YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, Episode QUARANTE SEPT, Anonymous project, diapos pour d’immémoriels passages (début, un sur trois ). La mémoire grille ses fibrilles et le regard grandit.

 SOUVENT -oublions les séquences rappel telles les épisodes ONZE ou QUARANTE SIX- les divers textes des « épisodes » (en raison de leur diversité apparente, peut-être?) semblent convier à enjamber des ellipses, combler des ruptures thématiques.

Cette fois, les séquences suivantes sont lisibles, ordonnées, claires. Elles forment ainsi une transition possible. C’est pourquoi j’ai organisé la publication ( programmée) des posts en fonction de cette « reprise », à la fin de l’été, pour continuer la mise en public du fatras nommé « Lettre de A., version B. » tel ( ou à peu près tel) que me l’a fait parvenir , après sa disparition, Y.d’I, dit YDIT, le Didi d’ici, mon ex-directeur, disparu.

Mais, si j’écris retrouver dans ces deux séquences les thèmes anciens de la mémoire, de l’érotisme, du meurtre et du suicide, ne risqué-je pas de trop déborder de ma fonction de simple assistante ?

TEXTE de YDIT, sur des feuillets de carnet Moleskine, détachés, numérotés…

Peut-être le galeriste, par cet accrochage, voulait-il accréditer une idée de peintre : une image dit sa propre vérité.

Comme souvent à Paris, le bâtiment n’est pas immédiatement visible depuis la rue, ni reconnaissable comme lieu de l’art. Mais Ydit l’a repéré par un article de revue d’art.

Art : on peut admettre le mot, une production spécifique. Artiste : impossible à utiliser, le mot renvoie à une essence, comme noble. Peintre, musicien, hacker, écrivain ( pour certains) , oui.

Dans la galerie, le mot artiste, souvent, mais on peut fermer les yeux. Afin de rester à hauteur de simple humanité.

En apparence,  le passage est une impasse– et comme toujours, derrière l’apparent obstacle, une richesse un peu secrète se révèle à qui fait un pas pour lever un voile. Une richesse derrière chaque voile . Dans ce quartier de Paris, Marais-Bastille, ce sont d’anciennes cours d’atelier, peut-être d’ébénistes, plutôt de verriers, ou de maroquiniers, naguère probablement juifs dans ce quartier, qui fut toujours populaire, de temps en temps vraiment révolutionnaire, souvent révolté par des mots. Quartier de Juifs, surtout depuis l’Europe centrale et le dix-neuvième siècle, on a écrit la-dessus, les Juifs qui fuient les progroms, des personnes écrites ailleurs et même détournées comme comparses, les héritiers, Marko ( qui ne vient pas d’Europe) Cécile ou Serge, ( cf. « Le jardin de Giorgio Bassani« , Saison 3 de YDIT Blog )

Affiché à l’entrée,  un plan expose des cabinets des soins (kinésie,  podologue, médecin acupuncteur, accompagnatrice de bien vivre en nature et en soi), des sociétés de micro-production pour des films financés par des institutions et des mécènes, un studio d’art photographique (mais ignore quelles photos ), une officine de scénographie, un espace pluriel où se trouve la rédaction de la revue et la galerie d’art contemporain où YDIT va entrer. De tout cela, ils auraient fait du texte à relire, Balzac, Zola, Céline, Pérec ( pas Proust : quartier populaire trop éloigné de son monde).

La galerie est un polygone de béton crème que couvre un toit de fausses tuiles provençales, dans une étonnante (ou provocatrice) absence d’architecture.

Long bâtiment de briques peintes en blanc et de vitres encadrées de ferronnerie noire, très typique des espaces professionnels 19e, devenus artisanaux au cours du 20e, puis maintenant dédiés entièrement à diverses métamorphoses de production artistiques. On peut ainsi lire l’histoire mentale de Paris, mais encore davantage son histoire sociale, l’effacement du monde ouvrier – qui avait encore été celui de la famille YDIT, naguère. Solidarité des pauvres entre eux, mais surtout ce qui ne s’apprend ni ne se transmet : le sentiment partagé de l’existence petite. Dans un coin, mué en placard à balai, le cagibi des toilettes à la turque, si froides aux fesses ouvrières, l’hiver.

Ici, tout est symbole, dit-on parfois dans les réunions avec les Frères. En ce roman-images, de même : la galerie d’art contemporain est l’image inversée ( dans la chambre photographique menteuse de toute mémoire) d’un appartement glacial, pauvre et pas sordide, toilettes sur le palier, immeuble désormais inaccessible à la comparaison Réel/Souvenir, car détruit pour vétusté en 1980.

Un jour, bientôt (ou pour commencer la troisième année), un mercredi après-midi sans doute , YDIT vous conduira depuis l’appartement sinistre de la famille, Porte des Lilas, jusqu’au Deux pièces tiède et confortable ( médiocre au regard rétrospectif, mais enviable alors ) de la rue Dupetit-Thouars. ON y est déjà venus, vous vous souvenez ? On y retournera.

Mais c’est trop tôt : les détectives bravaches et pas sages, BOB et MORANE, progressent si lentement dans l’enquête surnommé « La Chasse au Parrain ».

Dans les bureaux et la galerie – vitres à mi-corps, métal brossé- , d’hospitalières jeunes femmes sautillantes et guillerettes proposent largement plus que le service minimum d’un accueil habituel : sourire couleur yeux bleus ; document glacé mais chaleureux; geste de visage qui se voudrait un peu Madone après le confessionnal (mais certainement pas Vénus d’Urbain !). peut apercevoir des mèches relevées d’une main certaine de son effet sur le visiteur septuagénaire, surtout le geste qui allume le buste lorqu’elle – l’une ou l’autre- se redresse pour l’accueil, quittant la tablette. Pour peu qu’on soit venu avec assez d’argent ( la famille YDIT n’en avait pas, et l’on ignorait les galeries, sauf sur la 4CV de Marcel Malbée, dit MM, Die Pate, un jour de déménagement de Frere), passé le moment de visite, tout est propice à l’achat, et d’abord le commentaire habile de la jeune assistante, gestes précis, langue précieuse, yeux de vendeuse savoureuse – presque savante aussi(*). . Septante et davantage étant venus, on est dans ces lieux pour regarder puis acheter. Quand la plus blonde se penche, elle est aussi la plus jeune, l’échancrure joliment déboutonnée ouvre la visite par une ronde peau bruine que limite à peine une dentelle framboise de chez Princesse Tam-tam. Quelle Phrase, dirait MORANE.

Inutile de faire tant de bruit, le tambour de l’acheteur résonne déjà.

YDIT se demande s’il ne  va pas prendre la fuite : trop peu d’efforts sur le bâti et tant d’insistance sur le charnel, voilà qui sent un peu la fragile esbroufe parisienne. FRED, en ce temps, n’est pas ici : sur les passages vertige et chair, sans doute aurait-elle imité le sourire désapprobateur d’une chatte qui voit la souris coincée pour son mauvais choix de chemin. FRED, incomparable observatrice à mots de tendresse.

Ainsi que toujours, mélange du désir et du vendable. Dans les galeries. Souvent aux comptoirs des bistrots, pareil : trop cher pour ce qu’on déguste. La pauvreté de jadis, toujours, allume dans la conscience le signal de l’arnaque, et chez les pauvres, même quand on ne l’est plus, on craint sans cesse de se faire avoir dans la relation du commerce. Ydit, au début, voyait le même signal d’alerte s’allumer de clartés vives et rouges, pour beaucoup d’échanges où le désir exprimé par une autre- si séduisante fût elle- lui semblait une arnaque dans la relation du commerce- amoureux ou proposé tel quel.

Reste d’une histoire de cordon de pyjama, dénoué en échange de rien– sauf si le passage hâtif d’une jouissance de petit garçon n’est pas rien ?

Pour cette exposition le cartouche -presque bavard- de Lee SHULMAN tente une explication, usant de mots qui annoncent et dénoncent l’image :

– « J’ai voulu présenter les images qui explorent non seulement une mémoire collective mais aussi une conscience collective ; les notions de bien et de mal de vice et de vertu. Fondamentalement ce qui fait de nous des êtres humains ».

« non seulement », » fondamentalement », répétition de « collective », l’auteur est un rustre et le traducteur mal payé (peut être l’une de ces multiples jeunes femmes des galeries d’art, dont on se demande à chaque visite comment elles peuvent être si nombreuses et qui assure leur salaire ? Garantit leur sourire? Commande le redressement du buste à l’arrivée du visiteur ? Choisit le dernier bouton à déboutonner?)

Mais l’émotion est à l’intérieur, derrière le toc de l’apparence et du désir. YDIT a eu raison de ne pas fuir.

Le carton-autre raison de s’enfuir dans son arrogante vacuité- est  démenti par la réalité légère et l’émouvante oppression de l’exposition.

Ce que regarde maintenant YDIT : de grands formats constitués (recomposés) de très petites diapos – carton, film – juxtaposées au sein d’un cadre de fortes dimensions. Dizaines, centaine,  de mini-cadres dans le cadre. Les origines et les sujets sont identiques, d’un mur à l’autre. Scènes familières de jours ordinaires- si l’on admet que les diners de famille, les barbecues de jardin ou les rires de noel sont ordinaires.

Comme dans la vie, comme dans la nuit, les images sont regroupées par les harmonies de couleur, malicieusement : plutôt jaune ; plutôt bleu ; plutôt rouge. Diapo : instantané, comme le souvenir jamais réellement reproduit à l’identique, diapo souvenir, rien que de légers souvenirs, des mémoires gravissant la gravité, des moments de tendresse simplement vivante, des reflets  d’heures simples vécues. Les scènes proviennent surtout des USA, 50 ans au moins plus tôt, ou de lieux de vacances pour Américains privilégiés.  Elles ont été prises par des gens simples,  et sur les images ( on doit s’approcher )  ceux qu’YDIT observe ce sont aussi des gens dont la simplicité semble parfois ressembler à une forme de trivialité un peu sotte, dans l’habituel regard très arrogant propre au Parisien amateur de galeries. Mais c’est plutôt une forme d’authenticité sans trucage par le photographe, même si- cela va de soi – souvent le modèle pose…Mais il ou elle (souvent Elle) pose pour un semblable, son frère, un ami. Les images proposent également cela : dans la vie tout le monde tout le temps pose, la différence du « produit » est une question de talent du modèle. Souvent, ici, Elle.

Les milliers de photos n’ont été prises que pour la famille, pour  le moment de la photo, donc pour rien de grave ( sauf quelques enterrements). YDIT ne déchiffre aucune  volonté d’héritage, de transmission. On est là, clique, c’est bien, clique, rayon de soleil, clique, verre glacé tendu, clique, T Bone à la braise, clique, baignade de printemps, clique, table de noël, clique, visite chez les oncles, anniversaire de mamie, qui ne sait rien de rien, puis  plus rien (justement) dans la bobine, toc.

Ce n’est pas de sa faute si un cosy rappelle la rue Dupetit-Thouars, quartier du temple, et les livres de Marcel Malbée, dit M.M. dit Le Parrain, dans le cosy, sur Les templiers.

On chercherait en vain des Parrains aux genoux ornés de gamins frais, ou des pendus du petit matin. On se souvient tout de même, à l’âge de YDIT, Septante largement passés, des soirées diapos à gémir de rire ou de détresse. Heureusement, la famille ne maniait pas les diapos : rien à regarder sur les genoux de Marcel Malbée, dit MM, Die Pate.

Ektachrome anciens, Ektachromes présents, développés avec la main sûre et le talent ému de l’amateur expert. Quelques gros plans, femme au cigare jouant sa Maryline épatée, (position aguicheuse des jambes sous la jupe courte); tirage rigolant avec le contexte (pour chaque Américain de l’époque le symbole Marilyn joint au cigare contournait les tentatives de censure).

Les rapprochements pourraient avoir été involontaires au moment de la photo, mais  « l’artiste compositeur » qui a réuni ces images ne peut ignorer la note un peu chaude de cet érotisme à peine voilé. En tout cas, l’arrière-fond traditionnel est celui d’une existence américaine middle classe du siècle précédent : au fond de la galerie, devant un mur évidemment blanc, des téléviseurs anciens ont été montés comme pour former une croix chrétienne (décalage : dans le Paris de 2022, ni croix ni téléviseur ne sont encore porteurs de sens contemporain). Chaque appareil de télévision comporte une image comportant un téléviseur, pour une mise en abyme un peu simpliste. Cependant,  l’émotion de ce « jamais vu et pourtant là » résorbe toutes les réticences, efface toutes les réserves : ici la mémoire grille ses fibrilles et le regard grandit à la taille de cet univers.

Familial. Bienheureux. Festif. Partagé. Transparent. Tout de belle surface brillante. Hypocrite. Familial.

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(*) : photo Alain Giami

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YDIT-BLOG , Nouvelle Saison, Saison IV, RETOUR d’été, après l’année UNE, Episode QUARANTE-SIX : Non, je ne fais que jouer avec WordPress. Encore…


==> RETOUR AU ROMAN-IMAGES , tel que programmé en 2023

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Note de Madame Frédérique :

Episode QUARANTE SIX, Retour d’été, alpages ou canotage ? De toute façon : UN AN après les posts initiaux de cette série, et le roman-images reprend sa course en montagne, son erre de marée montante. Reprendre : dire et continuer, comme après l’entracte, mais les voix ne sont pas fatiguées. La Chasse au Parrain n’a pas cessé. La recherche de la Lumière non plus. Marcel Malbée for ever.Le démembrer- surtout dé-membrer ! . Tout à fait parfaitement très bonne perspective.

Ils sont dans la rue du collège, à Montpellier, retour d’expositions. C’est le plein chaud du midi en été, mais à présent ils sont dans le soir paisible de la marche commune. Tout près, les enfants et un grand’père attendent. Complétant une parole, MARKO dit : mais toi, tu es un écrivain.

Une autre fois, ils sont assis sept autour de la table, dîner dit de travail. Sur le balcon, les plantes fléchissent sous un faux-semblant de neige parisienne. Pas loin, sur la table du salon, patientent les dossiers. Provoquant un silence, CATHERINE dit : Mais on ne sait pas assez que tu es un écrivain….

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Didier JOUAULT, pour YDIT-BLOG , Nouvelle Saison, Saison IV , RETOUR d’été, après l’année UNE, Episode QUARANTE-SIX : Non, je ne fais que jouer avec WordPress. ( intermède léger après la première année de presque soixante posts, dont quarante- cinq épisodes heddomadaires) Retour au Roman-Images : dans six jours, le rapport de BOB et MORANE, sur Le Père. Qui n’esxt pas le pire. Mais qu’est le pire?.. Aujourd’ui est une journée un peu particulière. 22 aout.Tout cela ne nous rajeunit pas , non ?

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YDIT-BLOG, Nouvelle Saison, Saison 4, Episode QUARANTE-CINQ : On dirait comme un bruiiiiit de plumes, Vladimir !!

Note de Madame Frédérique :

Le passage suivant est une simple photocopie, presque faite sur un mauvais appareil de boutique « Colis Relay », tenue par un Pakistanais, principal avantage : ouverture de 6h à 1h. Mais on ne voit pas quelle urgence exigea (peut-être) ce déplacement, sauf la nécessité d’emplir le temps qui précède le sommeil, jamais prompt à venir ? On a lu des passages sur le sujet : MEUNIER DOC. s’en gaussait, du gravissement du sommeil. YDIT ne signale pas de référence bibliographique pour cette longue citation, contrairement à ses usages respectueux, mais on reconnaît le « bon vieux Samuel  » de BOB et MORANE, les Détectives -Ravages, pour cette fois en manque de didascalies?..

ESTRAGON.

  En attendant, essayons de converser pour nous exalter, puisque nous sommes incapables de nous taire.

 VLADIMIR.

C’est vrai, nous sommes intarissables.

 ESTRAGON.

C’est pour ne pas penser.

 VLADIMIR.

 Nous avons des excuses.

 ESTRAGON.

C’est pour ne pas entendre.

 VLADIMIR.

 Nous avons nos raisons.

 ESTRAGON.

 Toutes les voix mortes.

VLADIMIR.

Ça fait un bruit d’ailes.

ESTRAGON.

De feuilles.

Silence.

VLADIMIR.

 Elles parlent toutes en même temps.

ESTRAGON.

Chacune à part soi.

Silence.

VLADIMIR.

 Plutôt elles chuchotent.

 ESTRAGON.

Elles murmurent.

VLADIMIR.

Elles bruissent.

ESTRAGON.

Elles murmurent.

Silence.

VLADIMIR.

 Que disent-elles?

 ESTRAGON.

Elles parlent de leur vie.

VLADIMIR.

Il ne leur suffit pas d’avoir vécu.

 ESTRAGON.

Il faut qu’elles en parlent.

 VLADIMIR.

 Il ne leur suffit pas d’être mortes.

ESTRAGON.

Ce n’est pas assez.

Silence.

 VLADIMIR.

 Ca fait comme un bruit de plumes.

ESTRAGON.

De feuilles.

VLADIMIR.

De cendres.

ESTRAGON.

De feuilles.

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Didier JOUAULT, pour « YDIT BLOG », Nouvelle Saison, saison 4, Episode QUARANTE-CINQ , on dirait comme un bruiiiiit de plumes, Vladimir !

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