YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, EPISODE SOIXANTE Rapport de Bob et Morane le frère 4 sur 5 : le pianiste jouait debout dans son kimono sombre.

François-Dominique, le Frère le nommait Frado, un peu comme Pélerin en d’autres langues, Francisco, Frater, et Dominique, espaces des vocables religieux, on aurait pu se croire ( déjà ! ) dans le cloître si humide, abbaye de Sylvanès, l’abbaye et son lieu préservé de « Les Granges« , où ne pénétraient que de pénétrants impétrants, suaves initiés aux secrets de la musique baroque, des concerts intimes, du choeur des Garçons ( voir ci-avant, « SYLVANES », Saison IV, épisodes 31 à 33, avril-mai 2024). François-Dominique : un vieil ami aux talents protecteurs.

Le FRERE, Selon le rapport de BOB et MORANE ( mais on sait qu’ils mentent pour atténuer l’indigence de l’enquête), Le FRERE, brutalement réapparaissant, invitait YDIT à l’une de ces fêtes galantes, richements désolées, qu’il se passionnait à mettre en scène, dépensant vite l’argent trop gagné par sa brocante sale, et autres affaires sans doute légales et probablement troubles : lots d’héritage provincial revendus à la découpe après maquillage de vieux meubles rossignols en de belles antiquités bourgeoises.

Ainsi, d’un 31 décembre, dans la maison de l’ile que jouxtait le hangar d’Aladin, entre amis agacés de bon champagne. Ydit, curieux, acceptait l’exceptionnelle invitation.

Concertiste de talent, un peu célèbre à quarante ans, François-Dominique aimerait tant faire apprécier son toucher.

L’appartement, trois pièces à haut plafond et parquet ancien, affirmait la double passion de Satie et des Garçons : photos dans la bibliothèque.

Ydit tient dans sa mémoire, maintenant, les dîners populeux et calmes des soirs de SYLVANES, dans la salle capitulaire, et le pianiste grec joue avec douceur sur le STEINWAY du scriptorium.

Quiconque écrit un roman-images le sait et l’avoue : vrais et faux, il y a des souvenirs qu’on aime, au point de raconter plusieurs fois leur histoire, sous des versions différentes, et d’en effacer les chronologies.

Vieux Mac Allan Ambré, Chablis 1 er cru, Moulin à vent, bavardages, images, nuages : soir chez FRADO.

En arrière-plan de la mémoire sensorielle ( la plus malhonnête de toutes) l’odeur Safran-Hermès d’un jeune reporteur de France-musique venait à rôder, par avance présent sur la toile de fond du récit. A SYLVANES, il écoutait le concert de la diva, le pianiste grec, les mots de YDIT.

Les plans se chevauchent et les histoires s’interpénètrent. Sans le savoir ( car la marée de la mémoire est ici trop profonde) YDIT retrouve les âcres et inopportunes saveurs dérobées aux troubles présences de mains de Marcel Malbée, dit MM, dit le Parrain, Die pate.

François-Dominique : «  Je reviens de suite« . Il apparaît dévétu d’un kimono très sombre et très fleuri. Il joue du piano debout, lentement, quelques accords, et le mouvement du jeu ne découvre pas que les avant-bras. Beau corps de quarante ans.

YDIT avait été invité ( « incité » ont d’abord écrit BOB et MORANE, facétieux à l’accoutumée) à s’approcher, puis s’asseoir « là, n’hésite pas« , sur l’étroite banquette de velours vert à clous d’or. « Je vais te montrer quelques astuces de concertiste« , disait le pianiste, imitant un peu Oscar Peterson ou Joe Zawinul, et servant un alcool fort, ombres de corps dans le temps du mouvement, verre posé au sol, ombres de corps noir et nu, « Ton Frère m’a dit que tu aimais le blues?.. »

Quiconque écrit l’avoue : vrai ou faux, le désir est un compagnon difficile, exigeant et fuyant, pugnace et instable, même incertain parfois de sa cible, et cependant tellement sûr de sa propre existence !

Le jazz et l’armagnac, François-Dominique, l’appartement complice par sa délicatesse cossue, la ténébreuse affaire du désir de l’autre, qu’on perçoit comme un appel ou une injure, un appel pourvu que le monde ce soir se montre… joli à son tour.

Ce soir, Paris IXème, dans le halo si délicat du blues attendri lové dans les pierres d’Haussman, Ydit écoute et boit. Ainsi qu’au moment des adieux à SYLVANES, avec le joli Reporteur de France-Musique, vétu d’un lin bleu et de promesses limpides, près de la voiture dont le chauffeur s’impatiente, piano, ce soir, attendri le soir joli, aussi le possible reste incertain, et l’incertain devient possible.

François-Dominique, vif et plein de grâce virile, laisse glisser le kimono. Il est minuit, ou presque, des Cendrillons tournent en silence pour manigancer les métamorphoses. François-Dominique cesse de jouer, regarde YDIT : « Il fait chaud, ce soir, non ? Tu ne retirerais pas un peu tout ça ? Je peux te prêter un pyjama, si tu préfères?« 

Plus tard, LE FRERE dit qu’il ne comprend pas : François-Dominique aimerait tant revoir YDIT, mais YDIT à tout message ne répond que NON, depuis l’autre soir, dans la musique du Mac Allan Ambré. Ce petit mot, fébrilement seul, depuis ce soir là : NON. Et capable toutefois de se répéter. NON, trois fois NON.

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YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, EPISODE SOIXANTE Rapport Bob et Morane le frère 4 sur 5 : le pianiste jouait debout dans son kimono sombre. A suivre, dans les brumes austères de décembre : Frère, 5/5 Le petit mot NON

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Note de Madame Frédérique

Bien sûr, et je n’aurais pas imaginé notre travail commun autrement, mon ex-patron ne me disait pas tout de lui, sa vie, ses diverses façons d’être ou d’avoir, en dehors de nos échanges quotidiens souvent nombreux, parfois tardifs (Assistante personnelle, beaux aspects, beaux regards sur ce qui se passe vraiment et où, mais aussi gestion délicate du temps, contraintes lourdes. Tout de même pas Céleste Albaret, et d’ailleurs il ne s’agissait pour Y.d’I. que de diriger, pas d’écrire.)

Mais la progression dans mes lectures du volumineux paquet «  Lettre de A. »- et quelques mises au net rendues indispensables par l’état des documents, produisent une indéniable sensation de perplexité. Par exemple, je suppose qu’un éditeur sans doute aurait supprimé le texte qui suit- dont le lien avec la narration paraît assez ténu ( mais- parce que j’ai consulté sa «  Saison II, Le Jardin de Giorgio Bassani »- j’observe que le procédé est constant. Ainsi, dans « Le Jardin… » assiste-t-on au siège de la ville de Malte par les Ottomans, ou suit-on le story-board d’un film américain qui raconte l’opiniâtreté d’une espionne de la CIA, finissant par la mort de Ben Laden ( le titre m’échappe)(Mme F .)

Le récit de la petite boite en bois avec balle , histoire trouble de famille, la mort de l’avant père, partie une sur trois

La nostalgie redevient ce qu’elle a  toujours été : une route escarpée au fond du Nord des Highlands ; un chemin de terre quelque part dans le désert du Wadi Rum, la Vallée de la Lune ; une piste à peine tracée entre Oslo et Bergen (il faut se saisir de la main courante en chaîne un peu rouillée et surtout ne pas regarder le ravin du fjord, 103 mètres en contrebas) ; ou bien c’est aussi la terrasse d’un petit café parisien, un troquet banal : « le Royal Cadet », avec un Chablis frais, assiette de charcuterie (surtout auvergnate) à 14 euros, vin et café compris, on dépasse très largement les 20€.

L’addition fait penser à des cerises trop mûres au faîte de l’arbre; à l’arrosage nocturne des rosiers en train de complètement ravager la terrasse de vieilles pierres à Dolus-le-Sec; ou encore à la lecture de « La Fontaine obscure » de l’oublié Raymond Jean,  dans le soleil intermittent de Central Park un jour de juin ; ou même un café au lit pour la sieste  pour une accumulation de peaux douces et de plis tendres. Tout cela :  une sorte d’histoire racontée en plein milieu d’une histoire inachevée, ou encore une station-service apparaissant sortie d’un tableau un peu simpliste de ce peintre américain apprécié tellement des Français, la station apparaît dans une partie comme annexe du tableau, des personnes parlent au bar, c’est la nuit, c’est le très tard dans la nuit, les caves de la station probablement sont vides, les verres sont vides, les bouteilles sont vides, mais on va fêter l’anniversaire des enfants, la nostalgie c’est toujours ça : le reflet lointain du soleil sur un casque guerrier trop tôt déposé (et on peut rêver que Astyanax n’aurait plus peur, Sisyphe heureux), la saveur dépassée d’une cuisine dont les recettes seraient perdues, encore cela c’est toujours là nostalgie : des portes ouvertes, et jamais cependant on n’a franchi le dernier seuil.

Aurait-on dû ? Aurait-on pu ? Se glisser comme un jeune chat, curieux et furieux, pour se sauver sur le palier de la rue Dupetit-Thouars, appartement au premier étage droite, le chat prend la fuite dès que Marcel Malbée, dit MM, dépasse le seuil pour aller au PMU, retrouver ses camarades de zinc, et croiser – une fois au moins- le souvenir de YDIT ( et le fantasme de correction violente, bagarre, pieds dans la figure, formé par YDIT ?). La nostalgie ça ressemble beaucoup à la liste des livres qu’on devrait avoir lus, déjà on les aime, et pourtant on ne les connaît pas encore, mais on a lu tant d’autres œuvres du même auteur. On aimerait enfin découvrir les carnets intimes de Marcel Malbée,

lire ce qu’écrivait sur lui-même Le Parrain, ce qu’il racontait sur les soirs de gamin, la couleur des pyjamas, la température idéale pour suggérer qu’il fait un peu trop chaud, non ? Racontait-il en détail ce qui avait eu lieu et comment, tel Hugo, à l’aide maligne de codes complexes, et tantôt si lisibles risibles – qui (après déchiffrage) font rougir les conservateurs du département manuscrits du musée HUGO? Le poète ne répugnait ni à boire à toutes les sources, et à l’écrire, ni à fréquenter tous les plis, et à l’écrire- en codant chacune de ses rencontres ( le code de celle avec Louise Michel, notée dans le journal, est encore indéchiffré, on ignore ce qui a eu lieu – elle lui avait écrit des dizaines de lettres amoureuses à cet aîné de trente ans, qui tente de la sauver après la Commune -en vain).

Marchant dans Verdun désert et illuminé, c’est la nuit descendue au soir d’un séminaire début juin, on va bientôt rencontrer un légionnaire improbable, ou peut-être vient-on de le quitter,  maintenant on rentre doucement vers l’hôtel, au fond c’est la même chose, peu importe la rigueur temporelle dans une chronologie qui de toute façon s’écarte  complètement du réel, parce que le réel n’est pas chronologique, il est méli-mélo de temps catapultés les uns sur ou vers les autres.  Bref marchant dans Verdun désert mais illuminé, YDIT  s’arrête au pied de cette effrayante et très écrasante statue de la victoire , comme s’il y avait des victoires à célébrer quand on a payé si violemment  la mort-surtout celles des autres.

Les projecteurs, depuis le bas de la rue, qui est en réalité une volée symbolique de marches  montant vers la victoire, les faisceaux de lumière peignent le décor aux couleurs bleu-blanc-rouge qui maquillent encore tant d’années plus tard la couleur unique des douleurs toujours la même, la couleur blanche de la mort, la couleur qui rythme toutes les douleurs…

Thérèse François, la mère de YDIT, son

non pas la « grande », mais la honteuse, celle de juin 40. Mari n°1 avait été tué par surprise, en mai  ou en juin 40, par surprise vraiment – pas encore l’affreuse  » divine surprise » du minable Mauras, la surprise de la guerre, car plus personne n’y croyait, plus personne ne pensait qu’on allait se battre dans une vraie guerre, et les «  Collégiens » de Ray Ventura chantaient que tout allait très bien Madame la Marquise, qu’on allait pendre notre linge sur la ligne Siegfried… un peu ainsi que FRED engagea les détective si ravage, BOB et MORANE, pour commencer la Chasse à Marcel Malbée, sans imaginer que tout le monde ( les détectives, YDIT, le public, les filles dans les trains, Garouste sur ses toiles) tout le monde allait peu à peu prendre au sérieux cette chasse au rien, au mort, au passé, au cordon blanc de pyjama bleu, t’as pas trop chaud ?

La mère, Thérèse François, dans un murmure que laissaient à peine passer les dents serrées de vieille née vieille, répétait de temps en temps, si l’occasion se présentait ( et les «  évènements d‘Algérie » formaient l’opportunité) : « On les a envoyés ces hommes-là se battre sans cartouche, sans équipement, avec des chefs incapables, sans rien, sans rien qui aurait été préparé, on les a laissés partir à l’abattoir et mon mari n’est jamais revenu ».

Quand elle prononçait ON, les extrêmement rares fois où elle évoquait cela en une phrase moins longue qu’une respiration, Thérèse FRANCOIS accusait sans équivoque « Ceux-là   du Front populaire, ceux-là qui étaient payés  leur grade -bien qu’ils soient restés  planqués » comme elle disait. Elle ne disait pas mais on entendait aussi bien nettement : Juifs, Francs-Maçons, communistes. Tout ça pareil, en somme. Engeance.

YDIT, avec ses dix ans,  – premières fois de Marcel Malbée? ou un peu plus tard ? Ydit percevait bien, à travers d’autres échos tout aussi rares, quelques allusions souvent retenues (quatre mots suffisaient) comprenait bien qu’elle n’avait probablement pas été insensible à l’appel du « Maréchal nous voilà ». Choisir juillet plutôt que juin,toute une violence secrète.

Dans cette famille YDIT, pauvre conglomérat de vies médiocres, le discours politique n’avait jamais été explicite. Sauf une fois ou deux peut-être autour de l’aventure Gaullienne des débuts. On se contentait d’allusions imprécises mais qui -dans leur tonalité- permettaient d’identifier sinon des convictions, au moins des postures. La mère François n’avait sans doute pas considéré que la Résistance avait été un bienfait, – « surtout des attaques de maquisards sur les bureaux de poste pour se remplir les poches »- Et le père, absent avec talent sur tout et pour tout- ne se souvenait  vaguement des affiches de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne que lorsqu’il s’agissait de se porter volontaire pour tenir la buvette lors de la fête de la paroisse ( une fois, la famille avait même invité à déjeuner le Père Martin après la messe du dimanche).

Quant au reste de l’Histoire,  globalement depuis la Libération, chacun se débrouillait comme il pouvait avec ses silences et de brèves salves de reproches, mais sans agir -à une exception près ( l’aide furtive apportée à un Algérien le jour d’une grande rafle criminelle, années 60, vie peut être sauvée ainsi ?), épisode que YDIT racontera peut-être, mais aura-t-il le temps, alors le récit germine de façon excessive, compulsive, insomniaque ?

Et qu’attend, au coin de son armoire, cette petite boite en bois avec balle.

Sur la, guerre et la mort de mari n°1, ceci à décrire, d’abord.

DONC, RECIT : Un après-midi, dans la chambre dite des adultes du vieil appartement porte des Lilas (Chambre des adultes, soit, mais dans l’autre chambre, pour des temps et des temps, le père-très peu présent-dormait seul au milieu du grand lit, tandis que YDIT partagerait, des années durant, le lit plus étroit de la mère, puis le grand lit avait été celui du Grand Frère, avec entre autres Jacky-jolies-fesses, allant chercher nu un verre d’eau à l’évier, ceci sont encore d’ autres histoires) …

…dans la chambre il y avait une ancienne armoire, massive et brune, d’origine aussi imprécise que sa facture-mais dans cette maison-là la notion de facture n’avait pas de sens, les pauvres paient en liquide, ou bien ne peuvent pas payer. L’armoire, ça ressemblait à ce que les décorateurs installent dans le second plan des films ou des séries, pour imposer à bas prix l’idée d’ancien et de profondeur, d’épaisseur du temps. Mais dans l’appartement quasi-insalubre de cette famille, rien n’était profond, hormis le silence,- et probablement ( on aime ce mot qui désigne avec lourdeur tant d’incertitudes : probablement) était-ce un jour sans classe, qui redoublait ainsi le silence, (et ainsi apprend-on que se parler à soi-même calme de tout silence, répare tout absence, et aussi que la façon la plus silencieuse, la plus économe, de se parler à soi-même est l’écriture).

A présent, YDIT ne sait plus ce qu’il cherchait ce jour là, ou même s’il cherchait quelque chose. Chez les voisions Chavanon ( elle, fonctionnaire des postes, presque l’aisance) son ami de classe, André- l’avait un jour fait monter sur une chaise dans la chambre des parents chez lui : au-dessus de l’armoire, cachés par la corniche, deux ou trois exemplaires d’une revue de nus et textes plutôt sages, « Lui » « Paris-Hollywood ? »,

André – dix ou douze ans ignorait pourquoi les parents cachaient cela. Mais ce jour là, cvelui de la petite boite en bois,et du premier mari de la mère, YDIT ne cherchait rien.

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Note de Madame Frédérique :

Note de Madame Frédérique :

…. Horreur et stupeur, désir de laisser les autres textes sans desceller quelques enveloppes encore au fond de la pile, réservées là car portant une mention : « confidentiel »….

Il est arrivé, en outre, que lors d’une discussion brève et sans suite, YDIT exprimât son inquiétude : relever la barrière de l’indicible pour laisser passer la «  LETTRE DE A. », version B, c’était une bravade -du courage ?- une tentative ( tentation ?) de parvenir en ce point de la voie où s’allègent  les besaces des promeneurs de la vie sans mémoire. Mais aussi, mais autant, le risque de percevoir l’apparition, dans le regard des autres, d’un mélange de compassion un peu dégoutée  avec une interrogation un peu déboutée ?

Bob et Morane, les impavides stipendiés ( on aime ce mot, si désuet! ) ont  poursuivi, sinon des chimères (mettre la main sur Marcel Malbée, l’empanouillarder sans réserve, l’abandonnasser couvert d’opprobe et de stupéfaction et de goudron vert au milieu du square du Temple, à l’heure précise de la sortie des jeunes filles sans tache de l’Institution voisine : « Chez Mado -la-Nantaise »), poursuivi sans re-signer ni rechigner au moins l’œuvre assez noire pour laquelle ils sont ( grassement, FRED le voulait ainsi ) rémunérés, rétribués, respectés par les confrères en détectivade hard et sage : en finir avec le jugement de Malbée, Marcel.

LETTRE de A, Version B

YDIT LE SAVAIT : parmi le nombre important d’épisodes où le clavier s’ébroue et bruisse  directement sur les récits de Marcel Malbée, deux thèmes allaient franchir la ligne, et depuis la terre crue libre revenir d’un pas noir en zone occupée. Occupée de quoi ? Occupée de mémoires vides, de films brulés par l’acétone, de vieilles boites jaunes à moitié emplies de diapos racornies ? Occupée, avant tout, par l’inépuisable bestiole qui rampe et griffe, la culpabilité. Ici, dans les récits autour du père et de grand frère, la densité atteint la pointe sur l’échelle du pesant présent. Ici, mille et mille fois qu’en d’autres lieux ou temps, il aurait fallu dire aussitôt NON.

Rapport 2 de MORANE et BOB : Grand Frère (jouait du piano partout )

(Chap.3 sur 5 )

Ainsi que la vie et malgé le tant du temps, Septante et davantage étant de mieux en mieux venus, le rapport continue( voir épisoides Cinquante-trois et cinquante-cinq) : Grand Frère tient en même temps des miettes de récit et des croutes de souvenir.

-« Papa et parrain Marcel, vivre à trois avec leur viel ami plutôt généreux et un peu fatigué, sans doute ça allait, auparavant, mais le vieux étant mort, va savoir pourquoi ou comment, la situation ne ressemblait plus à rien : ils ne voulaient pas rester eux deux ensemble,- mot plutôt ridicule, genre complet veston pour monsieur, ensemble pour dame, ça n’avait jamais été leur forme lien à eux deux, l’idée de cette idée ne leur avait jamais été venu à l’idée, l’idée d’habiter ensemble, ou encore moins de chercher un nouvel abri sous les bras aimants d’un nouvel ami, sans alibi.

Et alors ils n’ont pas su que faire, ces deux là. »

Le repas se terminait, dans la bonne table de l’Ile de Paris, Grand Frère ( qui gagnait beaucou)p d’argent) avait attendu que la narration tout entière jusque là secrète surgisse dans le flot du langage, entr’e deux verres de Cheval Blanc, baleine blanche aux écumes noires. ( FRED assure n’avoir pas contribué à une réécriture du rapport de Bob et Morane, Madame Frédérique n’aurait osé, mais le surgissement dans le flot du langage, ou la baleine blanche introduisent un doute sur qui écrit quoi, au fait ?).

Bien que formé à la lecture de sous textes, (jargon d’époque) YDIT, à table, devant le vin rouge, a besoin de plusieurs minutes pour renouer la chaîne temporelle, Père/Parrain… Les chiens qui ne font pas de chats, Frère/ Jacky, du temps pour gravir dans l’effort les échelons, collants et rouillés comme des barreaux qui remonteraient du puits d’eaux usées, dans un bunker oublié par tous les débarquements, un joli cube gris-vert, obsolète et fendu, mais qui résiste sur son arpent de plage normande, qui résiste à ce qui remonte de la faille sulfureuse, ça sentirait le vieil « Occupant », les grenades moisies, les douilles démantibulées, la mémoire s’oxyde plus vite que le cuivre des balles traçantes qu’utilise ce soir Grand Frère, dans cette fin de repas inattendue, dans l’île, dans Paris, dans le temps. Dans le film, on déniaise le garçon Ydit, le N et B gicle sur les murs de ce couloir blindé que d’autres nomment déni, que nenni, mon petit. Trop tard : c’est dit, YDIT.

Père/Parrain/le Vieux/Ensemble. Ils n’ont su que faire ?

Du temps aussi pour dénouer les labyrinthes sémantiques, jusqu’à cette fameuse phrase de la Porte des Lilas, prononcée jadis par The Mother, quand on rentrait de la piscine et qu’on apercevait le père bavardant de tout près avec un homme : « Les chiens ne font pas des chats ».

Trop cousu, bien que mal brodé, le récit de Grand Frère livre en vrac, d’estoc et de taille, un excès de stupeur, de significations, de malaises. Qu’il demande si on veut une Poire ou un Armagnac ne peut qu’aggraver le sentiment d’inquiétante étrangeté.

Tout comme dans un roman, roman-images, il en reste sans mot. D’ailleurs, son boulet creux tiré du canon, Grand Frère maintenant est pressé, siffle la Poire, écrase la Pall Mall, règle l’addition sans regarder, salue à peine, sort sans peine et sans regarder. Isolé intranquille son verre de moulin-à-vent au milieu de la main, Ydit s’aperçoit qu’il n’a rien demandé. Un récit, c’est pour créer la question, surtout. Cette fois, non : jamais on n’en saura davantage. Car ensuite, ces deux-là ne se recontrent plus, et ensuite Frère meurt de ses Jacky, de leur Mauvais Sang qu’il a pris en lui, jeune il meurt, sans parler. D’ailleurs, tout ceci n’est peut-etre qu’une fiction, un dîner de fantômes, une scène de genre, mauvais genre. YDIT un temps l’espéra. Mais un notaire, quand vint le jour de refuser l’héritage ( Frère dans sa maladie longue avait lentement tout perdu), confirma.

Le Rapport de Bob et Morane (on les imagine tapis en cuisine munis de matériels dignes du  » Bureau des Légendes ») précise à son tour que, ensuite que Grand Frère et Ydit n’auront plus qu’une seule autre rencontre, avant que la lente dissolution du sida bientôt retire à Grand Frère toute forme d’existence et de parole.

D’essence et de mémoire. De monde, de volonté, de représentation. Mais il n’y a pas de trace ni de souvenir de cette rencontre-là. Rien que le notaire. BOB et MORANE peu-être se trompent-ils ? Effet de leurs passages au bar, et du menetou-salon?

Cet ainsi que les hommes se taisent. Il n’y a que des historiens pour tirer des mots des morts. Mais ceci n’est pas une Histoire, c’est un roman-image. Rien de plus.

Le peu de parole qui reste n’attend pas le commentaire. En illustration de chiens qui ne font pas des chats, Bob et Morane ( guillerets), facétieux : on les connaît, et l’on connaît l’humour de leur maître, le Vieux Samuel ) les Détectives ont agrafé des images du père dépenaillé, ardue silhouette au regard ardent, qui parle de très près à un homme plus jeune, qui a commerce avec un homme plus jeune. Mais on ne saura jamais rien de plus de leur grande complicité, à père et Marcel Malbée dit MM dit le Parrain, Die Pate, des mots qu’ils ne prononçaient plus sans doute, dans les fin d’après-midi de dimanche, des années plus tard, dans la  » vie de famille », quand ils raccompagnaient ensemble, et Ydit  avec eux, jusque vers sa maison de retraite, la grand-mère- cette même grand-mère là qui elle aussi savait.

Autant de savoirs qu’YDIT aurait aimé tenir entre ses doigts comme des papillons éteints, tenir au creux de la main comme une boule de neige chargée d’une Pierre, bousculer entre ses lèvres comme une Madeleine trempée de tisane, autant de paragraphes du Rapport de Morane et Bob dont la lecture aurait  éclairé son secret, sa boule interne pour toujours digérée sans mâcher :

Interrogation cardinales, et cependant non cruciales, parce que privées désormais du moindre intérêt pratique : aucune rétroaction possible sur les descentes de pyjama, qui-ainsi que les torrents en kayak-ne se remontent jamais.


Didier JOUAULT pour YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, EPISODE CINQUANTE HUIT Rapport Bob et Morane le frère 3 sur 4 : les torrents ne se remontent jamais derrière les saumons ?

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YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, EPISODE CINQUANTE-SEPT Rapport Bob et Morane sur le frère 2 sur 5 : Et alors ils n’ont pas su que faire !

Note de Madame Frédérique :

LETTRE de A, Version B

TEXTE de YDIT :

YDIT LE SAVAIT : parmi le nombre important d’épisodes où le clavier s’ébroue et bruisse  directement sur les récits de Marcel Malbée, dit MM, Le Parrain, Die Pate, deux thèmes allaient franchir la ligne interdite, et depuis la terre crue libre revenir d’un pas noir en zone occupée. Occupée de quoi ? Occupée, avant tout, par l’inépuisable bestiole qui rampe et griffe, la culpabilité. Ici, dans les récits autour du père et de grand frère, la densité atteint la pointe sur l’échelle du pesant présent. Ici, mille et mille fois qu’en d’autres lieux ou temps, il aurait fallu dire aussitôt NON, et encore NON, et puis aussi NON.

Rapport 2 : Grand Frère ( jouait du piano partout).

                                                                                    (Chap.2 sur 5)

C’est donc au moins 10 ans et plus qu’il faut attendre pour comprendre l’étrange phrase de la Mère, sur Les chiens qui ne font pas des chats, et la fuite devant l’étonnant duo aperçu Porte de Lilas : Père et un homme, parlant de très près.

Dix ans, ce qui est tout de même long pour une quête surtout sans objet, ou vraiment trop court lorsque l’on préférerait ne jamais savoir qu’une question se posa, ce qui fut l’état d’esprit et le fond de commerce de YDIT, longtemps, avant que le bruit du monde, les paroles des consenteuses, les aveux des abuseurs, les pépiements des journalistes, essayistes, papistes, éditorialistes, contraignissent le personnage de ce ci-présent roman-images, Septante et de plus en plus étant venus, à écouter les obscures voies intérieures d’une mémoire jusque là sans lumière.

Haussant les épaules, mère murmurait, dix  à quinze ans plus tôt, Porte des Lilas, avec un accablement résigné, que parfois une joie non feinte peut redoubler : «  les chiens ne sont pas des chats ». C’était , au sujet de Grand frère, dit avec tendresse, aussi, car son amour pour grand frère, l’amour de Jésus pour les hommes n’est que de la breloque à touristes, de l’ersatz pour amateurs, à côté.

La suite, le sens de la phrase, n’est plus Porte des Lilas. Cela se déroule dans le milieu des années soixante-dix, peut-être quinze ans plus tard ?

Le décor de la pièce ( mauvaise, éclairage du type ‘intime complice’) est un restaurant de l’île Saint-Louis, à public plutôt aisé, donc les goûts et les couleurs en matière de vêtements et de gestes conduisent Ydit à penser que grand frère le fréquente avec ses amis proches, ses Jacky d’alors, multiples en cette saison d’avant le Mauvais Sang, raison pour laquelle peut-être c’est en ce lieu familier qu’il a voulu inviter la famille réduite : son cadet. Grand frère, depuis très longtemps, ils ne se sont pas rencontrés, Ydit et lui, ceux qui suivent ce roman d’images déjà supposent pourquoi, ou s’ils ont lu d’autres épisodes, ils savent. Cependant veut-on jamais savoir ?

Mais on doit répéter.

Avec le temps (qui rien n’arrange) on peut se dire que grand frère a tenu à tenter une sorte de Paix des Frères, sinon des braves : l’occasion précédente avait été une invitation calamiteuse à un anniversaire de trente ans, assez somptueux et baroque, (brocanteur aux puces, fabricant de faux vieux meubles dans un garage de l’île Saint Denis, grand frère gagnait alors beaucoup d’argent).

Le présent dîner, en tête à tête, des années plus tard, autour d’une table un peu chic est un troc assez toc : Concours et babioles diplômantes de Ydit ( modestement vêtu en petit prof) contre salle dite haut de gamme et carte voulue chic, ici et ainsi grand frère fantasme l’équilibre. Il ne perçoit pas que son luxe aussi est faux, et sa démarche mal assurée.

Le vin n’est pas triste, la chair est bonne, les deux Frères ont hérité du père leur goût pour les vins, celui-ci est meilleur que jadis le pinard algérien du Père, cristal engrossé de rouge criard sur sa nappe blanche, on peut écouter, on ne craint pas les ruses imprévues de la finesse : les termes de l’échange sont posés, avant même l’addition.

Sur la suite de ce document ( comme toujours d’origine incertaine et d’authenticité variable selon les heures ), BOB et MORANE ont répété à Fred, remettant le ci-présent-rapport, leurs précautions et le degré d’incertitude qui entache l’indubitabilité du témoignage. En général, un peu. Ici, beaucoup.

En effet ce que raconte grand frère est ceci.

Selon lui (selon ce que Bob et Morane savent de lui grâce à ce que leurs témoins avaient retrenu d’un récit entendu un soir d’anniversaire), selon lui, à l’instant Grand Frère quitte une séquence avec sa psychanalyste. D’un coup, comme un expulsion dans le plaisir mélée du sang de la blessure, Grand Frère vient de laisser revenir au jour du discours, de l’intérieur de son discours, de profondes histoires à propos de Père et de Marcel Malbée, ( personne à l’époque n’avait inventé la glaçante succession, l’agaçante chenille à dessein urticante, pétrifiée par YDIT : Marcel Malbée, dit M.M., dit Le Parrain, Die Pate, ainsi de suite…incantation essentielement utile à voiler, à disperser, à fantômer le cœur de l’émotion).

Grand frère : «  Alors, à l’époque où ils vivaient tous deux ensemble, papa et parrain Marcel, ensemble à La Varenne Saint-Hilaire, ensemble avec ce troisième homme (YDIT n’a pas conservé le nom), ensemble tous les trois oui, eux bien plus jeunes, lui bien plus riche, belle villa de beau quartier bord de Marne,

(le frère progresse avec lenteur dans le taillis de son discours, sur la falaise de la mémoire, piqures et vertiges),

…eux deux parrain Marcel et papa, quand l’homme qui les abritait soudain est mort, il était tout de même pas mal plus âgé, quand il est mort, ils ont dû se retrouver sans bien savoir que faire. Surtout que leur Ami, depuis plusieurs années, ils vivaient avec lui je ne sais pas s’ils se connaissaient avant, leur Ami n’avait rien écrit au sujet de la belle demeure au bord de la Marne, afin probablement de ne pas gêner la famille. C’était vers la fin des années quarante,

on ne disait rien de ces gens là. Je crois, ajoute Grand Frère, que cet homme avait eu un peu de célébrité sur scène, et gardé beaucoup d’argent, mais à l’époque, vivre ainsi avec deux hommes plus jeunes ?.. C’était leur Secret.« 

Dans un rapport tel que l’ont rédigé Morane et Bob, nulle place pour de ces didascalies dont leur vrai maître, le grand Vieux Samuel, usait avec si peu de parcimonie. C’est pourquoi on ne lit pas d’indications telle que : « Grand Frère marque une pause ; on sent comme une émotion dans sa voix et du trouble dans ses yeux. Il propose au cadet de lui remplir son verre, et finit le sien pour y vider aussitôt le fond de la bouteille, Oh les beaux jours! »

Le rapport de BOB et MORANE sur les chiens qui ne font pas des chats, Père et Frère, le rapport continue. Ils ont été payés pour cela, les détectives à ravages, pour continuer, jusqu’à tout savoir afin de savoir que faire. Grand frère : « papa et parrain Marcel, à trois vivant avec leur ami, sans doute ça allait, mais ils ne voulaient pas rester ensemble après, ça n’avait jamais été ça, leur lien à eux deux, ça ne leur avait jamais été venu à l’idée, d’habiter seuls ensemble, ou encore moins de chercher un nouvel abri sous les bras aimants d’un nouvel ami. Leur seul Ami était ce troisième homme, celui des chansons douces dans la radio, et il venait de mourir. Sans rien leur laisser, à ces gens là. »

Et alors ils n’ont pas su que faire.

————————————————————————————————————————————————-YDIT-BLOG, Nouvelle saison, Saison IV, EPISODE CINQUANTE SEPT Rapport Bob et Morane le frère 2 sur 5 : Et alors ils n’ont pas su que faire. Mais qui aurait su? Et quoi ? Et quand? Car c’est toujours trop tard après le premier oubli de dire NON.

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