse, le si fin sous-vêtement blanc Petit Bateau qu’avait peu auparavant retiré Frédérique, retiré d’un geste souriant, juste à l’entrée de l’abbaye en ruines, émouvant mouvement de prestance érotique et tendre, puis me l’offrant comme d’une carte de visite déposée dans l’antichambre chez la marquise, pour rire et sentir librement l’air normand de l’hiver sous la jupe large, dans le vent et le soleil se Normandie, sentir et pas que l’air normand, tout au long de la rieuse visite des ruines…)

Je raconterai cela mais pour l’heure, – ce soir, pendant que la nuit vit sa vie courte d’été, à FERRARE, ne surgissent que les spectres indiscrets échappés des plaques- cette nuit là, si je savais la trouver mieux dans mon habit de fantôme que dans celui de touriste, si je savais le chemin de la mémoire sans oubli, car c’est la route de tout désir, je déposerais l’étoffe intime sortie de la veste de tweed, l’offrande faite par Fred à la présence du plaisir dans les ruines de pierre, je déposerais sur le banc, ici-même, je la quitterais ainsi qu’une offrande royale aux « bataillons de jeunes filles à vélo », ici, dentelle noire du string Aubade encore à venir, ou coton banc Petit Bateau du souvenir effacé, là sur le banc au fond du jardin, sur l’alternance du blanc et du noir des pavés de Ferrare, clé des songes, et du secret dans la maison de Giorgio Bassani.

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Didier Jouault pour : YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 53/99, Chapitre 17 fin. Je ne porte sur moi que mes projets. ET cette séquence se termine juste avant la fin de l’année, ouf, pile à temps. On aimerait vous souhaiter bonne année !

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 52/99, Chapitre 17 – milieu. Sur la plaque de le rue Mazzini, on lit.

A nos âges, sourire, passe encore, mais séduire !


NOTA BENE : meilleure appréciation de la mise en page soignée sur :

https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/12074


Aujourd’hui encore ( ou faut-il écrire à présent à nouveau) je reconnais la beauté de Ferrare : l’implacable et cependant très douce certitude des larges remparts, leur obligation pérenne. Il y étaient, ils y seront, couverts d’arbres, arrachés pendant la guerre, replantés, espace idéal pour le coureur matinal, l’amoureux de midi, la dealeur des nuits. Il faut être à Ferrare, comme dans une nuit après l’amour, comme dans une aube avant le combat : tendu et paisible, être ici, parcourant les dix kilomètres de la circonférence, plutôt que de boire des Spritz à Mantoue en regardant passer des Françaises, des verres de Lambrusco à Bologne en comptant les Allemands, ou des tasses de ristreto servies par des Italiennes sur la place Mazzini à Modène.Ferrare s’éblouit de se voir vieillir, sans que les rides servent à personne, une aïeule désargentée mais digne, le contraire de Venise.


Silvia, dans la rue d’une ville inconnue, même entourée de ses vêtements très coordonnés qui forment comme l’uniforme singulier d’une brigade à soldat unique, Silvia bien ajustée sans excès à sa silhouette droite, la reconnaîtrais-je?

Mais je retrouverais aussitôt dans chaque ruelle l’odeur singulière de La Mura le matin.
C’est devenu l’empreinte du plaisir.

Depuis mon précédent passage, il y a moins de cinquante jours, dans les trains comme partout, je tente de lire le tout Bassani. En particulier la nouvelle sur la plaque commémorative, avec l’anti-héros Géo. Bassani évoque ici l’après-guerre, les remontées de vieux fascistes comme des reflux de digestion à peine commencée, c’est la nouvelle qui a provoqué mon désir de me lancer sur le chemin menant à la maison de Giorgio Bassani, à son jardin secret, à ce qui reste du bruit des balles sur le court de tennis ou le corso Roma, de balles sur les murs bordant les douves du château d’Este, pour exécuter des Résistants.

Sur la plaque de la rue Mazzini, celle qu’on regarde si on essaie de voir et pas seulement de passe, dans le récit on lit un nom en trop, un en trop parmi les Juifs disparus. Et à l’inverse un en moins, sur la véritable plaque en façade rue Mazzini, patronyme qu’on a ensuite ajouté, la gravure est moins nette, TREVI, ILDEBRANO, un nom qui trouve sa place bien en-dessous de la trop longue liste des exterminés, parmi lesquels des BASSANI, les uns en dessous des autres :

BASSANI-CARLO BASSANI-GUISEPPE-

BASSANI-LAMPRONTE BASSANI-MARCELLA



Depuis le tremblement de terre de 2012, la synagogue est restée fermée, on la dirait comme déshabillée de sa judéité même avant les fracas de l’Histoire.
J’entre demander chez « Mandoline », conseillé à distance par Silvia, s’il y aura deux couverts ce soir, mais non, un groupe de festivaliers a pris toute la place. Au bout de la via Carbone, sur la piazetta S. Agnese, c’est comme une cour des miracles : quatre diseurs de bonne aventure, chacun sa méthode, des filles déguisées en rien du tout, deux ou trois marchands d’amulettes, onguents, babioles, herbes rares, d’ailleurs un légère odeur carrément de shit flotte quand on passe devant le pub irlandais, sur le côté de la piazetta, en face du vieux cinéma.

J’imagine, sortant par la porte latérale de la petite église franciscaine, désormais close ainsi que beaucoup à Ferrare ( et ne parlons pas de Venise ou Jean-Paul Kaufmann lui-même a rencontré l’absence et traversé le silence) je vois un alchimiste acharné recueillant la matière première de son Grand Œuvre, cette matière à jamais préservée par le secret de la transmission, et pourtant ici très accessible à qui sait en reconnaître la présence.
Après les retrouvailles avec mon éblouissement de naguère, et le dîner renforcé par un bon rouge sang d’Emilie Romagne, je recommence- allégé cette fois- ma déambulation redécouverte de Ferrare, une déambulation un peu délabrée et pas mal, pas mal quoi ? Enervée ? Attendrie ? Surprise ?

Le festival des musiques de rues est une espèce de « Fête de la musique » très dense, multiple, bavarde et tonitruante, « carrément vulgaire » (ou vigoureusement populaire ?) Ferrare, ce soir, fait un pas de côté hors de son réel, qui est tout entier dans son passé : modestie princière et café sans sucre.

Des touristes multipliés par leur ivresse débutante consomment la ville en glissant d’un chanteur à une violoniste, d’une fanfare à un groupe ex-punk délavé par l’insuffisance de sa propre musique. Tout le monde s’occupe les mains avec des gobelets de bière vite bus, des paninis en voie d’effondrement, des burgers éclatés sous la pression de la mayonnaise baveuse, de verres de rosé. Oui, du rosé, à Ferrare, on n’ose y croire. Au début de la rue Saraceno, l’une des artères de l’ancien ghetto, une sorte de barrage coquin est bâti dune planche posée sur deux tonneaux, burger végé, bière, debout, 8 euros, et ne se projettent pas sur le mur les images des habitants de l’immeuble regroupés de force dans l’école juive, rue Vittoria, juste à côté, juste ici, quelques pas mois loin dans la ville et le passé, l’école où Bassani enseignait, pare qu’il avait été interdit de lycée public depuis 1938, les premières « lois raciales », avant de partir, d’échapper aux rafles nazies en 43.

BASSANI-CARLO BASSANI-GUISEPPE-

BASSANI-LAMPRONTE BASSANI-MARCELLA

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Didier Jouault pour : YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 52/99, Chapitre 17 – milieu. Sur la plaque de le rue Mazzini, on lit.

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 51/99, Chapitre 17 – début. Implacable et cependant douce certitude de La MURA

Chapitre 17

L’implacable et cependant très douce certitude des remparts

Nota Bene : la version originelle de la mise en page est accessible par Firefox sur Ydit-blog. Meilleure lecture…

https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/12077

Il y a des limites au lavage du souvenir, comme au gavage de la mémoire tout de même.. Un silence très pulvérulent a reconquis la salle du 5ème dans la bibliothèque. La pulsion d’en venir aux faits ( vagues, on l’a vu ) avec la Mourre me pousse à poser sur la table la collection entière, ce qui suscite le sarcasme muet des séniors voisins.
Dans la bibli, mains propres, m’est venue cette idée parfaitement Georgienne (patronyme Pérec) :
observer par quel nom ( et donc par quelle notice) commence chacune des entrées de chacun des chapitres, pour les initiales successives, dans la célèbre encyclopédie qu’est la Mourre, jusqu’à ce F Fatidique et Fastueux, Fertile et Fragile, Fastidieusement Fouillant la Farandole de l’alFabet, F , juste après le E de « OubliEs », mon précédent projet , FERRARE. Quitte à dépasser un peu, comme un bon écolier emporté par l’élan, débordant sa Marelle, par défaut d’attention, et toc on dépasse le Ciel avant même de savoir qu’on y arrivait. Un peu comme de ressusciter d’un accident avant même d’avoir d’en avoir appris la nouvelle.
Je récite l’alphabet des souvenirs pour vitrifier la mémoire. Je m’exerce à la listerie. Toute vie est une liste de courses, jamais complétée à temps, mais déjà si on a goûté aux cappellacci alla zucca, Roberto mon Zucco, tout n’est pas perdu.
Au moins, la Mourre rassure : tant qu’on l’a sous la main, on passe vaguement à côté de la mort. Toujours ça de pris.On reste posé dans ce déni ( que plus tard une pandémie éparpille) : ça meurt, et nous avec.
-« Tout de même, tu charries », dirait Mark. « Les juniors de l’agence, pas sûr qu’ils comprennent les jeux de mots, on les recrute sur la pureté de la langue. Toi, t’aurais plus aucune chance, avec ta langue bifide!»
A = AALST, première ville de l’imprimerie. B = BAADER, Andréas, l’homme de la bande. C = CABALE (ministère de la cabale, conseil privé formé par le roi Charles II).

D = DACCA la capitale du Bengladesh. E = EAM, sigle de Ellinikô Apelaftherotiko Métopo (Front de libération hellénique), Résistance contre l’occupation nazie 43/45. F = FABIAN SOCIETY, organisation socialiste anglaise crée en 1884, opposée à Marx, qui a progressivement, en partie sous l’action de GB Shaw et de HG Wells, mené à l’émergence du Parti Travailliste
Ensuite, en fin de liste, HYNDAI (« Moderne » en Coréen ) « conglomérat coréen ».

HYNDAI, justement, ça sonne dans une poche arrière de jeans d’élève-infirmière au 5ème étage de la bibliothèque..
La sonore actualité rejoint la culture du Mourre, portée à ses yeux ou ses oreilles par une Elève de bleu pâle surtout vêtue (« On ne peut plus se fier à rien, en matière de couleur des genres« , ricanerait Cécile ) ,infirmière probablement nommée Hélène et que désignent tous les attributs de la divinité vue côté médiathèque : T shirt près du buste, cheveux lissés, épais short jaune abricot (nous sommes en juillet), Nike marine aux pieds, du reste s’il en reste on ignore tout, (porte-t-elle, par exemple, de façon un peu vulgaire, inaccoutumée à son âge et dans cette catégorie de personne-tout-pour-la-santé ), un string de dentelle noire,

( accessoire encore non présenté au cours de ce récit, mais les survenues d’objet sont successives, comme chez Tintin ou Breton ) (légende photo: d’autres  » Juniores de l’Agence, alors que les trois vieux complices du récit réapparaissent, mais ne sont-ils pas d’une certaine manière parmi les errances fantômes de Ferrare ?

ou bien, ce serait plus crédible, était-ce le cas de la dame aux pois ? De la conservatrice de service ? Tout ceci mérite l’anathème, ces imaginations des dessous des dames, cela va de soi,quelle dérive dans un récit sur la Résistance. Mais, la Renaissance...) et on ne peut s’interdire de le regretter une seconde, malgré le sévère jugement des Séniors dans la salle, surtout des professeurs à la retraite, dont le regret excédé marque la rage de l’éloignement.
A nos âges, sourire, passe encore, mais séduire !


Ferrare, c’est d’abord des lieux produisant leur histoire.

De nombreuses villes sont ainsi,

fragments d’enceintes préservées avec soin et pancarte historique;

faubourgs brouillons où la violence du travail et de la faim décérèbre l’artisan;

avenues nouvelles crevant la plaie des cours des miracles;

quartiers neufs sur des maisons détruites.

Et la toponymie de la cité parle de ses erreurs;

de ses oublis de soi;

de triomphes échafaudés sur la misère de ceux qu’on déplace;

de ses tourbillons magiques et désastreux tour à tour;

de ses femmes allant chercher la reine à Versailles ou portant le vin frais de Montmartre sur les barricades à Belleville;

de Tuileries incendiées;

de Folies Titon pillées;

de guillotines dépliées;

de Semaine sanglante;

de richesses éparpillées comme de banquiers dépouillés.

Marchant sur les pavés, j’entends le murmure séducteur des peuples faisant l’Histoire dans l’ombre des puissants, et la rumeur qui provient de ces caprices dont jouissent les riches;

 » Tu devrais pas te moquer des Vieux, à ton age, ni des riches avec ce que te paie l’Agence » dirait Serge. Qui n’a jamais tort.

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Didier Jouault pour YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 51/99, Chapitre 17 – début. Implacable et cependant douce certitude de La MURA. A voir …après ce drôle de noël ?

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 50/99, Chapitre 16 – fin. Tout le monde a planqué ses notes.

POUR UNE LECTURE RESPECTANT LA MISE EN PAGE :

https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/12068

Dans le silence studieux, j’entends deux étudiantes, on se demande pourquoi elles prennent la place des Séniors alors qu’elles sont en vacances, qui pouffent de rire à lire un texte dont le titre hélas est invisible d’ici.


Je continue à lire LA MOURRE: « La ville conserve de nombreux monuments de son glorieux passé : le château d’Este ou castello Estense ( fallait-il en bilingue ?)(XIV-XVI e s.), le palais Schifanoia(XIV/XVe s.), le palais des Diamants(XV/XVIe s .), le palais de Ludovic le More ( fin XVe s.), dont l’appellation est contestée, sur place, je le verrai ensuite. En 1471, la seigneurie de Ferrare fut érigée en duché. A l’extinction de la lignée ducale, le pape Clément VIII prit possession du duché de Ferrare, (on ne peut pas signaler, encore moins éviter, tous les hiatus genre du duché, pardon), qui resta à (encore ?!)l’Eglise de 1598 à 1796. Les Français occupèrent (comme on dit les nazis, et non pas les Allemands, on eut ici préféré : « Bonaparte » ou encore « la République », plutôt que de se trouver un peu coupables à rebours) Ferrare en juill 1796 et en firent le chef-lieu du département du Bas-Pô. Intégrée ensuite au royaume d’Italie (1801/14), elle fut rendue en 1814 au pape, mais celui-ci concéda aux Autrichiens le droit d’y entretenir une garnison.«  Là aussi, je m’encoquine à substituer garnison par Lisette ou La Grisette, ou une cocotte désuète style Odette sortie de chez Swann. « Elle fut rattachée (la garnison ? Ah, que c’est difficile de rédiger des articles de dictionnaire !) au nouveau royaume d’Italie en 1860. »

Tandis que je galèje, ricaneur, peinant à me concentrer sur le style académique, dans le calme apparent de la médiathèque, la dame en noir à pois bancs s’écrie avec violence, pousse des « AH, non !» qu’accompagnent des jurons diversement polyglottes, mais parfaitement scandés- elle a des lettres-quoiqu’ inadmissibles dans un texte qui voisine la Mourre sur la table de travail. Elle montre des signes de panique avancée, se lève, tassant d’un geste pudique la robe un peu troussée par la violence du mouvement, va demander de l’aide à la conservatrice de service : d’un geste trop vif elle a, dit-elle, « tout scratché, c’est la merde, la vraie merde», tout ce qu’elle finissait de rédiger dans un élan tapeur et tapageur, oui, c’est pas possible. A quoi tient le fil d’un texte quand on est maladroit.

Que celui n’étant jamais passé par une telle catastrophe ( ici au sens étymologique) paie un cierge pour son avenir- sauvegarde automatique ou pas. La salle entière, mise en alerte, apprend par un tonitruant coup de téléphone que « Mon article est dans la merde ».

Les plus dévouées courent à son chevet.

La conservatrice, compatissante, avoue son impuissance si pas de sauvegarde. La dame noir et blanc tourne en rond, nous craignons un peu tous que sa détresse la conduise à un geste peu médiathèquiste, mais de préférence tout de même dirigé contre elle plutôt que l’un de nous, qui avons essayé de lui faire comprendre par divers signes (variés dans la forme) à quel point nous sommes collectivement -et aussi on le regrette définitivement-incapables de lui récupérer son article dans les ondes perdu, ou de récurer sa mémoire. Nous, héroïques, on a déjà des écuries à curer, avec les chevaux énervés du souvenir.


Nous : jolie juxtaposition d’empathie ou d’hypocrisie, compatissons. Elle va pleurer d’autant que la conservatrice- chef, exfiltrée depuis son bureau du sixième, «Accès rigoureusement interdit », et qui se penchait sur l’ordinateur infâme comme un soigneur de ring sur le moteur XS761 dans le stand d’Indianapolis, vient de renoncer à son tour, bras baissés, visage déchiré par une sournoise contrition. Exaspérée, en larmes désormais, la dame de nouveau traverse la salle en tous sens, parle plusieurs fois dans son téléphone, regarde certains de son air hagard. Tout le monde a planqué ses notes, vérifié la sauvegarde, fermé l’ordi, on ne sait jamais, les idées ça se pille et les virus ça galope. Elle fait une soudaine sortie par l’escalier, revient dans une extrême fébrilité chercher sac et fourrure, préfère à présent l’ascenseur pour descendre.


Privée, vive, de sa mémoire, elle aussi, elle déjà, mais par une machine !

Un philosophe hindouiste, en réalité un père franciscain chargé d’évangélisation locale, mais amoureux du Gange, avait laissé un message à ses deux servantes, habillées de peintures rituelles locales et de vélos venus d’Europe, avant de faire le choix malencontreux d’une petite baignade digestive (comme sont lourds ces mets d’ici, goûteux mais épicés, mes frères), et de s’y noyer, dans son Gange, et elles le considéreront comme une sorte de testament, à graver sur la pierre qu’elles retourneront au pays, à leurs frais, sur un lit de feuillages :
« Si je ne suis pas revenu à cinq heures, prévenez le Supérieur, je vais rejoindre la source de ma mémoire, qui est l’abondante source de la vie de hommes, amen. »

Je devrais profiter de l’esclandre pour bouger vers les toilettes, avant de commencer la Mourre, sinon s’installer dans la Mourre vessie pleine, c’est un peu déraisonnable. Amen.

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Didier JOUAULT pour YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 50/99, Chapitre 16 – fin. Tout le monde a planqué ses notes. On peut appuyer sur  » pause » pour une bonne semaine. Avant de passer à l’implacable et cependant très douce certitude des remparts.

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 49/99, Chapitre 16 – second milieu. Mister Alzheimer croqué en plein travail.

POUR une LECTURE directe de la mise en page originelle, cliquez !

https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/12065

Avant de partir accomplir mes visites je m’aperçois dans la psyché de l’entrée : avec mes mocassins en veau cousu main achetés à Olbia, bien entendu portés pied-nus, et mon demi-bermuda noisette (très bien coupé), si on ajoutait ces lunettes rouge sombre, larges (qui formaient encore alors partie intégrante de mon personnage, sujet des photos pour mon ‘blog’abandonné sur une marche de Temple depuis, au profit de FERRARA), si on humait un bronzage tonique ( pour peu qu’on eût encore la dangereuse liberté du baiser d’ami), et que tout cela se complétât par un tot bag (« Petit Palais » Paris, mais je déteste en porter), je serais-en dépit ou peut-être en raison de l’âge- tout à fait prêt pour recevoir en cette ville oblique et foisonnante les signes d’une drague virile un peu active. A observer certains des peintres de la Renaissance, toujours on se demande devant tel pan d’image : garçon ou fille?

D’ailleurs, autant l’avouer, parfois, dans ces rues d’Italie au nord, des couples d’hommes, plutôt pas si jeunes, me jettent un coup d’œil. Raté, les gars, trop tard pour essayer le bicolore ……. Ensuite, lors de ma visite à la Casa Romei, en fin de séjour, deux messieurs traîneront un peu près de moi, chapeaux de paille, bermudas serrés comme un short de vélo, une cuisse rouge, une verte. Mais, sur les bicyclettes ou dans leurs shorts je ne regarde que les jeunes filles. « C’est pas à ton age qu’on apprend le coup de main pour retourner les crêpes », dirait Mark.
C’est bien dans le ton pourtant : à l’accueil du Palazzina Marfisa d’Este, le type , jeune, s’ennuie, tente de bavarder dans un Français très convenable, envoie de jolis sourires en me demandant ce que j’aimerais voir de plus précis, me caresse de conseils et d’une voix profonde. Debout afin de m’indiquer une circulation « plus adaptée à la votre personne », il ressemble à une espèce d’accorte San Sébastian- mais ne le sont-ils pas tous, accortes, les San Sébastian? Au moins fournit-il à ma curiosité de voyageur les réponses utiles pour mes notices.

Retour en arrière, encore ( et pourquoi non?).

Entre mes deux passages à Ferrare, revenu à Parigi sull piaggia, j’étais allé à la médiathèque du quartier et j’avais tiré de sa torpeur, plus que vespérale, le ventripotent volume adéquat du MOURRE, on dit aussi La Mourre, l’encyclopédie ou le dictionnaire historique, texte originel, de 1978 ( la grande époque ! ), aux Presses Universitaires, réédité idem par Larousse en 1996 : de quoi s’occuper intelligemment les mains, comme disent les mères à leurs garçons de quinze ans, pour qu’ils reposent le smartphone, entre autres objets du désir manipulables sans dessein mais non pas sans plaisir. L’accueil ici est très personnalisé, parisien.


Dans la salle de lecture du cinquième, pas loin de ma table, une dame énervée par le flux visiblement trop fort de sa création, tapote le clavier de l’ordi avec une puissance et une vivacité qui forment une réelle nuisance sonore. Enveloppée d’une robe noire à gros points blancs, elle a posé à ses pieds une doudoune de fourrure synthétique rose pétillant – mais aucune de ces deux pièces ne la freine dans son élan. De ma place, décentré par son bruit, je devine des mots comme « pétition », « succès », 15000, et le titre d’un grand hebdomadaire national qui, au motif de résumer des programmes de la télévision, éclaire ses lecteurs de jugements pigmentés sur les sujets les plus graves, mais aussi les plus aimables.
La dame de l’ordinateur a renoncé à toute quiétude, elle s’abandonne à ses propres doigts sur le clavier. Pourtant, sur mon habituel bloc-notes format ordonnances ( mais tenter d’ordonner un récit est-ce autre chose que prescrire à soi-même ses drogues ou ses placebo ?) je tente de noter ce que la Mourre m’apprend, page 2029 / 2029 et la suite.


« FERRARE : Ville d’Italie, en Emilie, chef-lieu de la province de Ferrare(…) Elle occupe le site de la ville romaine antique de Forum alieni, et fut fondée vers v.450 par les habitants de la ville d’Aquiée, qui venait d’être détruite par les Huns ».

On ne peut plus jamais lire un article d’encyclopédie sans devoir résister aux spasmes de rire provoqués par le ton du texte. Une ville, dont nous ne savons rien, a été détruite, on ne sait comment, et il n’y a plus de mémoire de rien. On croirait l’un de mes rapports de mission, une caricature sur Mister Alzheimer croqué en plein travail, en plein effet de non-sens. En somme (une somme vite réduite à pas beaucoup, bien moins que le prix d’un ristretto place aux herbes) : du discours.

Je sais ce que c’est, le discours. J’en viens, j’en vis. Pas de juifs, ni vélos?

Mon récit de Ferrare, qui est le récit d’un ou quelques jardins, pourrait-il enraciner ses ramures de printemps au milieu de cette terre infertile? Effondré par cette navrante métaphore (que seule la puissance de frappe de la voisine en noir peut excuser ?), je continue la Mourre : « Après avoir fait partie de l’exarchat de Ravenne elle posséda dès le XI ème s. une organisation communale et, du XIII au XVI eme s. appartint aux princes de la maison d’Este(v.) qui y( ah, le hiatus !) établirent leur résidence et en firent l’un des centres les plus brillants de la Renaissance littéraire et artistique.« 
Ah, me dis-je, « l’Exarchat de Ravenne ». Bien sûr.


On doit imaginer, ici dans la médiathèque du quartier, fréquentée par des lycéens en salle de lecture et des vieux en sale des périodiques, tapi replet mais vivace, épais et à point comme un burger de chez Gourmet, imaginer un fort volume roboratif sur Ravenne, son Exarchat, ses chats. Nécessairement, le document existe, sinon à quoi bon 1234 mémoires soutenus chaque année ? Je renonce à tirer le fil, ce à quoi m’incitent pourtant les « v. »abrégeant « voir » et les « s. » raccourcissant les siècles.

Comme toute narration, la Mourre n’a d’autre finalité (secrète) que de renvoyer, sans cesse, à de l’inconnu au-delà du récit, de l’indicible en fond de court de la Parole. Je connais cela aussi, et c’est bien le piège, c’est bien le sens. Le narrateur spéculatif est non seulement alternatif, par ses double-sens, mais aussi allusif. Un narrateur abusif ?

Dans le silence studieux, que ne bouleversent pas les trop aigus verbiages de touristes affamés d’occidentalité (d’ailleurs effacés de nos images urbaines depuis) j’entends deux étudiantes, on se demande pourquoi elles prennent la place des Seniors alors qu’elles sont en vacances, et elles pouffent de rire à lire un texte dont le titre hélas est invisible d’ici, un truc sur des anchois, des villages ?… Dommage, ça aurait changé !

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Didier JOUAULT pour YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 49/99, Chapitre 16 – second milieu. Mister Alzheimer croqué en plein travail. On en finit avec ce chapitre 16, bientôt ( malgré le pim pam boum bug dyschronique, Fragment 50 sur 99, ce sera, on tiendra le bon bout, passée la mi-pente. Sauf surprise de noël ?

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 48/99, Chapitre 16 – premier milieu. Pour réserver www.STREETBURGERGOURMET.IT

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Tandis qu’en éteint Les Lumières sur la scène où se multiplient en même temps les « Poursuites », balayages aigus de l’absence gagnant le centre du plateau, moi, j’écris des recommandations légères, conseils pour des adresses de tables typiques ainsi que « Le Vieux Ghetto« , futur décor d’une scène cardinale, dans le parcours dédalien vers le labyrinthe qu’est sans doute le Jardin de Giorgio Bassani.

NOTICE :
Gourmet Burger, Saraceno, 11, Ferrara, menu midi 20 ou 28 euros, carte le soir, comptez environ 45 à 60 euros.


Tout ce qu’on peut dire du Burger Gourmet, c’est que l’ambiance y est à point de 11h à trois heures du matin. L’hiver, une salle dont les poutres apparentes ne brisent pas un bel équilibre de maison noble XVIII, cheminée dès les premiers froids. L’été, conquise (à prix d’or, il est vrai, et l’addition ne s’en cache pas…) sur la rue, la superbe terrasse étroite, à même le sol, aligne une dizaine de tables, très recherchées par les élégantes et les gourmands, qui sont parfois le même personne.


La carte joue des spécialités d’Emilie-Romagne, en colorant le Burger selon les produits très inattendus comme les poivrons, les anguilles, et naturellement la fameuse sauce « Ercole I », nom du Duc fondateur, à base d’épinards et de mozarella di buffa. Si vous préférez bouder le Burger (bien qu’ici le petit pain rond soit génialement croustillant) on peut le comprendre, vous agiterez les papilles avec les empereurs de la carte, une spécialité, les capelllacci alla zucca : vous prenez un potiron tout rond, gaiement cuit dans le prosecco, une variété d’herbes rares, vous en farcissez des raviolis bien épais (pâte recette maison, beaucoup d’œuf), en ajoutant beurre salé, sauge, tomate, et un peu de poivre en grains, servez brûlant avec- pour les insatiables sans cœur- de toutes petites tranches de castrato, cet agneau de lait grillé sur la pierre blanche, lamelle marinée dans le campari (pour le mélange sucre et amertume, belle image d’une fin de vacances) tout juste retournée à point. Personne n’aurait imaginé cela, mais on vous l’apporte sur le gril.

Pour le reste, en hiver seulement, un mélange très détonnant de recettes Sépharades et de non moins roboratives traces yankies dues à la deuxième guerre. Mais vous n’allez pas venir sous la neige, à Ferrare ( et vous aurez tort).

Un choix de crus assez limité, préférez les blancs dont un succulent Ovietto, ou bien – toute honte bue-, choisissez l’une des trente bières artisanales que les Ferrarais viennent déguster ici, au long de la journée.

Service toujours efficace, adorable en hiver, rigolard en été.

(réserver : http://www.STREETBURGERGOURMET.IT)
Pour en savoir plus : http://www.ferrarainfo.com/it/ferrara
 »

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Joint à la carte : un article de la revue municipale présente les parcours de la famille d’Este, et d’une courte ligne indifférente, les « faveurs » dont bénéficiaient les Juifs. Le texte, bizarrement, néglige cette immense et majeure « migration » fin XVème, et sa presque totale fin en 1943, deux petits « oublis », comme s’il ne s’agissait que d’une maigre surface de temps plissée par un souffle léger de l’histoire, une vaguelette croustillant sur sa crème anglaise; image insupportable.

Les touristes de le vie, rien ne sert de leur égratigner la mémoire, surtout s’ils sortent du Gourmet Burger.

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Didier JOUAULT pour YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 48/99, Chapitre 16 – premier milieu. Pour réserver http://www.STREETBURGERGOURMET.IT. La suite est proche, mais en décembre,le premier, par exemple ? ( le 9 décembre, ça irait?) Toujours pas d’urgence que je sache ?

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YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 47/99, Chapitre 16 – début. Le murmure séducteur de peuples faisant l’Histoire dans l’ombre des puissants.

CONSEIL QUALITE : pour apprécier la réalité de la mise en page, on peut cliquer sur :

https://wordpress.com/post/yditblog.wordpress.com/12059

Chapitre 16

Le murmure séducteur de peuples faisant l’Histoire dans l’ombre des puissants

Chez Silvia, la bonne hôtesse, j’ai eu l’impression assez inattendue non pas d’une deuxième reprise dans un combat de boxe, mais d’une identique arrivée, tout juste pareille, par le même train dans la même gare, quelques années après une escapade de jeunesse, Bonjour FERRARA, et retour de flamme, Chérie me revoilà, comme si mon propre fantôme ( cette fois sans short ni vélo), ma silhouette mal dessinée de voyageur sans bagages, ou presque, vieux ou presque, encore debout, « Le Vieux Français » comme dit (je crois) Silvia,

comme si tout ce complexe mélange de mois avait été poussé dans le dos dans sa démarche de fils prodigue.
Voilà, c’est ça : on arrive pour visiter Claude, il paraît que son état empire (« Pour Claude, c’est banal », aurait pu dire Mark, mais nos jeux de mots sont rarement compris), surtout de la tête, on prétend que pour cette personne plus personne n’est reconnu, les gens sont bâtis en matière d’absence, leurs histoires ne sont que confusions, les plus aimés sont devenus des moins que rien, moins que des ombres, des va nu pied de la mémoire.

Du vent dans les tranches de Patatras.

On raconte que Claude pourrait se perdre dans ce village même, le village, où sa vie s’est installée depuis longtemps, quatorze ans précisément, la demeure familiale dont ses propres parents avaient hérité, connaissant chaque fissure du paysage et chaque effondrement discret du jardin. A présent, il arrive que le vieux Simon (« Tout cela va finir par nous bombarder dans un roman de Richard Millet« , dirait Cécile) croise la personne très lente de Claude, une simple forme qui aurait les yeux ouverts devant un regard sans nerfs, une image animée désertée par sa propre voix. On pose les images d’absence sur la margelle moussue de l’ancien lavoir ( « Plus personne n’entretient cette sorte de lieu, dans nos bourgs », regretterait Sergi), celui-là même où sa grand-mère paternelle, celle de la branche des Pythre,-qui habitait de l’autre côté du vallon-est venue passer des jours et des jours de cendres et d’eau gelée, la tête cependant préservée de l’obscur par le bavardage des femmes autour des étranges rapports qu’entretiennent l’eau et le sale, les anciennes et la vie. Ici même on pose pour les cartes postales en noir et banc envoyées depuis les couleurs ternes de l’absence. On se croirait dans l’extraordinaire long plan final de ce dialogue impassible impossible entre Depardieu et Binoche, à la fin de « Un beau soleil intérieur » de Claire Denis. Mais c’est FERRARE, XVème/XXème.

Silvia, que j’observe sans émotion, d’où revient-elle? Ses allers-retours semblent dénués de motifs sinon de raison, pas de marque d’intention ou de signe du sens hormis un filet à provisions vide, pendant un peu flasque,comme une bourse vidée en toute hâte, passages vers 14h 45 ou 16 h 20 ou 18h50, et l’on peut l’apercevoir revenant qui porte un objet solitaire et vague, vers 15h 15, ou 16h50, ou 19h 20, comme si l’une des activités de Silvia consistait à traverser le jardin rose de la rue Belfiori entre deux achats de babioles incertaines rue Saraceno, première gauche, ou même rue Mazzini, sitôt après, ruelles du ghetto éteint dans l’oubli des vivants. Ou bien une sorte de travail clandestin d’été ? Silvia tenant par intérim la caisse d’un musée désert? Silvia qui fait la plonge au Gourmet Burger?

Guide d’un château désert à l’heure de la pause ?

A l’heure de la passe ?

Par moments, passant sac à la main, elle s’enquiert des raisons pour lesquelles j’écris, semble-t-il avec lenteur, hésitation, prudence.

Je lis alors des fragments à son intention, et prends le temps de vrais vides, des silences qui forment cependant l’ouverture nécessaire pour des récits dressés comme des tables de fête, comme la garde-robe d’un chambellan chez Barnaby, d’un garde-champêtre de Lady Chatterley, d’un garde-chiourme chez Jean Valjean, d’un dialogue fringant chez Audiard, d’un roi cuirassé montant-heaume clos- le percheron qui court à la défaite, à la cécité, à la mort chez Bresson. Puis à une déplorable (c’est le moins qu’on puisse écrire) postérité.

« L’unique bonne façon de raconter une histoire, disait Platon, c’est (à part se mettre sur un lit près d’un éphèbe rosi à point) de ne pas s’arrêter aux feux rouges. Tant pis pour les points de permis perdus, de toute façon ça va ça vient, on ne meurt pas avec ses points, ni avec ses drachmes ou ses drames au fond d’un puits, autant avancer comme en Quatorze, de toute façon ils feront quand même chier avec la ciguë le moment venu. »

Silvia, ma collection de citations philosophiques arrangées ( comme il y a des rhums arrangés), ça lui plait. Sergi, Mark, Cécile, pas sûr. Ils en savent trop pour croire mes mensonges. Parfois- mais je ne la vois pas, ou pas encore, depuis la terrasse de son propre appartement au deuxième Silvia m’observe, ou regarde le silence, ou attend le mouvement de la ville. C’est le soleil. Ou la veille. A FERRARE. C’est pareil.
Aussi, porté par cette inaltérable et intemporelle sagesse, je raconte à nouveau l’à-rebours de la Renaissance, des siècles plus tard, ce siècle numéro XX où l’Histoire s’est mise à rouler à reculons, ornières profondes et terreur générale, come-back violent vers la nuit des origines, la caverne sombre, sans même passer par l’étape Lumières, et c’est pas fini.

(Ferrare après le tremblement de terre)

C’est de moins en mois fini, le reculons. Lumières, vous verrez, on va n’y rien voir de plus en plus. Lumières ? Éteignez en sortant vers l’arrière.

________________________________________________________________________Didier JOUAULT pour YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 47/99, Chapitre 16 – début. Le murmure séducteur de peuples faisant l’Histoire dans l’ombre des puissants. Milieu ? Tout bientôt, le 6 décembre, même s’il pleut…

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YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY »3 : la crue saison, celle des voyages en villes italiennes du nord, et le si long arrêt sur images de FERRARA, l’éblouissement des ruelles et de l’Histoire, les mages et Silvia -l’absente hôtesse, de qui naquirent les pages puis les posts du « Jardin de Giorgio Bassani ». Voici donc-à titre gracieux, tel quel, le verbiage gratuit par lequel s’initiait l’aventure, mis en ligne le 3 juin 2020 : ==> YDIT-suit : « Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 1/99, Deux pages pour pousser la porte du récit – première page, de nuit, la parole perdue. »

Dix neuf pas sur le chemin du Jardin de Giorgio B. , donc, puis l’entre-deux d’une respiration à rythme d’insomnie. Repos du clavier.

Dans les jours de l’invention du roman ( je veux dire l’imagination des irréels tirés d’une goutte de réalité) , surviennent souvent de titres ou des accroches. Ainsi que des pousses qu’il faudra couper avant même leur entrée dans un texte. Ce sont  des images, des cartes postales prises en lumière vague, la nuit, ou le petit matin venu. D’imposants souvenirs déportés s’imposent. à nouveau.

De menus messages sans maîtrise glissés d’une main maligne, jetés vers l’intérieur  immobile, ou postés dans la boite jaune d’une poste encore close. Autant de conclusions de chapitre, impossibles, ou d’inconvenants incipit ( on devrait écrire incipeunt?)

Incipit : cette maladie infantile, vouloir être le premier de la classe tous les jours/ Spam multicolore fluorescent : vente flash d’une table oblongue et vernie, 75% de remise de crise, à ce prix, les bonnes âmes peuvent l’utiliser pour allonger des esclaves syriennes afin d’ôter leurs liens.

Incipit : de la malice dans la mélasse/ La nuit n’éteint pas le brouillard/ A l’heure de se souvenir, chacun virevolte et fait semblant/ Déguisé en hâbleur, vous n’êtes pas si mal LOTI.

Incipit : les bêtes à sang chaud se ressemblent, mais  à l’épreuve du passage à niveaux, certaines courent plus vite que l’ombre du train/ A l’épreuve du passage du train, certaines bêtes échappent au bruit et gomment le stress en se délectant de la chair morte coincée sous les roues.

Conclusion : La nuit venue n’efface pas le brouillard de vivre/ Avoir été pauvre est un luxe que chacun ne peut pas se payer.Même si dans les hôtels pour missions des idées roses attendent derrière les fenêtres.

Conclusion : J’aurais été le champion du monde toutes catégories de la salade Caesar Monop dégustée dans la salle de repos humide au fond des saunas même pas mixtes/ Il aura été le roi de la visite-surprise  en tenue d’Ecrivain ( en tenue de Loti? de Gustave?) au musée Grévin, ou dans les replis du musée Notre Dame de Sion, Istamboul, près du cimetière des Français.

Debout dans les reflets que font les replis de la mémoire quand on ouvre la journée, elle avait de charmantes menottes,  cette nuit.


Didier Jouault, pour  YDIT Suit/ Le Jardin de Giorgio Bassani, Première page de nuit, épisode 1/95 A SUIVRE

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