Note de Madame Frédérique :
Mon ex-patron m’avait offert son roman « Les Attracteurs Etranges » (que j’ai perdu ensuite, et qu’on ne trouve nulle part), mais je ne l’avais pas ouvert. Nous n’en n’avions jamais parlé. En revanche, comme il se doit, j’avais partagé les chocolats avec les collègues du secrétariat. C’était surprenant comme il continuait, malgré le temps, à dire « Merci Madame » et rarement « Frédérique ». Quant aux publications dont j’ai la charge, tout est facile, cette fois : on s’y retrouve dans la chronologie de cette histoire d’abbaye.
« La LETTRE de A. », VERSION B
SYLVANES encore SYLVANES suite SYLVANES, suite de suite et fin :
Après le concert, dans les échos pierreux de l’abbaye, à Sylvanès, depuis la conviction d’un short à courtes dimensions et longues formes, le jeune reporteur de France-Musique avait comblé le creusement de son départ en laissant un sourire d’invite. Ydit n’était pas certain de désirer encore ce mélange de méfiance et de curiosité que le cloître imparfait dessinait comme une fumée. Pas le désir de ce labyrinthe nouveau à parcourir à genoux, comme les chemins de Jérusalem au sol des cathédrales. Il n’était pas très sûr non plus de savoir pourquoi refuser le dîner chez le jeune reporteur à short bleu et cuisses arrondies. Ni : quand accepter ? Ni : Pourquoi ? Ni : Pourquoi pas ? Il n’était pas très sûr. De rien, ni du contraire. Mais, depuis le sriptorium pourtant éteint, le pianiste grec lui adressait un lumineux message sur l’origine du monde. Cela suffisait pour sécher les soeurs et les larmes.
A la fin de l’été, marqué par le somptueux concert dans l’abbaye de Sylvanès, et les balades au soleil, et les heures d’avant Laude dans l’ombre du scriptorium éclairée par le piano -jazz du Grec, à la fin de cet été-là, sur ce qu’on appelait « répondeur », le joli et leger reporter de France-Musique avait déposé deux ou trois messages.
Il disait le grand plaisir des échanges dans le cloître démonté ou l’abbatiale imparfaite. Le presque bonheur des promenades dans la nuit vers l’appartement du « Grand » où avait habité YDIT, face à la ferme, quand l’un raccompagnait l’autre, puis l’un puis l’autre, tièdes ensemble. Il disait- avec différents mots- la séduction exprimée par le corps bronzé, par le sourire apaisé de ce trentenaire liseur et marcheur, Yd’I. On voyait le bonheur, on l’aurait volontiers partagé.
A commencer par un dîner ? Au fait, Y.d’I, était-ce une vraie particule ? Yvan d’Ici, par exemple? (demandait le joli reporteur avec son short bleu marine, ses mocassins beiges et son nagra).
Ydit avait hésité. Bien entendu, pas de malentendu, on apercevait le chemin proposé par le joli reporteur léger. Facile. Abbaye ou cloître, pas besoin d’être grand clerc, pour deviner la sorte de partage, déchiffrer une invite. Ydit avait hésité. Oui, pour voir ? Mais non : Ydit avait répliqué par le silence. Pour rien.
Hésité, certes, hésité autant l’avouer, parce qu’il y a des gens devenant désirables à raison du désir qu’ils ont visiblement de vous, et que l’oeil guilleret du joli reporteur de France-Musique chantonnait comme un jazz tendre. Le piège habituel : on aime être désiré, puis- ensuite- on s’aperçoit que c’était seulement cela qu’on aimait. Ainsi qu’avec Irma, ou Brigitte, ou Caroline, ou Myriam, dans les siestes de stages d’été de Parti ( on racontera cela, mais pas avant le début de 2025). Pourtant non, pas cette fois, même si cela ne présentait rien de commun avec l’épaisseur pointue d’un désir injuste comme celui de Marcel Malbée, dit M.M., Die Pate- d’ailleurs enfoui dans l’obscur silence volontaire de la mémoire, en ces temps-là.

Un soir de solitude, Ydit avait appelé, pour cela : juste pour savoir. Mais il n’y avait personne. Il avait déposé un message courtois, sans plus. N’avait cependant pas répondu à la réponse, qui avait été enthousiaste : on dînait quand ? On se voyait où ? On partait ?
Pas par dégoût ni ennui. Non, pas cela.Tout, en ces années, se prétendait possible -au moins (on utilisait cette formule) : on peut toujours essayer. On verra bien. Juste pour voir, comme au poker. Pas de quoi fouetter un chat. (L’épidémie qu’on croyait assassine de garçons commençait à peine à traverser l’océan, discrète ). Non, simplement la meilleure raison : pas envie, au fond. Pas besoin, plutôt. Ou trop compliqué ?

Ensuite, le reporter léger avait écrit, deux ou trois lettres jolies. Avec des dessins. Ridicule. Charmant. Inutile. C’était une forme d’univers à la fois dérisoire et inconnu. Ydit avait répondu avec des fuites. Jamais (sinon il n’en serait pas là, en cet endroit d’un roman-images), Ydit n’avait eu la force d’ignorer un regard où l’on percevait un peu de cela, d’incompréhensible et puissant : le désir. Il ne disait rien, n’ignorait rien, ne répondait rien, il fuyait, mais ne partait pas. Des fuites qui ne voulaient pas renoncer. Des fuites de proximité, comme l’écriture. On ne sait jamais. Etre là en restant absent. Pratique.
Mais dans les coins du cloître abîmé, en d’autres temps, bien plus tard, à SYLVANES, si l’on avait tourné le dos à l’abbatiale, dans le si rude silence du scriptorium, quand le pianiste grec dormait ailleurs, si l’on s’était placé contre la lumière de midi, si l’on avait regardé le reporteur de France-Musique sourire à la Diva, avant que le pianiste rejoignît le cloître pour un piano jazz fatigué, du blues marqué au rouge épais,
il y avait beaucoup d’années de cela, quarante au moins, on aurait aperçu, avec une ravageuse patience, de nouveau lorsque le jour tomberait, plus tard, des années plus tard, beaucoup d’années, quarante et davantage, on aurait vu réapparaître d’un côté le très toujours très innommable Marcel Malbée, dit M.M., dit encore Die Pate, qui tendrait un verre on ne savait de quoi, et dans la main il y aurait eu un pyjama noir et jaune ( ou blanc et bleu, ou rouge et vert, ou de lin blanc ?), murmurant qu’il habitait au 12, rue Dupetit Thouars, 1er droite,

et dans l’autre angle,
l’autre, ça aurait été Hanged James, qu’Ydit ne connaissait pas encore, mais qui a été, est, sera jusqu’au bout une pièce de la mémoire… Hanged James. Gentiment présent, même pas tournoyant sur lui-même, et qui lorsque le mouvement de la vie lui permet de faire face offre son sourire amical et goguenard, fatigué de la solitude dans sa fenêtre comme un moine de son cloître, un peu tendre et lassé donc, Hanged James comme s’il s’apprêtait à dire (quoi qu’il soit impossible de plus rien dire dans son état) ou à demander :
« Alors quoi, mec, rien à dire ?
Tu vas encore t’en tirer en ne disant rien à personne ?».
Evidemment nul ne peut dire quelle réponse il aurait attendue, Hanged James, le bavard silencieux. Ni comment sa question résonna dans la tentation muette du scriptorium, que traverse un joli reporteur léger. Mais cette fois encore, comme dans les visites à l’ombre de TYNE, rue de la montée haute, rien ne se passe, rien ne peut advenir de ce désir là, désormais.
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Didier JOUAULT pour » YDIT BLOG » Nouvelle saison, Saison iV, Episode TRENTE-SEPT : depuis l’abbaye de Sylvanès, où est passé le reporteur si joli de France-Musique, avec son short Marine, ses mocassins beige et son Nagra ? Fin de l’histoire. Mais pas du Roman -Images, qui se continue (sur le rythme retrouvé des mercredis après -midi) le 10 juin et aussi le 17 juin : pour raconter une sale nuit. En deux épisodes. On ne va pas rater ça ? On aurait tort : sale nuit !
On sait que le sentiment du bonheur physique vous donne physiquement l’air de connaître le bonheur. C’est d’ailleurs ce que dit sœur Agathe. Au sujet de Marie. Ainsi soit-il
Sœur Agathe disait : « Pour le festival de Frère André, c’est mieux que ce jeune garçon soit bien soigné. Un reporter de France-Musique ». Bien sûr. Les Granges. Le Soir. Intimité de la prière. Interdit aux non-pratiquants. Short marine à courtes dimensions et longs rebondis, du lin sans probité candide.
Pas de Marcel Malbée embusqué à l’horizon du souvenir, et on ne connaissait pas encore James, futur Hanged.
On restait au soleil, allongés comme des lézards entiers, on devisait musique avec lenteur– Ydit n’en savait que si peu- et livres – Ydit croyait en connaître certains. On marchait dans la campagne voisine, levant à deux les sauterelles en passant devant le préau désaffecté de la mairie-école. Plus loin, les ruines carrées de la commanderie du Temple rappelaient que la pierre passée construit l’avenir. Des arbres de la liberté y poussaient, un par révolution : terre radicale socialiste. MLais arbres essouflés par la durée du Temps.
Ce groupe léger, malin, secret. Non, ce soir, ni demain. Il aurait pu, bien sûr, il avait tout ( presque ?) pour ça, mais non. Il n’était pas très sûr de savoir pourquoi « non« , mais pas la peine d’insister, « non », pas envie de ce groupe léger, malin, discret, malgré les horizons de plaisirs pratiques. Cette fois , certainement, clairement : » NON ».


Ensuite, vous le savez, Ydit a disparu – très mystérieusement, très silencieusement – avant que les posts commencent, l’aventure de « Saison IV » à moi confiée. Ainsi que, sans doute, dix ou vingt exemplaires de » Les Attracteurs Etranges » en pile sur un rayon de placard.
Le jour venu, avec le préfet, un ministre canadien arrivé en hélicoptère avait assisté au concert. Ydit regardait depuis l’un de ces nombreux couloirs dérobés qu’une vieille élève du stage « Icônes byzantines »-, une grande blonde à corps de cathédrale, vite attendrie- lui avait enseignés : comme dans les romans modernes, les abbayes portent en elles des passages clandestins et des secrets d’initiés.
. Il inventait un concert de novices, d’étudiants des beaux arts, de passants sortis d’un labyrinthe. Pour Ydit, personne, ni FRED, ni TYNE, les ombres habillées en soleil..
C’était une bonne idée. L’épouse aurait illustré d’icônes. Comme il buvait volontiers le gros rouge trop fruité du réfectoire – que servait Sœur Agathe- le pianiste parfois somnolait un peu sur les touches, et son jazz paraissait en conduite libre, tendance piano-bar. Ambiance de laisser-vivre, sans risque ni désir. On s’y trompait .

une Clarisse très belle. Cependant, trop Clarisse, elle refusait, en riant, qu’on la photographiât. Mais on restait volontiers dans la cuisine de cette anti-Françoise. On écornait la pomme de terre et le chou rave. Avec son talent, nul ne risquait la mort par indigestion de pommes de terre, pas loin de ce fameux pan de mur jaune, coin du cloître lacunaire. Ici, tout semblait ainsi comme préservé d’une tentation. A tort.
A présent, on voyait le mal partout, et c’étaient même des volontés avérées de nuisance, par certaines catégories de gens d’ici, considérant d’un mauvais œil la renaissance si rapide et lumineuse de l’Abbaye, sortie si vite de ses ruines, dans l’esprit du seigneur, ainsi soit-il… Sans les nommer, elle désignait « ceux de la loge »- on était, il est vrai, en terre de Rouergue : radicale-socialiste-franc-maçonne-gros rouge et saucisson large, tablier en peau et bavette à l’échalote, un rite français.
en plus du temple des Réformés calvinistes ( les pires?) , et les hommes de naguère ( quand la ville était prospère) allaient jusqu’à l’endroit de ce coin d’ombre centre-ville, café douteux pour les Soeurs du Mal, des femmes entre elles, sans confesseur.
Tous ces gens là, pas loin de l’abbaye, dans ce Sud frétillant, ça faisait beaucoup d’ennemis


JAMES, à lui, contre lui, mais dans sa jouissance brève facilement obtenue, un sexe touché comme par une brûlure, des fesses arrondies comme sous le fouet, un corps dénoué de sa pudeur, parce qu’on a trop chaud, bleu et blanc, rouge et vert, le pyjama, (certes pas de lin blanc, ça coûte trop cher, on n’avait pas d’argent, nous, seulement Die Pate, un peu davantage, voiture, couscous chez le Marocain, verre de sylvaner, voyage en Forêt noire, toujours il faut répéter cette différence sale, la pauvreté). SUR JAMMES, quel geste ? 