Rappel – pour les mémoires récentes : après deux Séries longues, YDIT s’interroge maintenant sur la suite, les suites, en particulier sur la possible façon de poursuivre une petite route intérieure sur des pistes un peu défoncées (l’addiction ?), muni de pneus un peu trop lisses (à l’inverse de son front). Pour une courte série – « A 75 j’arrête » prétend-il.
AILLEURS, mais comme tout à côté, la brutalité indicible mais voyante de la guerre s’impose dans un mélange d’images trop crues et truquées, un nuage de mots douloureusement privés de leur sens, « nazi », « génocide ».
A la question si le Ydit va interrompre le trajet narratif en cours ( des posts faits et programmés, à cette date, jusqu’à mi avril), question que pose Hugo ( si légitime car il sut jadis choisir le silence), Fred répond en citant( une fois encore ! ), J.-L. BORGES : » J’écris…pour adoucir le cours du temps. »

Donc…
Entre deux rendez-vous chez le bon docteur Saumoneau ( on dirait que le nom change à chaque fois, différent et pourtant le même), à la recherche des sources d’un certain malaise, YDIT raconte, plutôt explore : cent fois ce geste, cent fois ce mouvement de la main, cette pulsion provenue du bout des neurones, là où sont gravés depuis la première fois les circuits imprimés du plaisir, le geste qu’il serait facile de contraindre, d’interrompre, avant qu’il soit trop tard, mais pour quoi faire ? Et surtout pour quoi faire d’autre ? D’ailleurs se poser la question atteste qu’il est sans doute déjà trop tard ? L’empreinte est posée, la plaque a été bousillée par l’éclair du flash, la mémoire burinée par les premières fois : on n’efface pas les veines du marbre, sauf à détruire la pierre. A quoi bon l’effort qui n’efface que par la disparition du sujet? 
Certains passent devant une pâtisserie à Pithiviers, un marchand de marrons-vanille à Viviers, un charcutier spécial boudin à Mortagne, hop, ils entrent, la main déjà dans la poche pour sortir la carte, ensuite- peu importe le prix- une Eclair à pleine bouche, deux marrons enrobés à croquer joliment, ça y va, plus la peine de simuler l’attente, le délicat et très bourgeois plaisir du désir qui diffère.
Rien de tel, ici : la voracité joyeuse du populaire un jour de fiesta, dans la rue ça s’ouvre de la couverture, ça se consomme des yeux, ça s’éparpille en feuilletant, ça fait si chaud, d’un coup, si chaud si doux que le langage s’emballe, la cervelle se cent dix mètres haies, gnou, gnou, gnose, gosier. Juste rien qu’une petite bouffée de l’Art maniaque, et l’on commence à sentir que le plaisir remplace le besoin. Babel, en cours d’affaissement derrière la vitrine ( affichette : »masque décommandé »), on n’observe même pas la coulée de bonheur dans la main du liseur.
COCO19, ricanant sur son génome planté, bien qu’ayant perdu sa verve devant la concurrence implacable d’un Russe à l’univers dévoilé : « Père Ydit, c’est un beau sujet ; une fois que t’es cuit, tu redeviens jamais cru. Pas la peine de rêver. »
YDIT : Le geste, la pulsion. Reste à trouver à tout prix et dans n’importe quelle boutique un livre à toucher, feuilleter, humer, ouvrir d’une paume large, commencer à déguster. Ensuite ça va mieux. C’est samedi, très tard à Mammers, Sarthe, rien d’ouvert sauf le café-tabac-Maison-de-la-Presse où puent d’un commun accord le vieux tabac, le mauvais café, l’odeur des saucisses frites de midi. 
Bernard- on l’appelle Bébel -est déjà dans l’état joli que produisent les alcools recroquevillés sous une couette d’insomnie, quand on va s’endormir sur le tabouret du bar devant la télé. « -Café corrigé? »-Non, copie corrigée ! Bebél se lève à peine, montre le double rayon où s’affaissent des romans gais et vifs comme des lapins de clapier au matin de la terrine. A cette heure, tous les volumes se valent, et les appellations s’estompent.
-COCO 19 demande c’est qui les noms sur l’étiquette, au moins Delly? Guy des Cars?
YDIT, sans répondre : Au bar-tabac de Mammers, nuit grasse dehors, rien que Delphine et Marinette sirotant un Picon-bière sur du Formica, Ydit demande : » Ya que ça ? » Bébel : « Pour autre chose, boutique lundi, car dimanche c’est fermé. Le mieux que j’ai c’est du Violet Tréfusis, mais c’est une occase, une Angliche l’a laissé pour payer son thé. Vous prenez quoi, au fait ? »
YDIT l’achète, s’en jette une page, s’y jette.
YDIT, Lui c’est les boutiques de livres, les petiotes pétoires de province dessinées en suaves labyrinthes où se perdent les invendus de Laval, comme les six-coups six étages où se prélassent en reliures dorées les vedettes trop vendues par Instagram. Il passe (dit YDIT), il entre, tant pis s’il n’a pas besoin en cet instant, tant pis si déjà des réserves d’avance sur des rayons, trente, quarante volumes achetés, pas encore ouverts, tant pis, juste les savoir-là, le bonheur simple et rude : se savoir-là, l’impulsion couvrant par avance le risque du manque, c’est aussi fort qu’une éruption de Vésuve, si on ne trouve pas le bon geste, la bonne ligne ( de fuite) ça finit sous les cendres. 
Même en plein été, immense balade sur les chemins fréquentés de soleil et de solitude, cuisses enfermées dans les tenailles de la fatigue, diverses sueurs sur diverses peaux, rien à faire bientôt que la douche et le pain, revenir très vite à l’ombre de la maison louée, mais non : sur trois étages d’une belle maison de maître devenue librairie, livres, livres, petits formats et grand art « Parfum de glace » de YOKO ITO OGAWA », 7,77 euros ou « l’Art pariétal du pléistocène à travers les pétroglyphes de Zarzuel, 47 illustrations couleur », 145,99 euros, oui, je vais voir si je le prends, vous pouvez le descendre du rayon ? Pareil sur les étals découverts dans les foires en voyage. 
Boutique, rayons, miel, ça pulse, ça impulse, ça implose, ça humecte le doigt, ça hume et ça fume, ça feuillette et ça guillerette, c’est comment l’Incipit ? Goût framboise avec des arrières-notes de boisé? Quant à la fin, la dernière lampée, on sent le cépage sur le sable de la colline? C’est ça tout bête et ça embête, la tête en fête qui s’entête. Et s’emmêle ? Et s’en fêle ? Parfois, l’urgence est telle qu’on entre par l’écoutille dans le paquebot de la FNAC – haut lieu des petites vendeuses souriant de toutes leurs lacunes – comme on aurait pu s’introduire jadis ( jamais osé ! ) dans une sex-shop du boulevard Hugo, avec un peu de toute honte bue quand même, trop à voir pour choisir.
Souvent le temps pressant mais pas tant pourtant, dimanche matin pas chagrin, café passé pas pressé, c’est la petite maison à l’usée vendeuse livrant ses commentaires comme on se livre à l’usure .
« Celui-là, c’est léger comme un Prussien, mais pourtant j’ai entendu parler d’une Polonaise qui en prenait au petit déjeuner » (à Moulins, rue Traversine, ça peaufine et confine, la devanture porte l’enseigne » Aux Trois Tontons, neufs et occasions »), » sinon – pour vous quand vous serez en plein manque- j’ai ces volumes à déboucher d’une ruelle en pleine lumière un soir de neige, des rossignols mutiques de chez les Compagnons d’Emmaüs, éreintante (vocabulaire de Gustave) diversité polymorphe provenue de polygraphes incontinents, ouvrages pour dames, ou même messieurs-dames, abandonnés par des passantes sans soucis aux mains compassées de brocanteurs pratiquant l’Art Royal dès l’aube et distribuant « Les Bijoux indiscrets » à partir de 18 heures. »
Mais, ajoute-t-elle, reprenant souffle : Tout est bon quand le besoin provient !
Façon de voir.
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Didier JOUAULT, pour YDIT-BLOG, Saison 3 Episode 4 : Les Bijoux indiscrets à partir de 18 heures?