Ydit-blog , Saison 3, Episode 12 (en plus vite: S3/E12)- l’escroc griffe, pas dégouté.

Rappel ( ou plutôt incipit pour ceux qui rejoignent le récit, comme un esquif rencontre son récit : crevé ou sauvé?) : l’Ydit, voyageur et narrateur, a été saisi d’une décision : s’en débarrasser. L’excellent et volubile docteur Saumonneau l’a éconduit ; pas de solution chez Vidal, Michelin, Dalloz, Chaix…Mais conseil : passez la tête (et donnez la main) chez les A.A.

Ydit y va, écoute, repart. On se sépare sans conclure, c’est la vie : YDIT reviendra-t-il participer aux cercles des AA ? Albertine et Phèdre, deux participantes en mal de manque, se tenant la taille, les saluent en passant, Ydit – et ses lames errantes : Hugo, Fred, toujours prêts spadassiner pour sa défense.
Sinon, dit L’animateur Eclectique, montant sur sa patinette électrique, importée du Mexique, sinon j’ai l’adresse d’un bon centre de détox, des psy solides comme des comptables, pas des verbeux comme ici, est-ce que ça vous intéresse ?« 

Que vouliez vous qu’il fit ?

D’abord, ce fut l’accueil d’usage. Une femme alerte et bénéfique explora d’un clavier expert les déambulations d’Ydit : « Mon cher et pauvre – encore davantage- patient, espérer quoi que ce fut des AA ( nous les nommons ici Abrutis Aptères), attendre un envol au-delà des boueuses ornières de l’addiction narrationnelle ( elle avait du vocabulaire), autant réciter du Verlaine à une baleine en plongée. » Puis, sous l’œil hard et hagard de Hugo -l’interne compagnon de voyage- l’experte exposa le résultat de ses analyses.

A la question- somme toute légitime- du sens, elle répliqua : « 0n va vous aider à remodeler la conscience de l’être en soi, pour soi, et pour ça notre psychologue Marcel se met à votre écoute, pas dégoutté. Il a tout son temps, ricane-t-elle, assez sotte ment. »

Marcel, lui aussi, était coutumier du récit, qu’il avait beaucoup pratiqué naguère. C’était une sorte de grand escogriffe essoufflé. Après tout, dans les romans, ou les encyclopédies de table, le meilleur thérapeute est toujours l’ancien accro. Comme le meilleur flic est l’ancienne crapule. Il sait comment ça se dé-passe.

Dans les bureaux étroits du Centre International et Polymorphe de Traitement Radical de l’Addict, Ydit se présentait ( mais on ne le présente plus?) chaque samedi à 15h30 ( il restait peu d’horaires à choisir : tout le monde, dans le quartier, tout le monde s’adonnait au récit, sur les évolutions des maladies en cours, sur les élections en débours, sur les guerres à découdre, sur les 234 romans parus ce mois). Marcel demandait de ses nouvelles (qu’YDIT ne lisait plus), questionnait comme pour un rapport de Brodié, notait au crayon de papier sur un bloc Nutella.

« Voyez, dit Marcel à la troisième séquence d’une heure, vous avez depuis longtemps, presque toujours, accompli de gros efforts, sur vous-même et sur les environnements : votre chemin de vie depuis la pauvreté de naissance, c’est joli, comme éclairé par un Saturne en Jupiter : vous pouvez même vous payer des psy à 80 balles la séquence… Vous avez contrôlé l’en-dedans et l’en-dehors de vos apparences, et je n’évoque même pas l’en-dessous de vos ceintures et bretelles. Aussi est-ce désormais simple, à mes yeux : appliquez votre volonté à chasser le récit, à l’exclure du possible, comme vous avez fait pour le reste. Et, mise en chaine, votre addiction narrative sera vaincue. Allez-y, et quant à moi, ayant terminé mon expertise, en escogriffe ( oui, je sais ce que vous pensez ! ) je vais vous diriger vers la Simone, la fastueuse et célèbre souffleuse, qui prend la suite à ma suite dans la suite pour accompagner votre débarras des chaines intérieures.

Même déguisé en pénitent de la narration, Ydit s’en était trouvé perplexifié.

Mais la méthode à Simone, elle non plus, ne manquait pas de surprendre.

SIMONE :On avait rendez-vous le dimanche à 7h45 ou 20h15, car les patients – parfaitement accrochés- encombraient le carnet de commandes. Elle le faisait s’allonger sur un épais tapis noir de pur caoutchouc nègre, posé sur un sol de ciment dur. On voyait qu’elle avait à peine le temps de passer l’aspirateur ou l’éponge, toute dévouée au curetage interne des accros qu’elle recevait sans accrocs. « Soufflez, respirez, expirez, tendez les jambes et les idées, souffrez vous, voulez-vous? »

Debout derrière Ydit, elle racontait avec passion ce que vous « fait l’oxygène au bout des orteils, quand vous acceptez la respiration ventrale, et pas de doute, rien de tel pour affermir la volonté – puisqu’il n’y a que cette solution pour vous, selon le collègue Marcel. Autrement dit, serrez les dents, videz les poumons, oubliez de penser, puis comptez sur moi ». Il est vrai que, surtout après la séance très matinale, le fier désir de narrer perdait de son urgence. Simone disait, réglant ses Ipod pour une retransmission de « La Cerisaie » sur France Culture (vendue le jour même de la naissance de YDIT, fin aout ): « Votre conscience va devenir ballon. Ecoutez le vent dedans… …..Votre corps va retrouver la nudité de vivre sans se narrer.Votre espérance de liberté va se lire dans vos yeux comme un récit de Joyce étalé par une poétesse sur son corps palimpseste lors d’un défilé de narratrices délurées que débride la fin des mesures et des censures, la fin des masques et des mimiques. »

FRED la soyeuse amie toujours intérieurement présente ne sourit qu’à peine. Ydit , plus perplexe encore , se protège des mots de Simone. Un dimanche, c’était le quatrième, la thérapeute lui décrit par le menu ce qu’elle a écrit sur le nu-nu depuis la promenade au phare, en balade, cette semaine.

Elle ajoute : « Avec l’écoute et les coûts de Marcel, puis avec les souffles et les paroles de moi-même, votre addiction est en train de sortir du bois. Elle vous montre qu’elle vous quitte, elle s’interstice entre les marches de votre réalité. C’est bien, non ? »

Evidemment, répliquait le bon vieil Hugo – pourtant jamais en retard d’une formule vaste mais pas très pleine – évidemment, dit comme ça, Ydit, vous devriez comprendre quels sont les jolis personnages grimés de cette narration en grimoire dite  » détox », non?

Et il ajoutait, un peu géné, que tout cela, hélas, lui rappelait un peu certaine attente au milieu du brouillard, à Florence et Pise, et pire en Epire : ça décolle pas beaucoup, heureusement qu’on a de quoi s’occuper par ailleurs « Vous croyez que vous allez y retourner, au Centre ?« 

Ydit savait que non. Pas de progrès. Terminé avec Simone. Fini Marcel.

On devait passer à du sérieux. Il était temps, comme il était temps- aussi- de laisser couler quelques gouttes de mémoire bleue sur les pages grises de ce blog.

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Ydit-blog , Saison 3, Episode 12 (en plus vite : S3/E12)- « L’escroc griffe, pas dégouté ». A suivre , d’ici quelques jours, sans doute ? Mais sait-on ?

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YDIT-TROIS Saison 3 Épisode 11 : Pour ne plus faire tant d’Histoires, AAA sans doute faut-il s’alléger, comme dirait Saint-Léger Léger?

Rappel – pour les mémoires lourdes : YDIT s’interroge de plus en plus (sinon de mieux en mieux !) quant à la possible façon de poursuivre une petite fuite sur des pistes un peu défoncées (l’addiction ?), muni de skis un peu trop courts (à l’inverse de ses ans). Entre deux consultations – autrement dit rêveries – le voici qui s’adonne à son toxique, le récit. Le bon docteur l’a envoyé se faire voir par les AAA. FRED, la grège observatrice, femme aux yeux talentueux, et Toton Hugo, le fantôme aux cheveux de vent, commentent un récit : YDIT chez les AAA. « Un peu compliqué par l’épaisseur des allusions, les allusions, » dit Tonton, dans l’épisode précèdent (à moins que cette réplique peu glorieuse, même Misérable, ait été coupée au montage ?), les allusions c’est comme la sauce béarnaise, si t’en prends trop tu noies la tête de veau.

Parfois, étrangement, l’HUGO ( ici sollicité dans sa fonction de polygraphe républicain, teigneux, coureur de tirages et de jupons, le roi du double foyer) s’abandonne à la vulgarité d’un soir de Pub à Guernesey. Maintenant, les deux comparses ne disent plus mot. YDIT reprend le récit de la soirée : au moins, les AA savent de quoi ils parlent, c’est leur propre addiction, leur maladie, leur grandiose calamité, leur défaillance mais aussi leur succès : leur méthode. T

Toujours la même. Écouter, plaindre, partager, attendre. Un peu la vie, non ? Donc, ensemble, ils plaignent la rupture de jeûne ( de Jeune? Ironise Fred) de la pauvre Phèdre, pour aller jusqu’aux « Propos sur le bonheur », tout ici ( les AA!) s’inscrit dans le contexte d’une rupture de sevrage, d’accord, on est prêt à consommer tout ce qui vous tombe sous la main, même un annuaire des maisons d’écrivains maudits, mais il faut en effet considérer cette griffure comme une blessure, c’est une immense rechute.
Rompant- mais à voix très basse- l’ordonnancement cérémoniel de la compagnie réunie, un vieil homme qui sent le chat glisse à l’oreille de sa jeune voisine (une Virginie) qu’il n’osera certes l’avouer, mais en week-end, il pleuvait tant, de plus on s’ennuie à son âge, plus de minettes et trop de minous, bref il a repiqué avec une injection de Robbe-Grillet, pas du meilleur, un vrai labyrinthe. Elle s’étonne, rougit, ( pas du tout à cause des minous et des minettes, le vieillard est connu pour son imaginaire) elle se torture les phalanges, puis tout de même avoue : Moi, je me suis tapé une nuit avec « L’Amant », je m’en remets à peine. J’ai -pour rire- l’airain qui se fendille, me voila comme toute avachie, haletante, un tiers épuisée, un tiers ravagée, un tiers néantisée.

Tonton Hugo note que c’est un milieu où l’on aime se citer les uns les autres ?

YDIT : L’animateur des AAA devenus AA (mais aviez-vous noté que le rire se raccourcit tandis que le temps passe?) l’animateur fait mine de se croire sur un plateau : si plusieurs parlent, personne n’écoute. D’un signe aimable il commande la musique, Pavane pour une infante défunte, ça calme toujours les ardeurs des participants. Puis, c’est quand même moins tarte que Le Boléro. C’est un joli détour.
Au retour, Philomène s’engage dans un long monologue – ici banal, chacune parle de soi pour soi, c’est la règle : autant le dire, depuis six mois, elle multiplie les efforts, avec force et vigueur, elle s’interdit tout volume et tout crayon, même pas le moindre trait d’eyeliner sur le premier post-it venu, rien, c’est bien qu’on soit ici ensemble, parce que vous, vous savez comme c’est dur, elle continue qu’elle voudrait y croire encore, malgré tant de rechutes, partielles, certes, ici même elle en fit le récit, mais tout de même, se priver si durement, si longtemps, soir après soir, salon après salon, brunch après brunch, entretien après entretien, bavardages à la terrasse du « Hibou » après bavardage à la terrasse du « Hibou » .

Fred : c’est Elle qui est si connue pour faire des lignes ? Étirer son énumération comme une file d’attente pour le test CoVid devant la pharmacie ?

Philomène a continué, pendant cette (on l’avoue) assez inopportune interruption, mais que refuser à Fred qui ne refusa rien? Philomène, entretien après entretien, bavardages à la terrasse du « Hibou » après bavardage à la terrasse du « Hibou » , et tout cela pour finalement -faute de préparation- consommer ce qu’on a sous la main, du Daphnée du Maurier, du Gilbert Cesbron, du…je ne sais même plus comment il se nomme, le type de « hommes en blanc »

L’Animateur (un vrai spécialiste !): «  Il a aussi écrit « J’étais médecin avec les chars », ce qui ne signifie évidemment pas qu’il soignait les engelures de René ou Tina (ou Marie-Claude ?…), à Céreste ou l’Isle sur Sorgue.« *

Un frisson parcourt l’assistance, comme écrirait un auteur absent. Ici on aime l’allusif, on vénère la devinette, et les gâteries de l’Animateur concourent plus d’une fois au sentiment d’appartenance. Rien de mieux que le sentiment d’appartenance, ces temps-ci, n’est-ce pas ? L’entre-soi fait sa loi.

L’animateur de la séance AA, soucieux d’apaisement, rappelle ce qu’on lui a narré : des AA qui avaient choisi la voie violente de la cure -un séminaire à Cerisy, une décade musicale à La chaise Dieu -espérant qu’on les tiendrait à l’écart de leur addiction, et les soignants – pourtant tous des professionnels de valeur, directeurs de collection, traducteurs du sanscrit, critiques à « La veillée du Perche », même parfois éditeurs à fonds perdus de revues poétiques, en somme l’élite, – s’étaient vu déborder : en faisant une ronde, ils avaient découvert des volumes cachés dans les buissons par les curistes, des volumes introduits clandestinement par les AA qui s’en servaient, en prétendant sortir pour fumer, juste une petite vaporette, rien qu’une taffe, et hop, à la place, ils gobaient sous le coude un chapitre d’Angot, une page de Queneau, deux poèmes de Roubaud, tout ça en vitesse, des volumes entre les arbustes, quelle honte, quelle indignité, de la came autant qu’on voulait, ou plutôt qu’on ne voulait pas.

Geste : Musique ! On perçoit qu’il est bouleversé, l’Animateur.

YDIT, du fond de la salle, silencieux, s’imprègne du rituel AA : ici, on fait semblant de se taire pour mieux parler, mais la parole circule : on lui tend- comme s’il était un habitué de l’ ADDICTION (mais les AA d’ici réunis l’ont reconnu comme tel !)- une quatrième de couverture sur laquelle, désespéré, Bardamu (étonnant pseudo) a écrit avec rage et désespoir , pendant que les Maures et la mer montent au port : « Et alors, comment finir avec l’ addict au Raissi ? Se faire interdire de librairie? Se détourner des bibliothèques? Contourner jusqu’aux boutiques des musées du Louvre où des scélérats vendent même des romans de la momie ? « 

Tonton Hugo se demande si toutes ces allusions, ça ne va pas faire un peu trop ? Fred -l’agrégée de base- répond que dans le genre « faire trop », le Tonton, le Hugo, enfin pas la peine d’approfondir, si ?

On en reste là, surtout qu’on n’a pas tenu (c’était prévisible) l’engagement de la limite à 1000 mots. Dépassement de 40%, on se croirait chez un psy.

Fred : si vous effaciez cette remarque, on en sauverait vingt-sept, des mots.

Et la tienne supprimée avec : trente en moins.
Tonton Hugo estime qu’on s’en fiche, du beaucoup de mots, du trop de vocabulaire. On existe avec ça comme avec le sang dans les veines. Même si on atteint dans les 1500. Fred confirme qu’on le reconnaît bien là. : toujours un mot de plus. YDIT affirme qu’il faut conclure :

S’il avait la réponse à la question du sevrage, YdIT n’aurait pas visité les Auteurs Addicts (mais c’est peut-être plutôt les Auteurs Anonymes ? Les Affranchis Avilis -comme les nomme un producteur radio à jamais préservé de la tentation du livre.)

À la sortie, l’Animateur rejoint YDIT et dit à YDIT : alors, prêt à ? (c’est une ligne où l’on aime les dentales et la liaison !)

YDIT : Au fond, pour se débarrasser de l’ADDICTION au Raissi, à l’affliction de la fiction, de cette implacable pulsion vers le texte qui embarrasse la vie et repousse le sommeil, pour casser la chaine intérieure, ouvrir le piège, pour ne plus faire tant d’Histoires, sans doute faut-il s’alléger ? Viser progressivement à briser toute lame et toute l’âme de toute fiction, l’éliminer comme une trop bonne humeur, la tirer comme du mauvais sang ? S’interdire la folie fascinante du RAISSI (à ces mots, l’animateur s’amuse : tant de naïveté !), c’est déshabiller le vieil homme, revenir aux nudités primordiales d’avant tout RAISSI, toute HISTOIRE ?

Sans le dire, Tonton Hugo juge que, se déshabiller, alors ça oui, se mettre à nu ou presque, sans doute YDIT s’y adonne-t-il déjà un peu trop dans ces pages ?.. Fred ? Je dois dire : rien à dire ! Mais il aurait promis d’aller se rhabiller au lieu de babiller?

On se sépare sans conclure, c’est la vie : YDIT reviendra-t-il participer aux cercles des AA ? Albertine et Phèdre, se tenant la taille, les saluent en passant.
Sinon, dit L’animateur, j’ai l’adresse d’un bon centre de détox, des psy solides comme des comptables, pas des verbeux comme ici, est-ce que ça vous intéresse ?

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Didier JOUAULT pour YDIT – TROIS, Saison 3 Episode 11 : Pour ne plus faire tant d’Histoires, sans doute faut-il s’alléger, comme dirait Saint-Léger Léger? Mais qui donc voir ensuite ???

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YDIT-TROIS, Saison 3, Episode 10 : Haha, Et donc les AAA.

Rappel – pour les mémoires lourdes : YDIT s’interroge de plus en plus (sinon de mieux en mieux !) quant à la possible façon de poursuivre une petite pérégrination, sur des pistes un peu défoncées (l’addiction ?), muni de souvenirs un peu trop lisses (à l’inverse de son front). Entre deux consultations – autrement dit rêveries – le voici qui s’adonne à son toxique, le récit. Interruption inopinée, donc : la panne de la vieille Peugeot, les vers de Chablis, deux épisodes ruraux.

Auparavant ( vous vous souvenez) : chez le docteur SIMOMEAU, c’est un peu le fond du savoir que nous avons exploré, en vain. Ydit ne veut pas conduire un si rare praticien aux extrémités du désarroi, de l’aveu d’impotence. Inutile d’insister.

Puis, comme je pose la main (enduite de gel) sur la porte, d’un verbe lent et las de sénateur cherchant Brutus pour qu’on en finisse, quelquefois ça a trop duré, SIMOMEAU semble s’abandonner comme à un raptus un peu sale, et à voix basse : « Peut-être ? Mais je dis ça pour plaisanter- peut-être les AAA ? Dans votre cas, on sait jamais ? Après tout, c’est pas pire que la cure. Mais c’est comme l’Armée du salut ou le Bloc Populaire, faut y croire pour le voir. « 


On le sait, chez nous (nous, ici : qui ?), s’il y a des portes aisées à ouvrir, des contacts sans prendre les gants et des relations sans masque, c’est avec les AAA.

Ils se repèrent d’ailleurs facilement : ils sont partout.

À l’origine, les AAA – qui vont devenir les AA en raison d’une rupture interne d’Anévrisme social – se réunissaient pour échanger adresses et tours de main sur la littérature d’autrefois, pour s’en débarrasser. Puis le cercle d’intérêt s’élargissant, ils devinrent assez rapidement les champions de la lutte finale (comme toutes les luttes finales : jamais finie !) contre la diction de l’addiction.

Présentés ainsi, on se demande pourquoi vous avez franchi la porte ? s’enquiert le bon vieux bonhomme Totor – précisons pour les non-habitués (quelle chance !) que l’irruption critique de personnages, espèces de CALMEO trop prévisibles, est l’un des tics de ces post en toc, et en bloc. Ils ont parasité la Saison 1 – malgré les efforts d’YDIT, encore très peu expérimenté certes, et ont divagué en primesauts inutiles, parfois sous la forme (maigre consolation) d’élégantes apparitions de Marina, souvent derrière le masque plutôt acerbe ( et très usagé) du comparse V3, dit Voltaire le vipérin, le virulent, le variqueux, 3V pour V3, on se demande bien par quelle disgrâce un personnage si peu reluisant – presque moribond – s’insinuait dans les « Séquence Publiques d’Oubli » ?

Ce qu’on se demande surtout, c’est pourquoi on ne peut pas s’en débarrasser, semble-t-il ? et la question – pas si sotte- est posée par l’irremplaçable Fred.

– Précisément, cette histoire, la Saison 3 de Ydit, c’est tout juste cela : Comment s’en débarrasser?

Fred et Tonton Hugo baissent les bras en haussant les épaules, preuve d’une véritable souplesse – langagière au moins.

Ydit reprend : Quand on arrive chez les AAA, contrairement aux attentes de représentations abusivement critiques, ça ne sent pas la fumée ni la sueur ancienne. Au contraire, on respire un petit air de Saint Germain très frais, une lueur de rue Saint Benoit illumine les visages, et les pulls ne sont pas trouvés en fond de panier d’un après-midi Emmaüs à Châteauroux. Ydit s’arrête à la porte, tente d’observer sans malice (exercice dangereux : l’empathie guette, et c’est déjà la fin, l’empathie ne pardonne pas). De partout jaillissent les objets de l’écriture, stylos pas si Bic, claviers très fins, carnets à peau de cuir et pages de Pléiade, fils blancs de chez Iphone, écouteurs pour France-Culture.

Ils ont assis en cercle, ou presque , les AAA peut-être davantage de femmes, sur des chaises qu’on dirait modestes, mais qu’on repère d’un bon désigner. Ils ne s’interpellent pas, se regardent subrepticement, ou très en face soudain quand c’est l’instant de l’applaudimètre. Ils s’écoutent, elles et eux se sont organisés comme pour un débat télévisé entre invités de qualité, chacun son volume sous le bras, chacun son appellation très contrôlée, venus comme pour une « Grande Bibliothèque » : l’inverse des politiques, mais aussi leur parole est-elle plus rare ?
YDIT est entré en catimini, invité par Werther – adhérent depuis trois ans : « Tu verras, personne n’y croit, tout le monde fréquente, c’est comme l’amour ». Dit comme ça…

Des Grieux a la parole : « Maintenant, voici exactement 123 jours que je n’y ai pas touché, je regarde la caisse, je caresse les volumes, j’épluche le revers, je respire à fond en voyant le millésime, et je n’ouvre pas.« 
On applaudit ensemble. Des grieux, 123 jours, c’est fort, bravo Des Grieux, c’est fort surtout si tu conserves cette proximité avec les volumes…
Albertine lève la main, on la dirait mal assise sur la chaise dure, fesses davantage coutumières du sable de Balbec.
L’animateur (un quadragénaire impeccable, vêtu de lin probe et de blanche candeur) se demande s’il est bienvenu de déroger à la règle de la circulation régulée de la parole, sur un mode rigoureusement dextrogyre ? À négliger le rite, on risque le vain.

Fred interrompt le récit « Sauf message clandestin glissé dans les homonymes, Ydit mon cher, vos AAA ressemblent à un sorte de Temple du soleil, à des clowns déguisés en moitiés de Franc-Macs, non ? »

Ydit : On ne se tutoie plus ?

Fred : Pas possible, respect de la dignité du récit. Au moins ça qui reste.
Ydit reprend : Dans la salle aux AAA, les autres assises et assis, d’un geste unanime de la tête, soutiennent l’interruptrice: « Oui, oui, parce que c’est notre Albertine, qu’on croyait disparue (ils ricanent), tant pis pour le dextrogyre, le ciel ne va pas …« 

Albertine -donc- se demande si, en effet, garder cette immense proximité avec l’infinie tentation d’une brusque ouverture des gros volumes (dans le métier, on la connaît surtout par ses adjectifs) , ce n’est pas un effroyable risque inopportun ?

Le débat ne s’engage pas, c’est la règle. Sinon, ce serait le Café du Commerce. Déjà qu’on a Tonton Hugo et la Fred pour mettre le bazar, sans même parler de ceux qu’on n’a pas encore lus. Donc, les AAA, ceux-là : on témoigne, en apprécie, on passe. La vie quoi?

L’animateur : « Oui, pensons à ce que vient d’interroger notre compagne de route, et un peu de musique en attendant« .

YDIT découvre qu’à chaque étape, entre les paroles, un maître de musique invisible prolonge le silence intérieur par de brèves séquences, cette fois l’intro de Parsifal. Pas de doute, ça vous confère de la hauteur les soirs de bassesse.

La suivante est une certaine Phèdre (on les reconnaît tous derrière le pseudo) : elle avoue, Hier soir, grand coup de détresse et de faiblesse (mais son éditeur venait de l’appeler pour parler chiffres ) elle a repiqué : des pages d’Aurélien, quelques lignes des Hommes de bonne volonté, même (sa voix se perd dans une sorte d’infini de la tristesse), le dernier chapitre de « Les mots »... Avachie, haletante, un tiers épuisée, un tiers ravagée, un tiers néantisée, elle, dit-elle, s’est conclue avec deux pages de « Propos sur le bonheur », c’est dire l’outrepassement de la limite.

(On retrouvera cependant ALAIN plus tard dans cette série YDIT 3) (De même le bon duc : La Rochefoucault)

Ailleurs, ce serait la huée, une bronca, des anathèmes, ou même le pilori, le redressement discal à coups de pieds dans l’airain de la statue défaite.

Oui, oui, prévient le Narrateur, faisant signe à Tonton Hugo et Fred, réunis dans un début de protestation, oui , je sais, je sais, le vocabulaire glissant comme un sentier boueux après l’orage, les jeux de mots gluants comme une traversée de la baie saint Michel, je sais, mais c’est depuis le début l’une des marques de fabrique de « YDIT »: donc, franchement, pas la peine de rester si c’est agaçant pour votre usage de la langue. On vous aura prévenus. Mais on préfère vous retrouver – bientôt ?

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Didier JOUAULT pour YDIT – TROIS, Saison 3 Episode 10 :  » Haha, Et donc, les AAA? » : on persévère dans la recherche d’une fuite, mais le plombier a du retard au rustinage.

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YDIT-TROIS – Saison 3-Episode 9 / Un deuxième petit vers de Chablis, et après j’arrête.

Rappel – pour les mémoires lourdes : YDIT s’interroge de plus en plus (sinon de mieux en mieux !) quant à la possible façon de poursuivre une petite route sur des pistes un peu défoncées (l’addiction ?), muni de pneus un peu trop lisses (à l’inverse de son front). Entre deux consultations – autrement dit rêveries – le voici qui s’adonne à son toxique, le récit. Interruption inopinée : la panne de la vieille Peugeot…la panne de mémoire .


LA SUITE

C’avait été la panne brumeuse, embrouillardée, dans une côte de Morvan (millésime pas très gouteux). Après soixante-quatorze minutes d’attente sur la place de Narcy, gel et brouillard, dans la cabine du remorqueur – « Mettez bien le masque » – on avait bavardé, « ah oui, le village de Nadia Dannet, je connais, souvent j’y chasse avec les potes. » Le dialogue s’embourbait un peu, mais – dépannage oblige – on trouvait finalement un accord, ah oui, des cons très cons y en a chez les chasseurs comme chez les randonneurs.

À la concession Peugeot, zone d’activités, Chablis, c’est fermé, cependant le patron est là, moi faut bien que j’assure quand les gars sont en pause, bon, ils font le diagnostic dès qu’ils se donnent la peine de revenir, et si on a la pièce, on répare. Sinon ? Rapatriement ? Je suis Peugeot, moi, et pas la MAIF ou Sainte Rita. » Méprisant la plaque : Vous êtes pas du coin…

Quoi qu’il en fut, attendre sur place était impossible, malgré les fauteuils luxueux des berlines en vente, à des prix défiant non pas la concurrence, mais la simple décence : « C’est pas prévu pour faire salle d’attente, ici, mais y a de bons restos en ville, on est à Chablis tout de même, c’est pas loin, à peine plus d’un kilomètre. Si ça se répare, je vous appelle. Sinon, ya aussi de bons hôtels ».

YDIT part trop vite, dans l’humeur d’un sanglier qui entend les chiens. Il oublie de prendre l’un des livres peuplant son sac de voix discretes.

À l’hôtel-restaurant de la poste, « hôtel fermé », la salle est décorée pour noël tout proche, mais déserte. C’est l’heure où les mécanos rejoignent leur atelier, les cuisiniers leur maison en ville, les AUTEURS ANONYMES (fameux AA !) le clavier malicieux. Mais deux très jeunes femmes (vitrine : « recherche apprenties, nous logeons ») mettent en place le couvert du soir.

« Le patron n’est plus là, mais Raoul est encore en cuisine, on va voir, vous avez votre pass-santé ?« 

Seul, dans la lenteur du service qu’entrecoupent les atermoiements de cuisine et les nappes-papier à étaler, YDIT commence à éprouver la très lancinante sensation du manque : rien à lire, sauf le menu à 15 euros, salade campagnarde, rôti de porc sauce au poivre, tarte du jour, ce qui laisse grandement sur sa faim, en matière de lecture, même pour qui s’amuse à mouiller les mots d’humeur légère. Un tremblement, léger encore, mais qu’on anticipe grandissant, entrechoque les couverts d’aluminium doré au brouillard de Morvan : c’est la main vide de volume, la main privée de sa dose, on tremble le manque. Rien à lire, rien à rêver, rien à écrire, rien à trouver.

Les deux jeunes filles sont prévenantes, encore apprenties de la chalandise, des lycéennes peut-être, qui tentent de combler un peu le manque visible. Puis, le patron, réapparu, balourd punk retraité au crâne brodé de cheveux découpés en carrés, leur demande si elles n’ont vraiment plus rien à faire. Elles désignent Ydit d’un doigt compatissant : il a oublié son livre, il n’a rien pour écrire. Donne lui tout de même à boire dit le Patron. Il apporte la journal local. Dans « La vie de Chablis », surtout des encarts publicitaires pour les innombrables caves et boutiques vouées au vin local, même pas de météo, d’horoscope, avec des mots doux qui font rêver l’YDIT qu’on a privé de récit, les mots-allumage comme « ensoleillé », « demain », « surprise ».

L’Iphone est déchargé ou presque. Le patron du menu à 15 euros accepte d’un regard haineux mais résigné que le déjeuneur – au reste attardé – se branche, et je vous sers un autre café ?

Dans la salle noire et blanche, trois héros : Ydit mutique, l’Iphone déchargé, Le journal qui a débrayé. Comédie banale du Trio bancal ?

Le patron de chez Peugeot appelle : « Coup de pot le Parigot ! « On peut réparer votre brocante à roues, mais pour 16h30 ou 17 heures, pas avant, faut la travailler avec la rouille.« 

Le patron de Chez Restau éteint les lumières dans la salle : « Comme je vois que ça vous gène pas, et pour l’addition c’est prêt, y a qu’à venir au bar. »

YDIT part trop vite, là encore ( mais c’est un peu toujours ainsi, dans le quotidien, souvent il s’ennuie vite, sauf pour les commencements des récits, alors là ça traine, ça lambine, ca déambule, et une fois encore, il étire, il chewingum, il élastique), un peu comme dans l’humeur d’un sanglier qui entend les chiens. Il oublie de retirer le fil de recharge pour l’Iphone. Il part trop vite, vous vous souvenez ?

Chablis, c’est sûrement joli, au printemps, au soleil, amie au bras, photo de FRED en poche, bouteille à goûter. Brouillard, froid (l’écharpe elle aussi est dans la voiture), tout encore fermé ( fin du monde entre 12h30 et 16h30). Il y une porte ancienne, une vieille synagogue, toujours ça de pris : notices informatives à lire, broutilles de récit, miettes de narration, ça réchauffe, ça réconforte, comme une simulation brève de réponse à la caresse des mots, mais ça ne dure pas. Un petit parc, grille entrouverte sur le néant glacé.

« VAUVENARGUES dit que dans les jardins publics il est des allées hantées principalement par l’ambition déçue, par les inventeurs malheureux, par les gloires avortées, par les cœurs brisés, par toutes ces âmes tumultueuses et fermées, en qui grondent encore les derniers soupirs d’un orage, et qui reculent loin d’un regard insolent des joyeux et des oisifs »

FRED, l’irréparable et cependant toujours vive, suggère qu’on ne donne pas d’indice pour cette citation là ? Qu’on s’abandonne simplement au Spleen, même si loin de Paris? Qu’on le renvoie vers sa Jeanne, la Duval ?

Dans les rues de Chablis, le narrateur privé de lecture, dont les syndromes de manque vont s’accentuer, tente d’écouter quelques grands moment de radio, podcast de France-Culture, la conférence-vertige qu’Artaud a délirée au Vieux Colombier, un montage de souvenirs trafiqués par Augustine Célestine Gineste, née le 17 mai 1891 à Auxillac (Lozère), épouse de Odilon Albaret, et qui ment son Marcel dans le texte.

La suite est un peu lourdement téléphonée. Mais oui, justement : la batterie de l’Iphone est dans l’état de la batterie d’artillerie impériale à Waterloo, quand le chef de bataillon Raoul est blessé à mort.

Ydit est retourné à l’Hotel-restaurant de la Poste pour récupérer le fil oublié. Un fil ?… Quoi un fil ? Pour un menu à 15 euros ? Pas de fil, vous pouvez aller chercher dans la salle, avait dit le patron. Pas de petits profits, la connectique de chez Apple c’est cher.

Alors, plus rien, dans la vague montée d’angoisse de l’après-midi, la banale anxiété du vide, rien hormis le flou déroulé intérieur des lacis de mots privés de leur narration. On va pas tout de même se raconter à soi-même avec ses propres mots son histoire à soi, onanisme du discours à cet âge en plein jardin public, on n’est pas dans une chanson de Trenet.

Plus tard, Patron chez Peugeot appelle, ce sera prêt vers 17h30. C’est cher, mais c’est neuf. Le contraire de la vie, non ? Il ricane.

Ydit dans l’espace confiné de Chablis voir s’éveiller au chaland quelques boutiques accortes, mais pas de librairie, pas de maison de la presse. À l’office du tourisme (YDIT : un peu de sueur dans le dos, mâchoire comme déjà crispée par le manque, regard incertain d’auteur dramatique privé de comédienne chez Balzac) seuls quelques prospectus vinicoles pourraient atténuer l’agacement de la privation, mais c’est menu fretin de l’imaginaire, c’est claudication du narratif, c’est balbutiement de récit. C’est squelette éparpillé de syntagme mort.

FRED : À force de mots confus et d’allusions privées d’indices, vous allez…(Pour la comédie des souvenirs, elle le vousoie parfois)

Dans la voiture, lourde addition réglée (mais visiblement lourde addiction non traitée), YDIT a pour premier geste de chercher une station-radio qui raconte. Mais c’est déjà l’heure des blablas d’info, des fausses fables documentaires, pas la moindre histoire à se mettre dans les oreilles du cerveau, pas une bouchée de gras-récit, pas une goutte de narreme : le pur manque. Sur le volant, la main tremble. Pour passer les vitesses (pas celles du récit, hélas !), le poignet frissonne. La jambe de l’accélérateur tend à la convulsion.

Et , donc, interroge COCO19, la station Total, chemin de Damas ?

Et, donc, répond Ydit : « C’est là, au péage de Saint Arnoult, que j’ai eu le sursaut de révolte, pris la décision de retrouver ma liberté, peut-être même ce qu’on nomme dignité. « 

C’est là que – déjà trop en retard pour le théâtre du soir, et j’arriverai pour l’acte II, là que j ‘ai dit ( pour la première fois) : MAINTENANT, J’ARRETE.

MAINTENANT
J’ARRÊTE.
FINIE la DICTE, l’ADDICTION.
PROMIS

On s’en doute : COCO19 partit alors d’un immense rire, et FRED pleura ( ou fit semblant)

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Didier JOUAULT, pour YDIT-BLOG , Saison 3, Épisode 9 « Un deuxième petit vers de Chablis, et puis j’arrête« . Ensuite, ça ne s’arrête pas, mais ça commence à se soigner : deux passages chez ces autres toxicos, les AA- et pas de quoi rire!

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