Ydit Blog Hors-saison 4 épisode SOIXANTE-SEIZE : FRED lui demande s’il se souvient, en songeant à Père et Frère, quand Ydit bat la campagne, il se souvient ? YDIT répond à nouveau qu’il errait dans les villes, quatrième séquence sur dix de « Fred se souvient », ici TOURNUS (début, 1 sur 2)

( 0n ne peut pas oublier que Madame Frédérique, la parfaite Assistante, dépouille la dépouille de I.d’Y, dit Ydit, à travers l’ouverture progressive ( au moins le prétend-elle) des volumineuses enveloppes intitulées « Lettre de A.« ( en hommage répété à Olivier Rolin, « Extérieur Monde »),  » Version B. » ( réappropriation, et comme on dit : « Série B« .), dossier à elle parvenu après la disparition à ce jour encore inexpliquée de I.d’Y.. :

YDIT : « Lettre de A, version B », manuscrit.

Il dit : »Fred, ma belle et fraîche Fred, sais-tu (dans ta mémoire) que j’errais dans les villes, et voila ce que je faisais, errant dans des villes : je lisais dans les livres et les yeux, je regardais shorter les filles et je marchais vers les églises, aussi, peut-être ( mais FRED se fâcherait à ces mots ) : j’errais dans les filles, je voyais dormir les villes et je humais les porches dans les églises, leur senteur suave et sourde de souvenirs effondrés, leur humeur de passés reconstruits à coup de burettes et de palettes, d’encens privé de sens, de génuflexions propres à entrainer le Marcel Malbée aux plus suintantes des prières. Dans les villes, errant, j’avais oublié que malbée fut.

Toujours, avant et depuis, les porches de pierre et de chair m’éveuvent par leur soudaine prévisibilité. Ainsi que les corps : prévisibles, surprenants, toujours, encore.

A l’époque, déjà, FRED n’était jamais loin, ni trop proche, des porches où pénétrer, des poches où s’abriter les doigts.

TYNE, elle, guettait sur les parvis, et moi, j’errais – dans les villes et les pages des manuels de savoir-vivre. Facilement on se serait perdus, avec Fred, avec moi, ensemble elle et moi, elles en plusieurs dont Tyne et moi en un seul, perdus surtout avec moi. J’ai tendance à m’oublier moi-même comme un vieux chien l’été, dans les trains, les aéroports, entre les pages d’un roman, c’est agaçant pour tout le monde, on doit faire à haute voix des appels priant que je me présente à la caisse, à l’accueil pour les touristes, à la réception de l’hotel, à la niche, à la douane, à la table des matières, des négociations.

Mais je ne suis là que pour m’absenter.

Façon de s’éparpiller au creux du bien-être. Certains, parmi les autres, plus ça vit, plus ça leur pèse et s’impose la gêne ( j’en ai connus). Moi, Fred l’ancienne, écoutes-tu? moi, plus ça va, mieux ça va, plus me m’oublie, plus je me plie le YDIT dans les rayons de bibli, les hayons, les haillons. Je m’adapte à la ravine, la haie, la sourdine, la plaie, et je souris. Plus ça va, mieux ça va. Malbée le Marcel, mis à part, mais le voici retourné dans ma tombe depuis peu seulement. Sinon : humour sans retrait ni réserve, et ça va, ça va de mieux en mieux…

Avec moi et Fred, déjà, naguère, – et plus que Tyne la blanche Africaine – si on avait songé à nos présences, on aurait perdu la distance, mais non, je tenais la distance intérieure en respect : le matin je courais le long des berges de rivières, ou sur les boulevards déserts, ensoleillé par la semelle élastique des chaussures américaines. Le soir je buvais des verres à la terrasse de la Place Guingois, près l’Hôtel de ville. Entre temps, disposant du temps, je racontais des histoires à des publics réunis en « séminaire », pause à 10h30, déjeuner à 13h, pause à 16h, câlins après 22 heures. Banalité du répété ; plaisir du répété. Ou encore j’explorais des lieux où je devais rencontrer des gens de toutes sortes, leur poser les questions qu’ils attendaient au nom de nos liens fraternels, et celles aussi qu’on redoutait ensemble : les plus sonores, les plus odorantes des questions, vivaces comme une vallée d’orangers sous l’orage à Sévile ou minorées dans le jasmin de Majorque. Bref, j’occupais le terrain du temps autant que se terrait Parrain.

Tant d’années plus tard, je peux l’écrire, septante et davantage chaque jour étant venus : séminaires ou enquêtes, articles et cours, ce n’étaient que de jolis prétextes pour me transporter dans l’espace que j’aimais plus que tout : en dehors de la mémoire. C’était cela, rien d’autre : j’errais dans les villes, et voila ce que je faisais, je regardais les filles vives et je marchais vers les églises vides, aussi. Dans les trous de la mémoire.

Ainsi, mais écoutes-tu Fred, la sagace qu’agace le récit trop lent ? Aussi J’étais déjà venu à TOURNUS, pour écrire et voir une certaine ERIKA dont me parlait Fred ( et dont elle me donnait à voir des images crues, on les verra mieux plus tard, fin 2025 ) mais ERIKA ( dont on parlera ici plus tard, fin 2025 ) n’était pas venue, et maintenant, dix ans plus tard, à TOURNUS de nouveau, ici la ville avait encore vieilli, les ruelles avaient gravi un échelon vers l’oubli usé d’habitants fatigués. Pourtant, un sentier sur berge avait été aménagé par le maire pour les cyclistes, et les matins du séminaire, (pause à 10h30, déjeuner à 13h, pause à 16h, câlins après 22 heures ) à l’aube, avant le café, sur le sentier du maire, je courais à la vitesse des chaussures américaines. J’oubliais qu’une certaine ERIKA, jadis, avait trahi sa promesse de nous rejoindre, Fred et moi, pour le partage du vin, du lin blanc, de la probité candide, et davantage si élégiaques affinités, et vastes gourmandises humides, partagées sans regret.

Pendant le trop durable repas de gala du séminaire – vins de bourgognes et fricassées de cuisses – je promenais dans mes yeux les visages des celles qui n’étaient jamais venues à TOURNUS, ou jamais arrivées à CLUNY, ou jamais parties de MACON, ou même jamais connues dans les couloirs de l’hôtel  » Aux terrasses » ou vers les cuisines du restaurant « Le rempart ». « La plupart d’entre elles, je ne les ai même pas connues » écrivait environ cet Olivier Rolin qui – en premier – fut, sans le savoir, l’un des initiateurs au début de ce roman-images, il y a des années déjà ( au moment où ceci, épisode soixante-cinq, est posté en embuscade, Saison IV, hop-là). « Extérieur Monde »/ »Intérieur Mémoire », jamais assez merci, Olivier Rolin.

Depuis ces dix ans d’une première fois à TOURNUS ( mais à Nîmes ils seraient vingt, à Lille trente, les ans, sauf que tout le temps passant n’est pas racontable ), voila donc, Fred la minutieuse et pragmatique, ce que je faisais quand tu n’étais pas là : je marchais dans les villes le soir, et regardais les filles le jour, buvant au milieu des verres à la terrasse de la place Guingois ou à celle du Rostand, face au Luxembourg- le jardin de Rolin-

Ainsi, mine de rien, sans mot dire, le joli temps souriant est passé dans un sourire, et c’est agréable de regarder les ombres des années anciennes étirées comme des chattes à l’ombre des caves. Dix ans. TOURNUS. Vingt ans. NIMES. Trente ans. LILLE.

Et avant, avant ? Pendant si longtemps, avant n’existait pas, comme avant le Big Bang ne PEUT pas exister. Puis revint le fantôme aqueux. MM dit Le Parrain.

A Tournus, cette fois, maintenanat, il y a dix ans, tard dans la nuit, on avait trop parlé de rien, avec Christophe, Mathilde, Bertrand, Jennifer, la fille du bar, et j’ai eu du mal ensuite à retrouver en parcourant la nuit de la ville cette petite place du « musée fermé » que j’avais tant aimée, dix ans plus tôt, Fred, lorsque j’attendais que ton amie ERIKA (on en parlera ici) nous rejoigne dans la petite maison à trois étages et deux chambres ( mais je n’ai jamais vu d’elle que des photos crues) : comment est-il possible à ce point que je m’oublie, que j’oublie tant de riens.

La maladie de la mémoire ? (enfin !) La maladie de la mort (déjà!).

La deuxième fois, second passage à TOURNUS, temps replié sur lui-même, cette fois, maintenant, retour du sentier du maire, comme je m’interrogeais au petit-déjeuner, une jeune participante du séminaire, visage frais de chocolat moussant, me raconte l’histoire nouvelle de cette ville, TOURNUS, et comment on y envisage d’acheter le « musée fermé« , cette grosse maison bourgeoise qui fut demeure d’écrivain : selon le projet du maire, le même que le sentier, on y installerait un musée du souvenir oublié, bientôt, un musée du souvenir oublié, oui, c’est une belle idée dit-elle en se serrant un autre express et contre Bertrans, mais surtout ce serait une ruine vivante, une image de vestige dénuée de toute nostalgie. Pour changer.

Musée du souvenir oublié

Alors, soudain, je perçois ce qui a formé depuis toujours mon dessein secret : vivre dans les musées que j’ai moi-même bâtis, et remplis de ces riens qui sont la trace d’exister.

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Ydit Blog Hors-saison 4 épisode SOIXANTE-SEIZEZ : FRED lui demande s’il se souvient, en songeant à Père et Frère, quand Ydit bat la campagne, il se souvient ? YDIT répond qu’il errait dans les villes, cinquieme séquence sur dix de « Fred se souvient« , ici TOURNUS (début, 1 sur 2) La suite, deuxième moment de marche dans les villes, TOURNUS

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