A l’heure du dîner, peu après , tandis que je prends ici ma chambre d’étape à Bologne, avant l’avion du très matin, 
là bas, dans le jardin rose de SILVIA, dans ma FERRARE, c’est NERO le Guide qui arrive.
L’orage va crier, mais on peut encore boire un verre sur la terrasse du second, celle de l’appartement où- sans doute et sauf exception- ne pénètrent pas les touristes hébergés dans le studio-duplex. Avec Silvia, ils parlent du visiteur, ce vieux Français qui a semble-t-il été impressionné par toutes ces traces dans la ville authentifiant le récit de Bassani, par les rumeurs. Par toutes les histoires de Néro

« Oui, avoue NERO, la visite précipitée et comme baroque du ghetto n’a pu que renforcer les confusions. Mais tout est bien comme ça. » Silvia se demande si le visiteur s’est aperçu de quelque chose pour eux deux ?
NERO :« Et qu’est-ce que ça ferait ? On l’a bien encadré celui-là , sans qu’il le sache, voilà tout, rien de plus. A la fin, j’avais le sentiment que, en peu de jours, il se prenait de plus en plus pour Bassani lui-même, tu n’as pas cette impression ? D’ailleurs, ça facilitait le travail, ça le rendait sympathique, ce vieux Français ». Silvia sourit : « On l’a bien encadré » dit Néro, à chaque fois, comme si le touriste guidé se muait en oeuvre d’art pour brocante à Mantoue : accroché au mur du couloir chez la belle Erika. 20.000 les quatre ( on s’en souvient ?)
« Du reste, ajoute Silvia, on n’a pas appris grand-chose de lui au fond, même quand tu as essayé de le saouler au Gourmet Burger. A mon avis, tu étais plus saoul que lui, heureusement que je t’ai appelé, te sortant de là avec le coup de la pauvre petite fille qui attend« .
Pour NERO, « Si quelqu’un ici a pu en savoir davantage, dans de ces circonstances où on se laisse aller, chacun le sait tout de même, ce ne peut être que l’accueillante et accorte logeuse, non ?
Si elle voit ce qu’il veut dire ? Au fait, hein, après le dîner du Ghetto, quoi, quelle saveur pour le dernier verre? «
Pour Silvia : « Quoi, « après le dîner », qu’est-ce que NERO voudrait savoir, qu’est-ce que ça peut bien signifier, « après le dîner ? », et en plus qu’est ce que ça peut bien lui faire, à lui, ce qui s’est passé ou pas, même pas un vrai frère, NERO, un beau-frère à peine, un faux-frère à coup sûr, laisse tomber, il n’y a rien à savoir, et comme toujours il n’y a jamais rien à savoir à Ferrare, tu devrais le savoir ! «
Ils rient ensemble, et aussi des démarches ridicules du vieux Français pour tenter de signer un contrat pour un duplex à louer, ou de négocier un contrat pour l’abonnement au club de tennis. « Un drôle de type ton visiteur, tout de même », et-désignant la maigre étoffe posée sur un coussin vert de la terrasse : « Quand même, un type dont les chapitres ont pour fil rouge un string noir, et pour chute un jardin clos, ça ne peut pas être dangereux, si ? »
Se levant pour chercher à boire, Silvia lui dit qu’aujourd’hui, elle, c’est un string rouge qu’elle porte. Cela n’intéresse ni de regarde Néro, il s’en fiche, de l’intimité de Silvia, il demandait ça tout à l’heure juste pour taquiner. On entend le voisin pousser la lourde porte du double vantail, au 33 B Belfiori, et on passe à la suite.
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Didier Jouault pour : YDIT-SUIT : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 89/99, Chapitre 29. Et pour chute un jardin.