YDIT-TROIS / Saison 3-Episode 8 : Un petit vers de Chablis, ça peut pas faire de mal?

Rappel – pour les mémoires lourdes : YDIT s’interroge de plus en plus (sinon de mieux en mieux !) quant à la possible façon de poursuivre une petite route sur des pistes un peu défoncées (l’addiction ?), muni de pneus un peu trop lisses (à l’inverse de son front). Entre deux consultations – autrement dit rêveries – le voici qui s’adonne à son toxique, le récit.
LA SUITE

Attendant la dépanneuse, sur la place de Narcy, tout ce que j’avais pu trouver en réserve, dans la mémoire qu’affaiblissent le temps et les superpositions de métiers, c’étaient un ou deux incipit célèbres, pour toujours inimitables, et un trop petit nombre de vers, comme sans goût, à force d’avoir été noyés dans la répétition. J’attendais, les souvenirs venaient sans effort.

Incipit :

« Lorsque l’Enquêteur sortit de la gare, il fut accueilli par une pluie fine mêlées de neige fondue ». Ou ceci : « Courir le matin sur le Môle de Barranco, quand l’humidité de la nuit imprègne encore l’atmosphère, rend les trottoirs glissants et luisants, est une bonne manière de commencer la journée » (trad : Albert Bensoussan)

FRED – qu’on ne connait pas encore beaucoup, mais patience, on a verra bien assez tôt, l’irrévocable FRED – sur le ton de la tendresse relevé d’une pointe de lassitude (déjà ?) – demande si, en cette période connue pour ses dangers, dans les débuts de récit, de série, d’ici c’est Sissi, se demande « si le narrateur a bien raison d’assommer le chaland par des incipit – « pardon, je corrige » (corrige-t-elle), « des incipeunt », surtout que le procédé semble un peu facile : commencer par les débuts des autres, une sorte de fausse mise en abyme…« 

Un point certain : lancé sur cette trajectoire, le récit ( quand il commencera par autre chose que les commencements déjà usés, mais commencer un récit est producteur de l’angoisse de ne plus finir), le récit ça ne sera pas la chronique du quotidien vue par « La Maine Libre » ou « L’Yonne Républicaine » ( départ du commandant des pompiers, journées portes ouvertes à l’EPAD, voyage à Paris des lycéennes de « Institution Sainte Jeanne d’Arc » cuisinière à vendre et grange à rénover). Rien ne prouve que ce sera mieux, par ailleurs : des fragments d’une mémoire entre 2 et 72 ans ? De quoi s’effrayer, oui.

Dans ce qui remontait de la mémoire, encore incipit, d’ailleurs :

Qui peut, en cet instant où Dieu peut-être échoue,
Deviner
Si c’est du côté sombre ou joyeux que la roue
Va tourner ?

De quoi dans les siècles croire aux légendes, n’est-ce-pas Tonton H ? Aux apparitions et contemplations ?

« Sinon, quels autres brimborions déclassés, dans ce « Garage Sail » approximatif ? ». L’interpellation vient, cette fois, de l’autre comparse principal de la nouvelle série, le très invasif et international COCO19. Ne pas compter sur lui pour la bienveillance ou la bien vaillance. D’ailleurs, en songeant à ce récit borné par  » à 75 j’arrête », en marchant seul avec un crayon, YDIT s’interroge : faut-il conserver de faux personnage, cette danse macabre délitée sur un mur d’église rurale? On verra. Vous verrez? Si vous êtes encore là ?

Brimborion ? Tel un savant agité parcourant les bulles de Tintin, « Brimborion, moi, Brimborion? » le narrateur (ou qui semble tenter de l’être), lancerait volontiers au visage du vent (glacial : il attend la dépanneuse sur la place de l’église-mairie à Narcy, on vous rappelle !) quelques vers (sans doute excessifs) décrivant la situation :

Un calme effrayant marquera ce jour
Et l’ombre des réverbères et des avertisseurs d’incendie fatiguera la lumière
Tout se taira les plus silencieux les plus bavards
Enfin mourront les nourrissons braillards

Excessifs, car on n’en était tout de même pas déjà si loin dans l’expérience de la finitude, du grand Non-Retour, contrairement à ce poète mort dans un camp de guerre.

Ydit raconte qu’il avait un peu été alerté, la veille, juste avant de garer la vieille Peugeot près de la maison de Nadia Dannet. Mais la nuit de Morvan était pleine. Des sapins juste découpés, très décorés, précédaient chacune des maisons du village. De vagues odeurs de bois brûlé, de vin chaud, de boudin grillé surpassaient la senteur un peu aigre-douce de l’épais brouillard. On avait envie du potage de potimaron et de la salade farcie achetés en ville -une erreur la salade, car la maison ne parvenait pas à chauffer au-dedans de ses verrières .

Place de Darcy, mairie-église, pourquoi ici, qui n’est pas tout à fait le plus invraisemblable des centres du monde ?

En quittant le village, le matin, vers Paris, le désir avait été de visiter sur la route le célèbre village médiéval, à mi-chemin de l’autoroute. Très vite, les intermittences du moteur contrariaient le projet: en côte, sur la route sinueuse où le brouillard coagulé cachait le prochain virage, la voiture s’arrêtait, comme exténuée. On aurait le récit de vie jamais commencé d’un vieil homme hésitant à finir de se narrer. On aurait dit l’une des AAA d’un épisode, voisin. Anxiété, surtout, de n’être pas vu, derrière le virage et le brouillard, par l’un de ces poids lourds quittant l’autoroute. Après environ 300 posts, se faire effacer par un 22 tonnes posté en bas de côte, c’est regrettable, non ? Un peu comme un Ancien que le temps pousse vers l’oubli de soi.

COCO19 se gausse : craintitude de parisienne attitude, et il ne s’est rien passé : la preuve, la narrateur narre.

Par soubresauts successifs, quinze ou vingt mètres, sollicitant la voiture comme un méhari d’antan son chameau blessé… ( on s’interroge dès qu’on touche la première case d’un clavier : d’où viennent les images ? Des vers, en répons

« La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots de mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter »,

…l’Ydit rejoint la place d’un village classiquement respectueux des normes : église, mairie, troquet, parking, tout cela fermé – sauf le parking. L’impraticable brouillard du Morvan continue d’épaissir les paysage : on peut à peine traverser la rue, et encore moins la vie devant soi.

Jointe au téléphone, la dame bavarde et méridionale (on l’envie !) de l’assurance garantit le dépannage, mais il est (nous sommes ) entre midi et 14 heures, vraie France : pause.

L’arpenteur, c’est une autre histoire. Mais Ydit parcourt en tous sens les rues en général délabrées de ce village sympathique quoique désert. Plus un commerce. Pas un petit pain. Ou un boudin. Un saint Frusquin. Un moins que rien. Pas l’ombre d’un destin. Encore moins d’un festin.

« La bise se rue à travers
Les buissons tout noirs et tout verts,
Glaçant la neige éparpillée,
Dans la campagne ensoleillée ».

Sauf que le soleil sans doute est resté dans la plume du poète, à Londres ou Bruxelles, ou chez Mathilde abandonnée, ou dans un Pub où l’on s’engueule une fois encore avec cette sale mais superbe petite gouape d’Arthur?

FRED s’amuse – ou fait mine : un prix (une dispense d’abonnement à YDIT-BLOG ?) pour qui peut nommer les auteurs cités, en repérant les indices? Au fait, pour le troisième, pas d’indice? Serait-ce qu’il s’agissait d’un poème pour soirée de Gala ? La trace d’un Grain d’Elle ?

Soixante quatorze minutes après l’appel au secours de l’ assureur, survenait le dépanneur. C’est bien soixante quatorze minutes, plus long que « Bonjour Tristesse », plus court que « Autant en emporte le vent », deux ouvrages très adaptés à une panne en Morvan.

En cette étape de l’attente, déjà, la mémoire d’YDIt avait épuisé les réserves, déjà plus qu’asséchées par 180 Séquences Publiques d’Oubli, n’oubliez pas cela. Depuis le temps qu’on joue ici avec la mémoire, elle s’agace, se dispense, se disperse, tierce et dix de der. Peut-être, en fouillant comme un paysan pour la dernière pomme de terre, une ressource ultime, genre premières phrases de « A la recherche du temps perdu » commentées par Tadié, de « Le voyage au bout de la nuit », interprétées par Lucchini, un sauvetage comme par les balises Rouge et Vert pour les baladeurs perdus ?

Dans la cabine du remorqueur – « Mettez bien le masque« – on bavarde, « Ah oui, le village de Nadia Dannet, où vous séjournez parfois dans la grande maison et le salon cathédral glacial, je connais, je remorque un peu partout, mon pote Grémillon m’inspire, et moi souvent j’y chasse avec les amis. » Le dialogue s’embourbe un peu, mais – dépannage oblige – on trouve un accord, ah oui, des cons très cons y en a chez les chasseurs comme chez les randonneurs. On a tous ses lâchetés, quand il faut se faire dépanner

À la concession Peugeot, zone d’activités, Chablis, c’est fermé. Cependant le patron est là : « Moi faut bien que j’assure quand les gars sont en pause, bon, ils font le diagnostic dès qu’ils se donnent la peine de revenir, et si on a la pièce, on répare« .

Sinon ? Sinon : Rapatriement ? « Je suis Peugeot, moi, et ni la MAIF ni Sainte Rita. » Méprisant la plaque : « Vous êtes pas du coin… Vous venez souvent par ici ? Vous habitez chez vos parents ? Vous avez un garant ? Un Varan ? Un variant?« 

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Didier JOUAULT pour YDIT-BLOG , Saison 3, Episode 9 : « Un petit vers de Chablis, ça peut pas faire de mal ? » …Toutes questions auxquelles nul ne sait si on peut répondre !

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