INCIPIT : On aurait pu commencer ainsi : » Mais vas-y donc, à ta kermesse. » ( » Clèves », Marie Darrieussecq, P.O.L. 2011)
Mais on a choisi ça :
» A sept heures chaque matin, à deux heures l’après-midi, à six le soir, avec la ponctualité d’un train en Suisse, elle me téléphonait du hall de l’hôtel. » ( René DEPESTRE, « Eros dans un train chinois« , Gallimard, 1990.)
Note de Madame Frédérique :
Le fragment ci-dessous, probablement, va sembler un peu répétitif. Mon ex-patron chassait La Répétition dans ses discours, les courriers qu’on soumettait à sa signature.
Il m’arrivait, quand il était vraiment fatigué, de lui signaler une répétition qui allait échapper. A présent qu’il a disparu, je dois me contenter- à regret -de publier les fragments que m’adressa Y.d’I , dit YDIT, ce fatras de « Lettre de A., version B. », sans me permettre aucune intervention. Hélas.
Texte de YDIT : Lettre de A. , Version B.
Reviennent à présent deux personnages qu’on a déjà traversés, larges comme des autoroutes, mais comme elles interminables, ni FRED, ni Y.d’I, les personnages : Hanged James et Marcel Malbée, dit M. M., dit Le Parrain, Die Pate. Deux personnages tellement dissemblables et cependant si proches, parce qu’ils frétillent chacun à sa façon, l’un par sa main dénoueuse de cordelettes, l’autre par sa corde au bout de laquelle il pend. Tous DEUX tortuent dans le même univers, et cet univers fut longtemps complètement secret. Bien sûr. Secret. Une histoire de cordes ? Cordes à son arc- celui du très jeune corps en appui Epaules/talons, arc d’os et de muscles souples, épaules/talons, geste rapide, se tenir sur les mains quand passe le bas de pyjama, et l’autre,
pendu corde à son arbre, celle de James tendu par les vrilles de la fin ?
Mais depuis quelques années, dans un bouleversement grave d’enchaînements imprévisibles (principe de l’avalanche), Le Secret a commencé à fuir les placards à ballets de fantômes jusque-là peuplés par un petit nombre de personnages influents et célèbres, masqués de silence complice. En peu de temps, le Secret a donné de la voix, une vérité à des voix. Envahissant écrans et librairies, ondes et claviers,
Le Secret s’est mué en accusations, déclarations, confessions sans concession.

Hugo je crois, décrivit bien cela : comment le Secret court et de disperse sans se dissiper. D’autres qu’YDIT ont dit leur « Mon Secret ». Jusque-là, Ydit l’avait oublié, Le Secret. Mémoire d’infra-tombe. Simplement un pur OUBLI. Jamais imaginé qu’elles et ils fussent- tout compte fait- en si grand nombre à vivre dans leur propre sale secret à eux. Plutôt, il était parvenu à retirer Le Secret à lui des tiroirs où piaffent les souvenirs. Parmi les autres, vivaces et prolifiques, rieurs et colorés, on parvenait à contenir le souvenir de Le Secret à Ydit, à le contraindre à l’inaction, sans trop d’effort. A le garder en-dessous de la pile, en deçà de l’appel. Sous le coude, la corde à Secret.
Mais soudain tant d’autres ont ouvert leurs mémoires. On n’ose dire qu’ils abuisent. Ont saturé l’oreille de récits sur Le Secret. Impossible, dès lors, ensuite, de tenter retirer quoi que ce soit à leur puissance désormais dévastatrice, car envahissante. Impossible d’empêcher la remontée de « Le Secret », le mien, raconte Ydit, comme celle d’un mascaret qui franchit les barrages contre le maléfique. Montant, la marée -paradoxe- découvre les filets crus enfouis. On s’y prend, on se rend.
L’impudeur publique, compréhensible, a provoqué une espèce de libération : après tout, voici que s’est formé comme un féroce « entre-soi » des connaisseuses (surtout) et des connaisseurs de « Le secret » : une tribu invisible et familière à chacun, où l’on se retrouve sans même se connaître… Celui-là de « Le Secret ». Celui-là même qui fut initié par Marcel Malbée, dit M M, Le Parrain, Die Pate, avec de longues cigarettes allemandes ( ou hollandaises ?), un verre de Sylvaner, le modèle réduit en porte lampe du David de Donatello, une salle de bains avec douche et eau chaude. Douche et eau chaude, le luxe, chez Marcel Malbée. Un crochet ou accrocher le pyjama. On enlève toujours le pyjama si on est un gentil garçon, filleul. Donc, c’est mieux d’avoir un crochet. Pour bien ranger ses petites affaires. C’est pratique. Pour le retrouver au matin. Chaud. Le pyjama. C’est plus propre, et il faut être TRES propre avec son Parrain. Propre. Gamin poli comme il faut avec son Parrain. « Tu seras sage avec Parrain? « . Oui, sage, comme un repassage d’image, naufrage en nage, vidage sans age,outrage sans rage…
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Pendant très longtemps il y eut deux personnages complètement absents du paysage affectif ou mental. Ces deux-là ne demandaient aucunement à sortir. Nous habitions des mondes parallèles. Ils avaient été enterrés comme les déchets nuclaires. Le mieux est de ni toucher ni penser à. On les avait réduits au silence, non pas d’un coup de botte, mais d’un coup de cette arme la plus efficace de toutes : le déni. Le Secret, ça avait été oublié depuis longtemps, sincèrement oublié, ou en tout cas enfoui au fond d’une fouille, secret abri du secret. Au fond d’une trouille, oui, pourrait dire BOB. Ou MORANE. Les Détectives sans arcanes.
Et maintenant, avec tout ce bruit dans le monde autour de Le Secret, peut-être aussi parce que Septante et plus sont venus, le souvenir à son tour est là, il revient, même vague et certainement trouble, il surgit, apporté par l’actualité comme un chien sa balle. Tu jettes, il rapporte, stupide et content. Tu lmas vu, mon Le Secret? Et mon Le Secret, tu l’aimes, mon Le Secret ? Sans mépris? Avec son lot de bave et de joie (celle du chien qui a trouvé Le Secret dans le terrier de la mémoire). Puisque tout le monde parle de Le Secret, le déni de si longtemps se muerait aujourd’hui en une sorte de mensonge par omission.
On ne va pas se mettre à mentir l’intime, à septante et davantage.
Alors, TOUT revient, à cause des autres, même pas capables de continuer à blottir leur silence dans un creux de la vie. Ils /Elles parlent, s’accusent, avouent : YDIT, hagard, entend Le Secret soudain se mettant aussi à parler partout, son Secret cru effacé, à étaler son ruban de glu pour attraper les souvenirs de tous : radios, tables rondes, numéros spéciaux grand tirage, et même une commission interministérielle présidée par un juge : « Donc, à vous, très chère victime, ça vous faisait comment ce qu’on vous faisait, et c’était comment au fait, ce qu’on vous faisait, dites nous tout ? «
Reste le parler vrai. Sauf que la mémoire et le récit, toujours, depuis que les mots existent et s’organisent en langage, en bande sauvage, récit ou mémoire sont les ardents complices d’une
lente destruction intérieure.
Ecrire ? Précisément éviter çà.
__________________________________________________________________________________________________________Didier Jouault pour : YDIT-BLOG, nouvelle saison, saison 4, Episode TREIZE : Die Pate et Hanged James, comment l’actualité du monde bouleverse les sédiments profonds de l’intime. On peut suivre chaque semaine, en général. Rendez-vous mercredi 6 décembre, peu avant la fin du jour ( déjà bientôt le solstice ?) quand les frayeurs apparaissent. Mais pas d’inquiétude : ce sera un épisode calme.
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dit M.M., Le Parrain. Die Pate.
Vert, cette fois, le pyjama. Sur le palier. Après avoir dit NON. Au froid, l’air stupide qu’a toujours celui qui s’en va. Mais qui a dit NON. En haut des marches, seul. Blotti dans l’irradiation du NON



« Oh, ça me fait plaisir de te voir »
ensemble
avec moi seul
programmer : résister à l’usure du passage
ensemble avec moi seul, je ne dois rien à personne,
je ne fais que jouer,
plus ou moins,
jouer encore un peu avec WordPress. 
Mais, qu’on s’en souvienne : «Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman » qui se nommerait Y.d’I.
Trop d’engrenages contraires, rien qu’à les entendre d’avance la tête grince. Et ensuite, comment s’en débarrasser ? Tous ces autres, les passagers du vide, incasables personnages, visiteurs inclassables, incassables silhouettes, inénarrables bien que racontés ? 
Silhouettes furtives en tâches pâles sur le drap du matin, amitiés d’hommes dissipées dans le reflet de l’aube et le dernier cri du zinc. Où est la gomme?
Et raconter cela. Et pourquoi, il faut chasser. Le faire pour de vrai, ici. Tricoter à quatre aiguille une écharpe de soie, bleu-nuit, bleu-mémoire, si souple.
avec la vieille femme-mémoire, Septante et davantage à force étant venus.

d’éviter les surprises (même si toujours bonnes avec elle, hormis la toute dernière, on verra plus tard, dans presque trois ans ).


Et surtout, un jour, la 4CV Renault bleu clair, intérieur faux cuir rouge, authentique luxe.




Les héroïnes sont vêtues d’une simple chemise d’homme, l’une rose, l’autre bleue, posées sur une plage déserte où monte une mer sans pitié et sans ardeur, dans l’atmosphère effrayante construite par le confesseur Lonsdale…Bref tous ces montages et démontages du langage qui conduisaient le spectateur curieux (aussi agacé) à réviser son traité des Tropes avant de payer sa place au cinéma. Nous avons été beaucoup à aimer ce fer-blanc dézingué, mais Septante et davantage étant venus, les Tropes prennent la fuite…
Le tenir là et faire disparaitre Marcel Malbée…
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C’est tendre et protecteur, YDIT aime ça, parce que l’imprévu est souvent douloureux, et que FRED sait comment prévenir l’imprévu. Même si, comme ce soir où il attend la nuit, et rien d’autre, FRED n’est que mémoire vive.

C’est la première fois d’une odeur de mécanique, de siège neuf encombré de soleil, il y a – dans la mémoire des senteurs revenant de Marcel Malbée- d’autres traces : un « Après-rasage » menthol pas cher- mais l’usage de l’après rasage est un luxe dans la famille-, une vague persistance de talc dans la petite salle de bains- mais l’existence d’une salle de bains est un luxe dans la famille-, l’odeur d’œufs frits au jambon qui rejoint même le lit, mais cela aussi est une première fois brumeuse pour le garçon : petit déjeuner à l’Anglaise, au lit, déjeuner au lit, à l’Anglaise, chez Marcel Malbée, son lit à lui un peu étroit pour deux, mais le garçon est mince, enserré par le ridicule « cosy » petit-bourgeois ( « cosy »/ « petit-bourgeois » : vocabulaire appris bien plus tard).

la table chargée de choucroutes trop blanches, et « je n’aurais pas dû te servir ce verre de Sylvaner, sans doute, c’était ta première fois de l’alcool, tu es encore jeune pour ça, et voilà pourquoi, dira Die Pate, tu as eu mal au cœur, garçon, et tu as dû sortir vomir – assez discrètement, merci, je dois dire– sur les bacs à fleurs du jardin« .
et Marcel Malbée qui suggère : « Tu devrais essayer, tu vas voir, ça fait un peu tourner la tête au début », puis sort un paquet de cigarettes allemandes (ou hollandaises ?) ERNTE 23, un paquet à dominante orange et lettres rouges (ou vertes ?), et c’était vrai : ça faisait tourner la tête pour la première fois, comme le Sylvaner glacé. Après on a marché main dans la main ( c’était le Parrain, c’était son filleul : anodin), le long du ruisseau qui menait à la chapelle ouverte, toujours déserte, oubliée dans le fond du vieux bois. C’est mieux pour bavarder tranquilles, faire ce qu’on a à faire tous les deux. Tranquilles.

Il aurait dû être facile de se lever, de dire : « Non, je rentre à la maison ». Il aurait fallu faire ça. Oui. Partir. Mais non, être ici, déjà, dans le petit deux-pièces rue Dupetit-Thouars, venir là seul un soir signifiait oui.( et au dedans : faisons vite, au moins).