YDIT-TROIS, comme annoncé, d’abord « PREVIOUSLY » 6 : la deuxième saison, celle des voyages en villes italiennes du nord, et le si long arrêt sur images de FERRARA, l’éblouissement des ruelles et de l’Histoire, l’accueil révolutionnaire des Juifs par un prince Renaissant, les mages et Silvia en images-l’absente hôtesse, de qui naquirent les pages puis les posts du « Jardin de Giorgio Bassani ». Voici donc la…rediffusion double, telles quelles des séquences datée du 9 juillet et 12 juillet 2020, où l’on peut lire que déambuler dans la nuit de MODENE, c’est surgir dans la lumière de FERRARE ==> »YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisodes 13/99, et 14/99 Chapitre 4 – milieu et fin. »

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Donatello ? Non, je ne vois pas ? Ah oui, Donatello !

Deux ou trois cours étroites, enchainées de guingois, des arbres dont les pieds sont enterrés sous des lattes de bois peintes de couleurs virulentes, des poutres de large troncs équarris au carré, des tables délavées par les verres, la pluie, l’imprécis mouvement des amants pressés d’en venir aux mains avant la fermeture. La dernière cour, apparue au terme d’un couloir décoré d’affiches et de programmes contient une fête surprise dans sa fin.


Arriver dans une fin, c’est le meilleur moyen de savoir si on va trouver des raisons, ensuite, peut-être, parfois, faut voir, de revenir au début.
La fin en cours révèle des vérités discrètes, que le début maquille encore. Une certaine usure a des saveurs d’indiscrétion.
Des intermittents, si le mot a du sens ici, replient des fils et rangent des micros, la pluie ne tombe plus sur la scène. Des groupes de filles- surtout- et quelques types, dont un jeune blondin – si le mot a du sens ici –bouc frisé, catogan séchant, pantalon à bretelles et bandes marron-blanches sous lequel battent en cœur ses grosses fesses molles et, quand il bogue et bouge, ce qu’on imagine d’un sexe non moins flottant. Longtemps, faute de me coucher de bonne humeur, je me suis demandé ce qu’est un « parquet flottant », craignant de voir l’eau surgir entre les lattes de mon insomnie d’hôtel. Un sexe flottant, sous l’étoffe, je devine sa fatuité de vacuité. Tous me regardent les regarder. C’est une étrange façon de vivre que celle d’observateur. Le Hibou, ce bon vieux Restif de la Bretonne, en tirait des leçons grivoises, et Rousseau ( mieux connu des écolières) des pensées dites fécondes.

Mais mon regard d’infatigable baladeur produit l’effet habituel, on s’écarte du regardeur. Merci, les petits, laissez un peu d’oxygène au vieux.

Les étudiantes dervichent sur place, le gin donne un rythme syncopé mais un peu décalé, las et rapide en même temps, comme un voyage prévu par un homme âgé. Le reste de Modène dort, sur les tombes de Ducs d’Este, la chambre des sœurs, les cellules des moines, les prisons des immigrés. Sans trop d’effort, je résiste au désir d’un blanc glacé, ou d’une danse avec le sourire vaguement niais d’une pré-trentenaire de Modène découvrant à la fois les effets du gin et des épaules tièdes sous la paume. Mais ça n’existe pas.
Un barman un peu trop pas rasé tente de rester dans son maillot malgré des gestes professionnels d’agité du shaker.
Comme j’ai tourné la tête vers les trois étudiantes jouant à short me vois-tu, et que l’une d’entre elles cherche la compagnie d’un siège ou d’un vieux…

…le barman quitte vivement son installation provisoire, une bouteille vide de gin haut de gamme en mains, comme pour la remplacer, puis revient avec la bouteille aux trois quarts pleine : gin de contrebande, à la place du gin cher pour verre d’étudiante. La vie, mode d’emploi, c’est ça. Le type au catogan a déjà trop bu pour s’apercevoir de l’arnaque, et ses fesses n’ont pas encore appris le poids des lendemains de mauvais alcool. La fête à Modène, dans ce lieu étrange et dissimulé, ressemblerait à ce cocktail trompeur, à ces mannequins ?


Les cours se sont vidées, le long couloir vers la sortie est comblé de nuit noire. Je marche derrière les derniers fantômes qui savent éclairer la route avec la lueur étrange du smartphone.
Commence l’exploration de la faille.

Refusant de même penser à revenir sur mes pas, comme toujours, je choisis un carrefour, une avenue à droite, non, à gauche, qui éveille un vague souvenir, mais tout à l’heure il pleuvait. Mon errance travaille seule, heures supplémentaires défiscalisées, moi je marche parmi les rues supposées me conduire vers le quartier plus populaire de Stéfania, hors les murs. Le plan du centre-ville est simple, lui aussi un peu pentagonal, mais j’ai abandonné ma carte sur la table du restaurant, que je ne saurais plus retrouver, qui est de toute façon fermé, le serveur et son couple d’amis partis ensemble fumer une dernière cigarette dans le pub du centre, il n’y a plus rien à retrouver.


Par deux fois, dans les détours de la ville déserte en lisière d’un boulevard moins pénombreux, je croise des groupes de quatre ou cinq garçons, l’absence de filles fait de leur présence une inquiétude, mais les premiers se contentent de répéter une danse, slam bruyant sous l’écho des arcades, faute de local sans doute, et les autres chahutent dans l’air enfin allégé de la nuit. De curieux indicateurs conduiraient vers des caves où la fête continuerait à sa façon, comme dans toutes les villes touristiques, mais ce ne sont pas ces genres de notices que je rédige ici.

Je m’en veux d’être dehors sans batterie de secours pour l’IPhone dont j’ai épuisé l’énergie par de nombreux messages, comme souvent. Des messages vains pour batterie vide, à mon age.
Une fois de plus, je n’ai rien prévu et je suis parti avec l’intime conviction que je m’en sortirais de toute façon, de la rue, de la nuit, de la vie, de Modène. Je ne croise presque personne.
Toujours, j’ai prétendu me débrouiller, moi tout seul, l’idiot de la famille.
Tout est lent, et inutile, j’ai perdu ma route.


Qu’est ce qui ressemble davantage à une façade usée qu’une façade délabrée ? Ombre et platanes, ruelles prises de court par une avenue trop droite, hélas identique à celle quittée une heure avant. Dans la nuit et le temps qui passent, des urgences s’imposent, mais cette ville n’a pas davantage d’urinoirs dans ses coins que de plans lisibles affichés aux carrefours.

En vitesse, craignant le voisin ou le policier insomniaque, ou pire encore les attardées de la fête, j’urine avec honte et précipitation contre un coin de pénombre. J’imagine le sourires des Jeunes Turcs de l’Agence : c’est fini, le vieux ne se tient plus…

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Didier Jouault pour : YDIT-suit : « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 13/99, Chapitre 4 – milieu. A suivre

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CHAPITRE 4 – FIN , EPISODE 14/99

De Modène à FERRARE , lieux de la Résistance de Giorgio Bassani, espaces du fascisme triomphant de la ‘République de Salo’, mais à cette date de publication – 12 juillet 2020- le récit ne parvenait pas encore à ces places d’ombre ==>YDIT-suit : Le Jardin de Giorgio Bassani, épisode 14/99, Chapitre 4 – fin .

Donatello? Vous dites Donatello? Ah oui Donatello !

Dans la nuit et le temps qui passent, des urgences s’imposent, mais cette ville n’a pas davantage d’urinoirs dans ses coins que de plans lisibles affichés aux carrefours. En vitesse, craignant le voisin ou le policier insomniaque,(à cettee heure ci les ultimes fêtardes sont rentrées) j’urine avec honte et précipitation contre un coin de pénombre. J’imagine le sourire des Jeunes Turcs de l’Agence : c’est fini, le vieux ne se tient plus?..
Enfin, trois minutes plus loin, devant une gare routière désaffectée, un taxi est là, incongrument posé, habitacle lumineux, chauffeur lisant un journal. Je peine à le croire, ça fait imitation de Magritte par un première année des Beaux-arts, pourtant c’est vrai.
Je lui explique mon état : touriste, perdu, imbécile, sénile, quasi Alzheimer. Il paraît acquiescer. A cause de mes cheveux gris ? Je lui demande s’il veut me conduire, mais ça ne semble pas être ce qui l’occupe, conduire, ce soir . On dirait qu’il est venu lire son journal du soir en l’attente du matin, devant une salle d’attente fermée, sans entrain dans une gare sans train, manque plus qu’une glace sans tain.


Où vais-je ? A son tour, il me reprend un peu ironique sur l’accent tonique. Donatello ? Non, je ne vois pas ? Ah oui, Donatello ! De toute façon, c’est trop près pour une course : il m’indique le chemin…C’est juste à côté mais je tournais en rond. Ce ne sera pas la dernière fois. A Ferrare, pour la via vers la maison de Giorgio Bassani, ce sera la même chose.
L’aube d’été donne à voir les premières formes et dévoile des débuts de couleurs. Les bruits de volets roulants marquent le retour des travailleurs. J’aime le bruit des travailleurs, c’est la rumeur de mon enfance.


La clé pénètre mal dans la serrure de chez Stéfania, 3ème gauche, mais peu importe. A cette heure-ci, on a toutes les patiences. Le sommeil va être court, et pas besoin de Théralène, douze gouttes, quinze gouttes ? Même pas le temps de rêver au jardin de Giorgio Bassani. Tout juste, faute de mieux, la songerie sur Ferrare.

A présent, pendant que le monde et lui s’endorment à Modène, imaginant cette presque (bientôt !) deuxième arrivée à Ferrare, dans la rêverie encore dirigée du premier sommeil, le voyageur malgré tout serein serait assis de biais, Silvia se demanderait pourquoi, un peu à la façon d’un qui seulement passe boire un Spritz chez la voisine, du thé à la menthe chez la cousine. Un doigt de cousine marque la limite.
Il ajouterait de courtes notes à son « GUIDE DES VILLES d’Italie du nord, Renaissances et Résistance », dont la mention d’éditeur resterait cachée par l’ombre que le chat dessine sur la table rose du jardin. Silvia proposerait des conseils d’amie sur la façon de parcourir la jardin.

A sa place, au visiteur, je me méfierais.


Des adresses. Des horaires. Des fausses ouvertures. Des spécialités locales.
A la fin du séjour à Ferrare, l’après-midi du départ, encore trois ou quatre jours plus tard, mais tout compté cela fait peu de jours, Silvia dirait à nouveau à quel point elle aimerait que cet homme-là revînt la visiter, oui, lui, cet homme, ici, dans l’ombre triangulaire du jardin, c’est cela qu’elle lui dirait dans une étreinte. Ou ce qu’il peut imaginer de leur séparation dans Ferrare.

Il serait impossible de distinguer entre une forme d’émotion- atténuée mais vive-et une récitation aimable de formules d’adieu stéréotypées, un produit dérivé de la rhétorique courtoise, un boniment de logeuse toujours en peine d’équilibrer le budget de son duplex avec jardin. Plus sincères, les prostituées de jadis, paraît-il, finissaient leur pratique par un « merci chéri », mais le service était plus vite rendu, dit-on.


Silvia exposerait sa silhouette comme projetée par trop de lumière. Parce qu’il serait sur le point, susurrant et suave sans souplesse cependant, de se séparer pour toujours de cet endroit, enfin se couper de l’étrange lien de soumission avec Ferrare, elle ordonnerait ses paroles dans le registre toujours fécond des Mots pour Mémoire, à la lettre M qui débute aussi les paroles de
Mésaventure/ Mourir/ Méthode/ Maudire/ Morceau/ Moine/ Manquer/ Magnifier/ Maison/ Montée/ Mentir/ Mystère /Massif/ Musarder
Mura (LA)
Tout se nourrit de présent pour accabler la mémoire, si on veut. Enchevêtrée par son embrouillaminis de mots capturés dans des Encyclopédies vite lues, par son jardin de lumières et de résignations, par ses bravades et ses oublis, ses chattes et ses bouteilles, la mémoire de Silvia s’habille d’abord d’une robe de déni de mots, et le message adressé à tous les visiteurs est un palimpseste illisible. Mais je ne déteste pas les millefeuilles, j‘avoue.


Voilà pourquoi « Le jardin de Giorgio Bassani« , et le supposé secret qu’il protège, ne sont sans doute rien d’autre qu’une métaphore. L’histoire de Ferrare, Renaissances et Résistance, devrait aussi être nommée Renoncement, si on écoutait les propos décousus de la logeuse.
Se demandant une fois encore si ces balivernes n’étaient pas étrangement étrangères à son chemin d’étranger, le visiteur finirait par se mettre debout.

Ce sera trois ou quatre jours plus tard, après cette présente nuit d’insomnie, au moment de quitter Ferrare pour la deuxième fois. Seul, en bas de la terrasse où serait à présent montée Silvia, et lui n’osant trop lever le yeux car, d’ici, en contre –plongée, le regard vite fouillerait l’en-dedans d’une trop large jupe évasée, la blanche, tissu vaporeux, sans qu’on puisse apprécier de là si le bref passage sombre est le surgissement d’un string noir ou d’une toison vive, ne pas regarder, ne pas savoir, Silvia cependant voit qu’il voit, il semblerait que cela ne la trouble pas, ensuite on pourra toujours imaginer, donc rester debout, prêt à marcher devant, suivant le souffle qui déplace la dune, et battant le rappel de ses chameaux.

Mais tout cela, c’est plus tard, à la fin du récit sur FERRARE, quand on aura découvert, si jamais on le trouve, va savoir, rien n’est sûr, un vrai secret dans le prétendu jardin de Giorgio Bassani.

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Didier Jouault pour YDIT-suit : « Le Jardin de Giorgio Bassani », épisode 14/99, Donatello? Ah non, je ne vois pas…Chapitre 4 – fin . A suivre

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