YDIT-BLOG, Nouvelle Saison, Saison IV, EPISODE SOIXANTE -TROIS Récit de la petite boite en bois avec balle, et de ce qu’on ne saura jamais (trois sur trois) fin.

YDIT se souvient ( l’utilité principale de rédiger à la 3e personne, est  d’éviter ainsi de buter du récit et du pied chaque fois qu’on devrait écrire «  Je me souviens » , de bredouiller, de faire Le Bègue.) YDIT se souvient qu’il avait vérifié avec soin la fermeture de la porte palière, puis celle de la chambre avant de retourner dans la pièce et de réouvrir l’armoire.

Pour documenter la découverte. Petite boite comme de cigares, mais un sceau de cire rouge, et « Mort pour le France »

« Mais pourquoi as-tu encore fermé la porte d’entrée au verrou, dirait la mère, grognon, t’es stupide, t’as peur de quoi ? », en réalité, parce qu’elle avait surpris son fils, ou les garçons de la voisine, occupés à autre chose que leurs devoirs, et elle craignait que la porte fermée pût marquer une ouverture des garçons vers des préoccupations pas seulement solitaires- qu’elle réprouvait aussi d’un geste de répugnance (horreur dégoutée de sa voix un après-midi de congés scolaires où elle avait surpris- alors qu’elle était supposée occupée- son cadet concentré seul sur le sujet du plaisir, actif et solo.) Était-ce pour se préparer à la prochaine séquence Marcel Malbée, dit MM, dit Le Parrain ?

Mais non. Pas la moindre ligne glorieuse où accrocher des lambeaux de mémoire.

Dans la cour de l’école Jean-Jacques Rousseau, au Pré saint Gervais, ça aurait été très chic, de pouvoir montrer la cartouche brune livée dans la boite en bois » Mort pour la France » et de raconter son rapport avec le père tué au combat. Bien sûr les dates ne collent pas. Mais les garçons de 1960 ne savaient pas l’Histoire.

Cependant Madame Bourgeois, la maîtresse de CM 2, aurait pu inviter YDIT à  raconter en classe la mort dramatique du héros. Tant d’images qu’il suffit de coller un nom sur l’une d’entre elles, même si elle est fausse comme celles du combattant espagnol photographié à l’instant même où la balle l’atteint. YDIT est né 10 ans après cette mort, et même en imaginant une conservation divine, peut-être grâce au Maréchal-nous-voilà, d’un sperme ancien ; même en tirant d’une manière un peu saccadée sur les mêmes ailes toujours généreuses de l’imaginaire (qui valent bien celle de Tirésias), impossible d’y parvenir : ce mort n’est pas le sien.

Entre-temps d’ailleurs il y avait le passage du frère aîné (ou de n’importe quel autre frère, YDIT a tant de frères, rencontrés bien plus tard, cela aurait dû venir en son temps, les histoires fraternelles, mais le grand réservoir des mots vite s’épuise, tout comme le réservoir des morts, père, frère, mère, parrain).

A BOB et MORANE qui l’interrogeraient, pour compléter leurs dossiers, faire mine de progresser, YDIT répondrait qu’il n’a jamais pu questionner la mère, ni reconstituer son émotion (sans doute absente, après tout) ni satisfaire ses curiosités. La mère, on ne l’interrogeait pas, et elle ne répondait pas. Aucune question n’a été posée sur la boîte à cigares, « Mort au champ d’honneur » en tout cas pas l’unique et véritable question : « Pourquoi la mère tenait-elle à la conserver vingt ans après, mémoire, émotion, regret, révolte, résignation ? Echappatoire désespérée?».

Tout cela bien sûr était vraiment trop tôt. Mais s’il avait eu déjà en perspective sa mission, à lui-même donnée, de partir à la Chasse du Parrain, de M M  dit Le Parrain (personnage présent dans les décors du temps ), YDIT aurait alors pu saisir la cartouche brunie dans la boîte de bois léger. Pu s’en  saisir pour la glisser d’une main rapide dans le canon bien ajusté de la mémoire, puis d’un geste aussi rapide (qu’il apprit ensuite à l’armée), engager la balle, manœuvrer la culasse, viser, tirer, toucher, transpercer, tuer, achever en somme l’agréable et sinistre besogne : l’assassinat limpide et fragile de Marcel Malbée

.

Dans les déménagements un peu nombreux ensuite, la boîte fut sans doute à nouveau cachée. Quelqu’un d’autre que la mère connaissait-il sa présence ? Quelqu’un d’autre que l’ami de classe, André, connaissait-il la présence des revues de nus au-dessus de l’armoire chez les Chavanon ? Quelqu’un d’autre connaissait-il  par quelle doucereuse interrogation Marcel Malbée commençait à débarrasser le gamin  de son pyjama ? ( à cette question-là : une réponse, déjà donnée, dans les épisodes précédents : TOUT LE MONDE SAVAIT ).

La boite du mari n° 1  fut-elle jetée dans une poubelle, comme un nouveau-né dans un mauvais roman jadis, et pas la moindre bonne sœur pour la ramasser au pied du parvis cathédral.  Comment peut-on jeter «  ça » ?

Quand il fut question, bien plus tard,  de régler la succession de la mère, Thérèse François, simple agglomérat de petites dettes et de vieux livres, le frère  aîné découvrit-il cette boîte ?

Incapable de penser la durée pour cette famille suspendue dans le non-temps du silence et l’absence d’espace des pauvres, ou s’empêchant la  curiosité, YDIT n’approfondit jamais l’histoire du premier mari. Même, ça aurait été un roman, il n’a pas joué avec cette idée d’avoir deux pères, le mort au front, l’autre absent dans son présent.

Thérèse François, après-guerre, Pétain condamné à mort (« les salauds » a-t-elle dû penser ), les restrictions confirmées, et Marius Marcel, le  mari numéro DEUX, encore élégant avec ses revenus à l’époque confortables, tout juste tout frais sorti d’une histoire précédente, à trois avec le vieux de La Varenne, mais ceci est une histoire qu’Ydit n’apprit que vingt ans après. On a déjà dit ( et lu?) cela: père, Marcel Malbée, le troisème homme, plus agé, ancienne célébrité, la grande maison de La Varenne, leurs vies à eux-trois, tout cela évoqué par Grand Frère un soir de dîner, évoqué-jamais raconté. Cette fois encore, on ne saura rien de plus de ce qu’il est impératif de connaître.

Récit et roman :  chausse-trappes et vrai labyrinthe : comment peut-on vivre les souvenirs qu’on n’a pas soi-même ? Ici, c’est le récit, donc on peut, dirait FRED. « Et tant pis pour Marcel Malbée dit MM dit Le Parrain ou même pour l’interpellatif Hanged James, ils commencencent à faire un peu chier, ces deux-là. »dit FRED.

Quand FRED use des mots du métro, c’est qu’on l’a fâchée. Brisons là. Sans la briser ( YDIT a encore besoin d’Elle).

__________________________________________________________________________________________________________

YDIT-BLOG, Nouvelle Saison, Saison IV, EPISODE SOIXANTE -TROIS, Récit de la petite boite en bois avec balle, et de ce qu’on ne saura jamais (trois sur trois) FIN .

Par défaut

Laisser un commentaire