« YDIT-BLOG « , Nouvelle saison, Saison IV, Episode TRENTE-SEPT, 4/4: Depuis l’abbaye de Sylvanès, où est passé le reporteur si joli de France-Musique, avec son short Marine, ses mocassins beige et son Nagra ? Fin de l’histoire.

Note de Madame Frédérique :

Mon ex-patron m’avait offert son roman « Les Attracteurs Etranges » (que j’ai perdu ensuite, et qu’on ne trouve nulle part), mais je ne l’avais pas ouvert. Nous n’en n’avions jamais parlé. En revanche, comme il se doit, j’avais partagé les chocolats avec les collègues du secrétariat. C’était surprenant comme il continuait, malgré le temps, à dire «  Merci Madame » et rarement « Frédérique ». Quant aux publications dont j’ai la charge, tout est facile, cette fois : on s’y retrouve dans la chronologie de cette histoire d’abbaye.

« La LETTRE de A. », VERSION B

    SYLVANES encore SYLVANES suite  SYLVANES, suite de suite  et fin :

Après le concert, dans les échos pierreux de l’abbaye, à Sylvanès, depuis la conviction d’un short à courtes dimensions et longues formes, le jeune reporteur de France-Musique avait comblé le creusement de son départ en laissant un sourire d’invite. Ydit n’était pas certain de désirer encore ce mélange de  méfiance et de curiosité que le cloître imparfait dessinait comme une fumée. Pas le désir de ce labyrinthe nouveau à parcourir à genoux, comme les chemins de Jérusalem au sol des cathédrales. Il n’était pas très sûr non plus de savoir pourquoi refuser le dîner chez le jeune reporteur à short bleu et cuisses arrondies. Ni : quand accepter ? Ni : Pourquoi ? Ni : Pourquoi pas ? Il n’était pas très sûr. De rien, ni du contraire. Mais, depuis le sriptorium pourtant éteint, le pianiste grec lui adressait un lumineux message sur l’origine du monde. Cela suffisait pour sécher les soeurs et les larmes.

A la fin de l’été, marqué par le somptueux concert dans l’abbaye de Sylvanès, et les balades au soleil, et les heures d’avant Laude dans l’ombre du scriptorium éclairée par le piano -jazz du Grec, à la fin de cet été-là, sur ce qu’on appelait «  répondeur », le joli et leger reporter de France-Musique avait déposé deux ou trois messages. Il disait le grand plaisir des échanges dans le cloître démonté ou l’abbatiale imparfaite. Le presque bonheur des promenades dans la nuit vers l’appartement du « Grand » où avait habité YDIT, face à la ferme, quand l’un raccompagnait l’autre, puis l’un puis l’autre, tièdes ensemble. Il disait- avec différents mots- la séduction exprimée par le corps bronzé, par le sourire apaisé de ce trentenaire liseur et marcheur, Yd’I. On voyait le bonheur, on l’aurait volontiers partagé. A commencer par un dîner ? Au fait, Y.d’I, était-ce une vraie particule ? Yvan d’Ici, par exemple? (demandait le joli reporteur avec son short bleu marine, ses mocassins beiges et son nagra).

Ydit avait hésité. Bien entendu, pas de malentendu, on apercevait le chemin proposé par le joli reporteur léger. Facile. Abbaye ou cloître, pas besoin d’être grand clerc, pour deviner la sorte de partage, déchiffrer une invite. Ydit avait hésité. Oui, pour voir ? Mais non : Ydit avait répliqué par le silence. Pour rien. Hésité, certes, hésité autant l’avouer, parce qu’il y a des gens devenant désirables à raison du désir qu’ils ont visiblement de vous, et que l’oeil guilleret du joli reporteur de France-Musique chantonnait comme un jazz tendre. Le piège habituel : on aime être désiré, puis- ensuite- on s’aperçoit que c’était seulement cela qu’on aimait. Ainsi qu’avec Irma, ou Brigitte, ou Caroline, ou Myriam, dans les siestes de stages d’été de Parti ( on racontera cela, mais pas avant le début de 2025). Pourtant non, pas cette fois, même si cela ne présentait rien de commun avec l’épaisseur pointue d’un  désir injuste comme celui de Marcel Malbée, dit M.M., Die Pate- d’ailleurs enfoui dans l’obscur silence volontaire de la mémoire, en ces temps-là.

Un soir de solitude, Ydit avait appelé, pour cela : juste pour savoir. Mais il n’y avait personne. Il avait déposé un message courtois, sans plus. N’avait cependant pas répondu à la réponse, qui avait été enthousiaste : on dînait quand ? On se voyait où ? On partait ?

Pas par dégoût ni ennui. Non, pas cela.Tout, en ces années, se prétendait possible -au moins (on utilisait cette formule) : on peut toujours essayer. On verra bien. Juste pour voir, comme au poker. Pas de quoi fouetter un chat. (L’épidémie qu’on croyait  assassine de garçons commençait à peine à traverser l’océan, discrète ). Non, simplement la meilleure raison : pas envie, au fond. Pas besoin, plutôt. Ou trop compliqué ?

Ensuite, le reporter léger avait écrit, deux ou trois lettres jolies. Avec des dessins. Ridicule. Charmant. Inutile.  C’était  une forme d’univers à la fois dérisoire et inconnu. Ydit avait répondu avec des fuites. Jamais (sinon il n’en serait pas là, en cet endroit d’un roman-images), Ydit n’avait eu la force d’ignorer un regard où l’on percevait un peu de cela, d’incompréhensible et puissant :  le désir. Il ne disait rien, n’ignorait rien, ne répondait rien, il fuyait, mais ne partait pas. Des fuites qui ne voulaient pas renoncer. Des fuites de proximité, comme l’écriture. On ne sait jamais. Etre là en restant absent. Pratique.

Mais dans les coins du cloître abîmé, en d’autres temps, bien plus tard, à SYLVANES, si l’on avait tourné le dos à l’abbatiale, dans le si rude silence du scriptorium, quand le pianiste grec dormait ailleurs, si l’on s’était placé contre la lumière de midi, si l’on avait regardé le reporteur de France-Musique sourire à la Diva, avant que le pianiste rejoignît le cloître pour un piano jazz fatigué, du blues marqué au rouge épais, il y avait beaucoup d’années de cela, quarante au moins, on aurait aperçu, avec une ravageuse patience, de nouveau lorsque le jour tomberait, plus tard, des années plus tard, beaucoup d’années, quarante et davantage, on aurait vu réapparaître d’un côté le très toujours très innommable Marcel Malbée, dit M.M., dit encore Die Pate, qui tendrait un verre on ne savait de quoi, et dans la main il y aurait eu un pyjama noir et jaune ( ou blanc et bleu, ou rouge et vert, ou de lin blanc ?), murmurant qu’il habitait au 12, rue Dupetit Thouars,  1er droite,

et dans l’autre angle,

 l’autre, ça aurait été   Hanged James, qu’Ydit ne connaissait pas encore, mais qui a été, est, sera jusqu’au bout une pièce de la mémoire… Hanged James. Gentiment présent, même pas tournoyant sur lui-même, et qui lorsque le mouvement de la vie lui permet de faire face offre son sourire amical et goguenard, fatigué de la solitude dans sa fenêtre comme un moine de son cloître, un peu tendre et lassé donc, Hanged James comme s’il s’apprêtait à dire (quoi qu’il soit impossible de plus rien dire dans son état) ou à demander :

Evidemment nul ne peut dire quelle réponse il aurait attendue, Hanged James, le bavard silencieux. Ni comment sa question résonna dans la tentation muette du scriptorium, que traverse un joli reporteur léger. Mais cette fois encore, comme dans les visites à l’ombre de TYNE, rue de la montée haute, rien ne se passe, rien ne peut advenir de ce désir là, désormais.

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Didier JOUAULT pour  » YDIT BLOG » Nouvelle saison, Saison iV, Episode TRENTE-SEPT : depuis l’abbaye de Sylvanès, où est passé le reporteur si joli de France-Musique, avec son short Marine, ses mocassins beige et son Nagra ? Fin de l’histoire. Mais pas du Roman -Images, qui se continue (sur le rythme retrouvé des mercredis après -midi) le 10 juin et aussi le 17 juin : pour raconter une sale nuit. En deux épisodes. On ne va pas rater ça ? On aurait tort : sale nuit !

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YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, Episode TRENTE-SIX: Silvia n’est pas venue à Sylvanès, deuxieme milieu, 3/4 le reporteur de France Musique dans l’abbaye qui chante.

Cette fois  l’ordre chronologique des fragments inclus dans «  La lettre de A. »VERSION B. facilite ma tâche.

« La LETTRE de A. », VERSION B    SYLVANES suite 

Abbaye, musique. Le jour, c’était le grand soleil du sud en été. Ydit marchait sur ses cuisses bronzées, musclées à force de parcourir au soleil le chemin entre la ferme et l’abbaye, tel un bon paysan de jadis : 6 ou 8 Kilomètres entre « l’appartement du Grand », à la ferme, et l’abbaye. On le voyait, le jour, écrivant un peu, bavardant beaucoup, avec les stagiaires, pas seulement les jeunes filles iconophiles, et avec le pianiste, grec, le pianiste, prétendait-il, ou les visiteurs très rares ( en ce temps, l’Abbaye était peu connue, un Festival depuis l’a rendue célèbre, inaccessible, arrogante comme souvent le trop de succès).
La trentaine un peu passée, les muscles bruns, le bonheur d’être ici, le pur plaisir sensuel d’exister dans la musique le jour, le silence nu la nuit, l’absence entre chien et loup, les paroles, le soleil, pour rien. Dormir sous le ciel et seul : patience dans l’azur, ou encore ta tête se détourne, le nouvel amour .On sait que le sentiment du bonheur physique vous donne physiquement l’air de connaître le bonheur. C’est d’ailleurs ce que dit sœur Agathe. Au sujet de Marie. Ainsi soit-il

Pour le reste, les sales rumeurs sur les « retraits » de Frère André, elle n’en n’avait cure (forcément). Tous ces gens là, pas loin de l’abbaye, dans ce Sud frétillant, ça faisait beaucoup d’ennemis. Tous contre Frère André…

Selon sœur Agathe, ce n’étaient que mensonges, au sujet de Frère André, des jeunes stagiaires, de la clôture absolue des Granges au portail infranchissable pour les non-initiés, où l’on ne pénétrait que sur invitation, formelle, du Père André…Une sélection par  la promesse des talents et donc l’éducation des corps, ajoutait la sœur, sans ricaner.

Car une Clarisse jamais ne ricane. Car une naïve jamais ne cancanne. Car une puriste jamais ne boucane. Etc !

Trois jours avant le concert, un  très jeune reporter de France Musique s’était joint au groupe, assistant aux répétitions, participant aux repas. Joli,  vêtu d’un short marine à courtes dimensions et longs rebondis, de mocassins beige et d’une franche insouciance parisienne, souriant à son avenir. Il avait rejoint le duo du scriptorium paisible, l’après-midi : pianiste grec, Ydit, saveurs de jazz, senteurs de cailloux asséchant le vin rouge. Sa tentative de Satie avait glacé le pianiste grec. Après le dîner dans le frais scriptorium de  l’abbaye,  on l’avait  accueilli par exception  parmi les initiés des «  Granges ». Sœur Agathe disait : « Pour le festival de Frère André, c’est mieux que ce jeune garçon soit bien soigné. Un reporter  de France-Musique ». Bien sûr. Les Granges. Le Soir. Intimité de la prière. Interdit aux non-pratiquants. Short marine à courtes dimensions et longs rebondis, du lin sans probité candide.

Cet univers était étrange : musical, élitiste, iconophile, mais ouvert aux inactifs et laïques, aux inactifs ( sœur Agathe avait réussi à prêter un vélo à Ydit qui parcourait les collines, le pianiste grec avait renoncé à l’accompagner, trop de vin au déjeuner, de « Pall Mall » dès le matin) – pourvu qu’ils règlent leur séjour.  On n’exigeait pas de prier, pourvu qu’on ne se prétendît pas en vacances, mais en retraite ou en travail. Ydit avait prétexté sa thèse sur l’Afrique. Entre les moments assez bruyants des déjeuners dans le réfectoire des moines, silence et musiques alternaient dans une harmonie apaisante par sa puissance maîtrisée. En somme, cela ressemblait assez à la vie de Ydit en ce temps. Pas de Marcel Malbée  embusqué à l’horizon du souvenir, et on ne connaissait pas encore James, futur Hanged.

La belle vie . Ainsi fut elle !

L’étrangeté gagnait les façons de se rencontrer. Le jeune reporter avait quelques années des moins qu’YDIT, et un savoir beaucoup plus grand. Dans les pauses de la répétition, la Diva fuyait le soleil et partait réparer sa voix. Le reporter  avait pris l’habitude de rejoindre Ydit, sur les pierres dévastées du cloître en cours de relèvement, carrés longs taillés que des herbes un peu clandestines disputaient à la lumière. On restait au soleil, allongés comme des lézards entiers, on devisait musique  avec lenteur– Ydit n’en savait que si peu- et livres – Ydit croyait en connaître certains. On marchait dans la campagne voisine, levant à deux les sauterelles en passant devant le préau désaffecté de la mairie-école. Plus loin, les ruines carrées de la commanderie du Temple rappelaient que la pierre passée construit l’avenir. Des arbres de la liberté y poussaient, un par révolution : terre radicale socialiste. MLais arbres essouflés par la durée du Temps.

La veille du concert, pour la Générale, le reporter avait installé YDIT auprès du preneur de son, dans la régie provisoire et dans l’ombre  : double privilège.

Ensuite, l’ovation éteinte, le reporteur, pantalon serré, l’avait – d’office- invité aux agapes en nombre réduit, dans la bibliothèque de l’évêque, d’habitude fermée, car elle contenait d’anciens volumes précieux, dont un exemplaire princeps du « Dictionnaire philosophique » et un autographe de JL Borgès sur «  La Bibliothèque de Babel » «  J’écris pour moi, pour mes amis, et pour adoucir le cours du temps ». Frère André avait semblé surpris, agacé, de voir YDIT parmli eux ici, dans le presque Saint des saints. Mais Sœur Agathe, Clarisse complice en bavardages d’épluchages, cantinière naïve et cancannière placide, lui avait murmuré à l’oreille que l’on pouvait accueuillir YDIT parmi la douce bande des Gentils.

Après le dîner, dans la nuit claire, le reporter était resté longtemps avec Ydit, près d’Ydit, pantalon serré contre Ydit . La chaleur avait à peine disparu, le pianiste jouait un peu en sourdine, seul, dans le scriptorium, lentement, fermement, pénétrant le silence des pierres comme on déguste un rayon de soleil vers Athènes au matin. C’était nostalgique,  déambulatoire  et doux comme du Modiano.

Mais « non », finalement, Ydit répondait au reporteur qu’il ne se joindrait pas au groupe des Granges. Ce groupe léger, malin, secret. Non, ce soir, ni demain. Il aurait pu, bien sûr, il avait tout ( presque ?) pour ça, mais non. Il n’était pas très sûr de savoir pourquoi « non« , mais pas la peine d’insister, « non », pas envie de ce groupe léger, malin, discret, malgré les horizons de plaisirs pratiques. Cette fois , certainement, clairement :  » NON ».

Aujourd’hui, oui : on apprend à dire « non », même quand il est trop tard. Les garçons admis au stage de langue, dans le secret des « granges » , avaient-ils des cordons au pyjama?

Après le concert, le reporter avait vite regagné Paris, non sans laisser adresse- quartier chic – et numéro téléphone écrit à la main ( à l’époque, outils frustes).

Il espérait vraiment qu’on se reverrait. Il l’espérait beaucoup. Il y comptait. Presque il y tenait. Il l’avait répété, s’accompagnant d’un sourire qu’ailleurs on aurait qualifié d’irrésistible, puis fermé, comme à regret, la portière de la Peugeot Radio-France, que conduisait l’ingénieur du son, pressé, lui : sa femme l’attendait.

Mais Ydit n’était pas certain de désirer encore ce mélange de  méfiance et de curiosité que le cloître imparfait dessinait comme une fumée. Pas le désir de ce labyrinthe nouveau à parcourir à genoux, comme les chemins de Jérusalem au sol des cathédrales. Il n’était pas très sûr non plus de savoir pourquoi refuser le dîner chez le jeune reporteur à short bleu et cuisses arrondies. Ni : quand accepter ? Ni : Pourquoi ? Ni : Pourquoi pas ? Il n’était pas très sûr. De rien, ni du contraire. Mais, depuis le sriptorium pourtant éteint, le pianiste grec lui adressait un lumineux message sur l’origine du monde.

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Didier JOUAULT , pour YDIT-BLOG / Nouvelle saison, Saison IV, Episode TRENTE-SIX : Silvia n’est pas venue à Sylvanès, deuxieme milieu , le reporteur de France Musique. A suivre le 31 mai, un VENDREDI ( toujours les contraintes de calendrier en ces périodes chargées d’absences), la fin de cette séquence Sylvanès.

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« YDIT-BLOG », Nouvelle saison, Saison IV, Episode TRENTE-CINQ : Silvia n’est pas venue à Sylvanès, premier milieu, 2/4 ; sœur Agathe, dans l’abbaye pas si déserte.

Cela m’avait surpris : un matin d’hiver, mon ex-patron avait  été nommé à Paris. J’étais là, pas loin, nous ne nous connaissions pas encore avec tant de finesse, de connivence, il était arrivé sans équivoque. « Madame Frédérique, avait-il dit, personne ne vous oblige à le lire : avec une banale boite de (très bons) chocolats, il tendait un livre. Signé de lui. Une micro édition. « Les Attracteurs Etranges ». Selon moi, 25 ou 30 ans plus tard, il s’en est servi pour rédiger les quatre passages successifs de «  La Lettre de A. » VERSION B », sobrement intitulés «  SYLVANES », sorte de pause, comme on souffle lors d’un « ravitaillement », pendant le marathon de cette saison IV.

En dédicace sur la première page de  » Les attracteurs étranges « , Yd’I. ( dit YDIT dans les Services) avait noté, de son écriture pressée :  » A reprendre pour publication en ligne« . Ensuite, vous le savez, Ydit a disparu – très mystérieusement, très silencieusement – avant que les posts commencent, l’aventure de « Saison IV » à moi confiée. Ainsi que, sans doute, dix ou vingt exemplaires de  » Les Attracteurs Etranges » en pile sur un rayon de placard.

« La LETTRE de A. », VERSION B : SYLVANES :

SYLVANES -2, donc : Chaque matin, Ydit rejoignait le cloître, largement détruit, et l’abbatiale, encore vive. C’étaient d’approximatives ruines. Le père André, quadragénaire actif et trop musclé , dirigeait les travaux, mais surtout la communauté : quelques religieux – franciscains- et quelques « stagiaires » pour les séminaires de chant grégorien, jeunes et jolis.

Un concert s’organisait, pour le 15 août. Venue d’Amérique, la Diva répétait.Ydit écoutait depuis le fond de la nef des sages, caché. Le jour venu, avec le préfet, un ministre canadien arrivé en hélicoptère avait assisté au concert. Ydit regardait depuis l’un de ces nombreux couloirs dérobés qu’une vieille élève du stage « Icônes byzantines »-, une grande blonde à corps de cathédrale, vite attendrie- lui avait enseignés : comme dans les romans modernes, les abbayes portent en elles des passages clandestins et des secrets d’initiés.

Entre temps, les choristes grégoriens travaillaient leur voix immatures, et – parmi eux- un petit nombre des plus jeunes ne dormait ni dans les dortoirs conventuels, réaménagés pour les stagiaires, ni -comme Ydit faisait- dans l’appartement chez l’habitant d’ une ferme du voisinage.

On les voyait partir au soir, avec Père André, deux ou trois autres moines, et le « directeur artistique », vers « Les Granges »- bâtiment agricole classiquement proche de l’abbaye, mais ici interdit à tout étranger – au prétexte du recueillement. Du perfectionnement. Du dépouillement, du retour au Simple Originel, et du partage en l’esprit. Ainsi soit-il.

Dans les  anciens carrés du Chapitre- ou les communs– plus austères, se tenait aussi un stage de peinture d’icônes byzantines. La professeure était grecque, orthodoxe, et son mari l’accompagnait, inactif, prétendant avoir jadis participé à des concerts de rock dans le groupe « Aphrodite Childs». Souvent, au cours de l’après-midi, il jouait sur le Steinway du scriptorium, désert à cette heure trop chaude pour lui. . Il inventait un concert de novices, d’étudiants des beaux arts, de passants sortis d’un labyrinthe. Pour Ydit, personne, ni FRED, ni TYNE, les ombres habillées en soleil..

Tous deux sans occupation nette (Ydit était supposé en retrait pour écrire une thèse, pieux mensonge qui avait permis l’hospitalité à bas prix), le pianiste et le voyageur avaient sympathisé. On bavardait dans les ombres imparfaites du cloître lacunaire. On songeait à écrire, piano et clavier, une Histoire du commencement du monde. C’était une bonne idée. L’épouse aurait illustré d’icônes. Comme il buvait volontiers le gros rouge trop fruité du réfectoire  – que servait Sœur Agathe- le pianiste parfois somnolait un peu sur les touches, et son jazz paraissait en conduite libre, tendance piano-bar. Ambiance de laisser-vivre, sans risque ni désir. On s’y trompait .

Avec Sœur Agathe, la clarisse dirigeant la cuisine, une sorte de connivence s’était vite installée. Ydit et le pianiste, sans rechigner, donnaient la main aux œuvres de ramassage, épluchage, lavage, essorage, ramage et plumage. Manquait un peu le massage, mais on avait les mains dans la soupe. On bavardait, campagne, clôture, village, voile de novice, bonté du jour, immaculée conception, commencement du monde, oubli de soi, chair et vanité, menu du midi, rédemption et péché, dans l’amusement d’une ironie attendrie. On aiurait cru un congrès d’écrivains dans la Creuse. Sœur Agathe – on s’en doute – était jolie, souriante, vive, discrète, réservée, à peine voilée, habile à la cuisine monastique : une Clarisse très belle. Cependant, trop Clarisse, elle refusait, en riant, qu’on la photographiât. Mais on restait volontiers dans la cuisine de cette anti-Françoise. On écornait la pomme de terre et le chou rave. Avec son talent, nul ne risquait la mort par indigestion de pommes de terre, pas loin de ce fameux pan de mur jaune, coin du cloître lacunaire. Ici, tout semblait ainsi comme préservé d’une tentation. A tort.

Sœur Agathe affirmait, couteau en pogne (c’était une rude fille à silhouette de clocher), l’air docte et humble sur ses poireaux, que toutes les médisances bien connues à propos de Frère André et des soirs de « Les Granges » ne constituaient que l’expression de rancœurs (des postulants choristes déboutés, dégoûtés), de malentendus (des iconographes maladroits), et autres malveillances. A présent, on voyait le mal partout, et c’étaient même des volontés avérées de nuisance, par certaines catégories de gens d’ici, considérant d’un mauvais œil la renaissance si rapide et lumineuse de l’Abbaye, sortie si vite de ses ruines, dans l’esprit du seigneur, ainsi soit-il… Sans les nommer, elle désignait « ceux de la loge »- on était, il est vrai, en terre de Rouergue : radicale-socialiste-franc-maçonne-gros rouge et saucisson large, tablier en peau et bavette à l’échalote, un rite français.

Dans la sous-préfecture voisine, il y avait même le temple des Faux-Frères, tels qu’aurait dit Soeur Agathe, en plus du temple des Réformés calvinistes ( les pires?) , et les hommes de naguère ( quand la ville était prospère) allaient jusqu’à l’endroit de ce coin d’ombre centre-ville, café douteux pour les Soeurs du Mal, des femmes entre elles, sans confesseur. Tous ces gens là, pas loin de l’abbaye, dans ce Sud frétillant, ça faisait beaucoup d’ennemis

de la foi rt du Père André…

Selon sœur Agathe, ce n’étaient que mensonges, au sujet des jeunes stagiaires, de la clôture absolue des Granges au portail infranchissable pour les non-initiés, où l’on ne pénétrait que sur invitation, formelle, du Père André…Une sélection de peu de garçons choristes, par  la promesse des talents et donc l’éducation des corps, ajoutait la sœur, sans ricaner. .

Car une Clarisse jamais ne ricane. Car une naïve jamais ne cancanne. Car une puriste jamais ne boucane. Pourtant, l’atmosphère préparait la suite. Etc !

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Didier JOUAULT, pour  » YDIT-BLOG » Nouvelle saison, Saison IV, Episode Trente-CINQ: Silvia n’est pas venue à Sylvanès, premier milieu, 2/4 sœur Agathe. A suivre. Vendredi prochain, pour les amateurs de direct. Ou environ direct et à peu près prochain ?

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YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, Episode TRENTE QUATRE : Silvia n’est pas venue à Sylvanès, 1 sur 4 , première partie, début d’abbaye.

« La LETTRE de A. », VERSION B

Il y avait eu cette période heureuse où la force de l’oubli l’avait emporté sur toute urgence de regard.

On pouvait, on a pu soixante-dix ans et plus, entrer dans une pièce, une ville, une vie, un souvenir, sans apercevoir du coin de l’œil le couple si mal apparié- bien qu’en paire : Die Pate et The Hanged Jammes. Depuis, le présent a imposé son passé à toute tentative de futur propre.

YDIT-BLOG, saison 2, FERRARE, le cimetière juif, la maison de Bassani enfin trouvée au coin de la rue, bonheurs simples, ici même , sur cet écran, on peut le retrouver : la saison de l’ignorance. Séquences d’errance heureuse.

On oubliait encore ce qu’on avait trop su.

Par quelle extrémité cette fois (étant poussé aux extrémités car tout le monde à présent parle de « ça », son Le secret) par où tirer la queue du roman-image ?

ET cependant JAMES, lui, pas déjà HANGED ? Pout tous deux, YDIT/LUI, l’époque de la complicité en silence avec le vieux aux mains lourdes. YDIT, lui, dans la proximité nocive mais jouisseuse de Marcel Malbée dit M M  Die Pate : identiques demandes, mêmes yeux fouisseurs du vieux, la cordelette du pyjama serait dénouée comme une sale histoire, YDIT le savait. JAMES, à lui, contre lui, mais dans sa jouissance brève facilement obtenue, un sexe touché comme par une brûlure, des fesses arrondies comme sous le fouet, un corps dénoué de sa pudeur, parce qu’on a trop chaud, bleu et blanc, rouge et vert, le pyjama, (certes pas de lin blanc, ça coûte trop cher, on n’avait pas d’argent, nous, seulement Die Pate, un peu davantage, voiture, couscous chez le Marocain, verre de sylvaner, voyage en Forêt noire, toujours il faut répéter cette différence sale, la pauvreté). SUR JAMMES, quel geste ?

Et pourtant, l’un (YDIT) qui traverse les épisodes souvent joyeux du quotidien sans jamais rencontrer les ronces de la souffrance mémorielle.

Et pourtant l’un (YDIT) qui parcourt la vie comme si la mémoire avait subi l’extinction d’une race : la race des souvenirs, et caracole dans le bois pour le footing quotidien, et part en avion visiter des villes et des gens, regarder le sable sur le dos des filles sur la mer, boire des vins secs sur des bars bruns, rire au théatre, s’agacer dans les livres. S’agacer d’un livre, quel luxe ! Plaisirs et légéreté couleur joie de vivre : YDIT.

Et l’autre, JAMES, un matin, dans la « bulle » étroite de la fenêtre : HANGED !

La différence, comment la comprendre ? L’injustice, comment l’accepter ? La distance, comment l’effacer ? On reste ébahi, déchiré, coupable de cette discordance, involontaire.

Reste l’explication de ceci trouvé si tôt : l’écriture.

Comme un marais, un désert, une jungle, une caverne, un sommet, un égout, un miel neuf sur le pain chaud, un matin frais au balcon de l’hotel avec FRED : l’écriture, de quoi s’occuper le ventre, les doigts, l’entrelacs compliqué des souvenirs.  Se divertir. Prendre la fuite. Se décentrer. Se déconcerter. Se surprendre demain d’avoir écrit cela hier. Sans pour autajt barguiner sur l’Ecriture comme absolu ou Etre-en-soi, non écrire pour… se barrer.

Sauvetage absolu.

On devrait apprendre à écrire à tous les petits garçons privés de pyjama. Ils n’écriront jamais trop. Même s’ils ne racontent pas. Même s’ils font semblant que non.

Ydit hésitait, en écoutant des chants d’Afrique de l’Ouest (on y reviendra, on racontera encore  : la blondeur noire de TYNE, ah quel amour déjà présenté) .

Il aurait pu (avec bonheur et paresse), se passer de raconter l’Abbaye de SYLVANES.

L’avenir aurait été le même, Septante et plus étant venus. A cet age , on ne conte plus ?

Mais non. Trop tard. Le pli est pris. Raconter comme marcher, tant qu’on peut, tant qu’on sait. Entrer dans la cave de l’écriture, monter sur la terrasse du récit, s’enfuir, s’enfouir. Le mot se lève, il est temps d’écrire.

Récits de SYLVANES, quatre épisodes. Tant pis, après tout ( et avant la fin, qui serait la fin de cette poursuite sombre et vive), tant pis si l’avènement de la chute en est retardé. Chute, drame, non ; catastrophe, étymologiquement dit du Grec : fin du poème, dénouement, c’est drôle de savoir que, en Français, le mot transporte ses violences de désastres ( les Anglais : Disaster/ pas de Grec, donc, mais la racine des Normands, jadis envahiseurs : Désastre), comme si la « fin du poème », de toute évidence, marquait le surgissement de la calamité.

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Sylvanès :

C’était il y a quarante ans, ou presque. Avec l’accord de la communauté religieuse, vouée à la musique et à l’icône, YDIT  logeait pour un mois dans l’appartement que des paysans, à six kilomètres de l’Abbaye, avaient construit en annexe de la ferme, de l’autre côté de la route étroite. Mais le fils- on s’interrogeait en silence dans les cafés imbéciles du village, le fils, le «  Grand des Maraignac » – ne se mariait pas, bien qu’il fréquentât beaucoup et souvent l’abbaye. On le savait proche de Frère André, qui le recevait aux Granges- accès interdit au commun des fidèles ou stagiaires. On parlait de cela avec les yeux, sans rien dire, en  l’observant passer, avec sa drôle de façon d’être.

YDIT, lui, ça lui convenait, l’appartement désert de l’autre côté de la route face à la ferme : anonyme et confort façon rurale ( meubles lourds, velours), une épaisse valise de manuscrits et de livres, des images de tableaux célèbres posées sur la cheminée, la table (La Liseuse de Vermeer, La Saint Anne de Vinci, La Vénus d’Urbain, pas que des nus- contrairement à sa réputation- et pas encore  Garouste, dommage, on n’apprend jamais assez tôt son Garouste).

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Didier JOUAULT pour YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, Episode TRENTE QUATRE : Silvia n’est pas venue à Sylvanès, 1 sur 4 , première partie, début. A suivre : le vendredi 10 mai ( oui ! ), rupture des habitudes, on vous l’avait dit, mais calendrier contraint : congés, jours fériés…respect des travailleurs -et des mémoires ! Sauf si -soudain- par un regard inattenbdu en  » sondage », YDIT changeait les dates de paruition,- pour …souffler, souffler sur ses doigts gourds , à la sortie de l’hiver

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