YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 5: la deuxième saison, celle des voyages en villes italiennes du nord, et le si long arrêt sur images de FERRARA, l’éblouissement des ruelles et de l’Histoire, les mages et Silvia -l’absente hôtesse, de qui naquirent les pages puis les posts du « Jardin de Giorgio Bassani ». Voici donc la…rediffusion telle quelle de la séquence datée 30 juin 2020 ==> « YDIT-SUIT : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 9/99, Chapitre 3 – début. Deuxième passage à Ferrare. »

Chapitre 3 : L’orage éclate sur le quai 3.

Mon âge transforme en errance tout parcours, en déviation toute attente, car au fond est-il jamais d’autre inquiétude véritable que d’arriver trop tard, pas en bon état, sur le quai ? Imagine que tu rates le dernier train de ta mort, quel bazar.
A la fin de l’été, j’avais cependant décidé un retour vers l’arrière, à FERRARE,
quittant le front de l’avenir en construction, comme si quelqu’un m’y attendait réellement-pour autre chose que me vendre des nuits de BnB. Pourtant, quelle serait la raison pour laquelle Silvia se souviendrait d’un voyageur, si par une nuit d’hiver? Elle n’embrasse que les chattes.

Le mieux, c’est l’hiver sans les visiteurs. Photo Silvia B.


J’avais entrepris de terminer par FERRARE une nouvelle petite tournée de villes, comme s’il avait été possible de se fatiguer, d’user par d’autres étonnements les capacités de surprise et de détournement qu’offre la cité « Entre les murs », à la façon d’un gourmand devant le cinquième gâteau. En somme, inspiré comme un Sultan, j’introduisais Ferrare dans le harem jamais achevé que forment les villes du nord italien. Ce genre de métaphore, à l’Agence, quand ils reçoivent mes notes, les ciseaux des Juniors ne laissent pas survivre. Ils ont raison. Seul notre aîné de l’équipe, Sergi (Sergio? Sergui?) sait encore apprécier, il m’envoie un « like » discret, depuis les terres qu’il aime, et son coeur si carré..


J’avais prévu trois villes, comme dans les temps de mes missions en activité, trois c’est bien, Trois Villes ça résonne auteur sérieux, après on mélange. Le lien qui les unissait restait un fil tordu : la présence de la famille d’ESTE, qui avait régné à Ferrare au grand moment historique de l’accueil des Juifs expulsés d’Espagne par les super cathos déréglos, le regrettable duo Aragon/Castille, tout un destin, et même pas une musique de Bobby Lapointe (mais qui connaît Bobby ?), la période fructueuse de « l’Extension » multipliant par deux la surface habitée de la ville. Il suffit de regarder un plan, d’un côté le fouillis, de l’autre les Princes. Et aussi la propriété des Finzi Contini, maison, tennis (en fait rien de cela ne fut réellement ici ).

Les trois villes dessinent un triangle dans le nord italien, lieu – comme on sait- des bonheurs jamais déçus : Modène, Mantoue, Ferrare. Mantoue, je dis ça pour les historiens assez grincheux, Mantoue parce que Borgia, Lucrèce, oui, c’est bien elle, n’oublions pas que la petite a été – jeune- mariée à un duc de Ferrare.
Parti pour une semaine solitaire, j’ai emporté peu de livres. En cette saison, les soirs s’usent en terrasse, avec le ristretto témoignant de mon incohérence banale, car ensuite ce sera Théralène, quinze gouttes ce soir ? « Ouh la la, c’est trop », dirait la jeune docteur Clémence Meunier, mais elle ne sait pas me refuser une ordonnance si je fais mes yeux doux de quasi vieillard insomniaque. Préparant le périple, j’ai fouillé en vain les rayons de la bibliothèque familiale, on n’y trouve jamais le livre qu’on cherche. Quelqu’un, après dîner, l’a emporté.
Donc, chez moi, pas de « Jardin des Finzi-Contini ». A la médiathèque Marguerite Duras, toute neuve et toute proche, c’était l’un des deux Bassani que désignait l’ordinateur, le situant : «En salle, troisième étage, espace B, Rayon 2 ».
C’est ça, l’Intelligence Artificielle, ça sait tout sur rien. Mais, là encore, le « Jardin » est absent ? Drôle d’idée, un jardin « sorti ». Le bibliothécaire de service demande comment cela est possible, et s’avoue incapable de le loger,ce planqué. Un Lecteur incivil ( elle me regarde, écarte le soupçon, j’ai toujours eu l’air propre et bien rangé dans mes affaires) l’aura feuilleté, puis déposé ailleurs. Avec la Science fiction? Pourtant, fait rare, c’est rare, dit-elle, mutine, qu’on lise du Bassani. Je me sens commencer à intéresser. Rien de tel : parler de livres rares à des professionnels qui s’ennuient.On pourrait prendre un verre? Mais non, c’est trop tard.


A la place, j’ai emprunté « Les Lunettes d’or et autres histoires de Ferrare». Plus tard, revenant de voyage, la libraire du quartier me conseillera l’édition Quarto de Gallimard , qui est un peu ancienne (2008 je viens de vérifier, mais j’avais rangé le bouquin au lieu de le laisser à portée de clavier, j’en profite pour me servir un café). Le volume réunit l’ensemble des œuvres publiées, sous le titre «  Le Roman de Ferrare », comme on écrirait « de Renart ».
Les fichiers du prêt sur place demeurent silencieux sur Bassani ( hormis des occurrences pour un manuel de viticulture toscane). Comme si l’auteur souffrait d’une certaine panne de postérité? Rien, non plus, à partir des entrées «  Este/Famille d’Este », en dehors de cet ouvrage collectif et si savant, émouvant recueil en hommage au cher professeur Edouardo Marivoli, ce spécialiste bien connu de la poliorcétique dans l’Italie du Nord entre 1492 et 1547, ce fut son Grand Œuvre, son Everest sans camp de base, ses mille et une nuits de cent une vierges, faites le calcul. Au moins ça valait la peine, la poliorcétique.

J’ai photocopié quelques passages, croustillants de très inutiles certitudes. L’érudition, c’est ça. Et ça parle de Ferrare?
A l’Agence, on témoigna de la bienveillance très souriante par laquelle, depuis ma cessation d’activité, on marquait une espèce de charité à l’égard du vieux qui espère ne pas montrer qu’il est déjà tout entier passé du côté de l’absence.

Allez, que j’écrive de courtes notices de visite, et, oui, on les lirait, bien entendu. Et, oui-oui, aussi, oui, des notes de frais, pourquoi pas, mais pourvu que ça reste discret et raisonnable, pas comme les fameuses notes sur Samarcande… Modène, Mantoue, Ferrare, ok, ok. d’accord. Bon, à présent, puisque c’est calé, si je pouvais enfin tout de même laisser travailler qu calme sur de véritables urgences, les Juniors c’est pressé, merci, ciao Ydit…

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Didier Jouault pour « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 9/99, Chapitre 3 : L’orage éclate sur le quai 3. Début. A suivre ...le 02 juillet ?

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