…malgré tout la séance reprend…

les quatre soeurs de Messe.jpg 

 

Suite de l’Omission,  épisode 5, malgré tout.

 

Je suis venu vous dire que je m’oublie.

Contacts : ydit.spo@gmail.com

Le projet

« L’Omission »

Séances publiques d’oubli

De l’extérieur, passant, on voit ceci : un homme est là posé dans un espace commun, on dirait qu’il parle seul, mais il prétend s’adresser à un public, éphémère. Il dit s’appeler YDIT.

Pour tout dire, devant un public aléatoire et passager (voire fuyant !) il creuse la mémoire comme on creuse une mine, pour dégager la matière.

 Une Omission  programmée sur (peut-être) vingt-ans


Précautions d’emploi  (avant de s’y remettre tout de même) :

  1. Tout ce qui était prévu a changé de sens, depuis peu. Mais rien de ce qui était programmé ne doit être abandonné. L’enjeu reste de façonner des masques d’oubli afin de travailler la mémoire, d’en garder le cœur. Les présences lourdement infinies de la violence et de la mort sont des fantômes qui menacent le feu de camp de la parole, sans jamais parvenir à en piétiner les braises, jamais. A chaque fois, au terme de la veille nocturne, les braises qu’on disait mourantes retrouvent de souffle des flammes, et la lumière des hommes accomplit la lumière du monde.
  2. Donc, puisque cela continue, pour un meilleur suivi du projet, il n’est pas inutile, et il n’est pas nécessaire, de se reporter au protocole d’expérimentation, fixé dès le moment premier, puis donné sous la forme de douze articles annexés aux douze premières séances d’oubli.

Et  plus tard en lecture suivie dans « Pages» sur Yditblog.


 

S.P.O. 5 : les débuts du film, Paris, 13ème arrondissement, 23 minutes

( ça na s’arrange pas )

Ce matin-là, cinquante-septième depuis le début de l’oubliage, Ydit a choisi l’horizon pourpre et fermé d’un théâtre, un cinéma, une salle de concert. C’est le moment ou jamais.

Il y a peu d’hommes en cette heure dans le début de journée. Ils sont au travail, ou chez eux, lisant des revues politiques, regardant des documentaires sur les origines de l’univers, ou des films interdits aux mineurs de 21 ans. Souvent, ils écoutent en voiture des émissions sur la terreur, et continuent de ne pas comprendre l’évidence.

Des passantes se dirigent vers le vestiaire vacant déchargé de ses pelures.

La dame en noir, d’ailleurs, y vend surtout des fraises parfumées avec éclat, des bonbons, des poupées en fausse fourrure, des Aphrodite, des lacets noirs et des œillets blancs fourrés dans des godets à pop-corn. Ne manquent plus que des presbytères !  Ydit se dit qu’il lui faudra, un jour, se coller à l’oubli d’Arsène Lupin, de Rouletablille, de Fantômas- oui même de Fantômas. Surtout Arsène, l’arsouille crapulette. Difficile entreprise. On peut attendre que les séances d’oubliage soient mieux calibrées. Plus naturelles ( car quoi de plus naturel que l’oubli ?).

Bref. On en reparlera.

Sauf que la mémoire a l’esprit de l’escalier.

D’un escalier sans fin dans son vice : on tourne l’image, et qui monte descend.cucuron  escalier aout 2012 14

                                                                      l’escalier montant se met à descendre 

Un tel  type de langage, pour ne pas dire tic de langue,  ce n’est pas avec ça qu’on attire les nymphettes dans les cinémas ni les nymphéas dans les épuisettes, certes.

Moindre mal, ce n’est pas l’objectif des S.P.O.

Les S.P.O., ça sert à détruire l’inutile du passé, un temps inconnu de la grammaire.

 

Dans le hall du cinéma le fournisseur dépourvu d’imaginaire a tenté de coller au titre du spectacle, tel ces illustrateurs de livres pour enfants qui dessinent, langue tirée, un loup noir, un chaperon rouge, et un pot de beurre d’ Echiré ( jusqu’à ce qu’il fréquente le bonnes épiceries pour salarié cossu, Ydit a cru – sans comprendre- qu’il s’agissait de beurre déchiré.

Il y a bien de la crème battue.cinema rappel.JPG

Mais ont disparu les échoppes B.O.F., Beurre /œufs/Fromages, ce qui ne justifie pas une S.P.O. : elles se sont mises elles-mêmes du côté de l’oubli) .

Mal à l’aise dans le sous-sol couleur ombres ouvrant sur l’enfilade de douze salles, Ydit commence par déambuler.

Il vérifie le badge « OUBLIeS ». Il aimerait parler. Pas tout seul. Parler de rien, pourquoi pas, c’est l’usage, mais tout seul, non.

Va-t-il s’acheter le pop-corn salé au caramel ? « N’oublions pas que je suis là pour oublier », dit le crieur d’oubli, oublier plus que jamais, dit-il à voix haute, ramené au sérieux de la tâche par un public   menu et  gracile ( à défaut d’être gracieux : deux gamines trop mineures pour être honnêtes, tendance Nabokov réécrit Hunger Games, et qui  se frappent nonchalamment le front. Encore un vieux qui déconne. Il y en a de plus en plus. C’est alzamaire. Disent-elles.  Au moins, les vieux, c’est ça qui est bien, ça n’a pas les moyens d’être dangereux).

Problème bien connu, à cette heure-ci de la matinée, seules les collégiennes parcourent les dédales de la culture.

Dehors, dans le soleil de novembre, sur le parvis du cinéma, dans les vents de cendre et de malheur, six « food trucks » rangés en demi-cercle commencent à lever leurs devantures d’odeurs. Une queue se forme devant le plus célèbre. On dirait une halte de ruée vers l’ouest, une allégorie de western.

Mais …silhouette de Z..jpg

d’ailleurs les passantes du désir ne sont jamais que des silhouettes indécises…

et les indiens sont ailleurs.

Ydit, sans appétit, ruse avec les  faims comme avec le récit prévu, qui est encore comme toujours un peu le récit des origines, puisque tout ceci n’en est qu’au début. Aux jeunes filles debout, il ne livre pas  les mots sur l’impossibilité radicale de raconter le passé sans mentir. Il ne dit rien des  pénombres folles du présent. Rien que le mot « passé », elles en ignorent le sens. Donc, « origine » !

Sans doute vont-elles apprendre à

lire devant l’écran ?cucuron  porte fenetre aout 2012 2.jpg

En général, c’est bien pour ça qu’on va au cinéma. Pas pour y voir des Marielle, des Rochefort, des Piccoli encore plus vieux que vous, sans parler des Bouquet. Et encore moins des séries de teens à peine dé-tétinées.

 

 

D’ailleurs les puissances du désir ne sont souvent que des fantômes impuissants

Ydit, lui…cucuron  porte fenetre aout 2012 2

(tiens, au fait, quelle absurdité de se nommer « Ydit », tous ces hiatus affreux probables, impossible d’ énoncer : il dit Ydit ; dit Ydit ; Ydit dit-il etc. Mais, trop tard, Ydit aurait  dit- euh aurait dû – y penser avant).

Ydit est venu avec un pull rouge et l’intention d’oublier une part des récits des origines de la famille, encore,  malgré tout. On sent qu’il n’est pas très en forme, loin de son sujet.  On peut le comprendre. Il est ici par devoir de parole, et dans l’impossibilité d’être entendu sur le présent. A la façon d’un prof qui vient de lire Queneau dans le métro, mais doit raconter Kierkegaard sur le tard.

Ydit, lui …Quatre jeunes filles nouvelles circulent. D’ailleurs les passantes du désir ne sont jamais que des silhouettes indécises.
les quatre soeurs de MessePas beaucoup moins jeunes, amèrement mineures.

Elles s’arrêtent à peine et sans plaisir, (mais les jeunes filles ont-elles du plaisir à écouter ?) lorsque l’orateur, à présent, rappelle qu’il n’aurait jamais dû regarder Virginie quand elle disait, lui prenant la main à travers le bureau où elle venait d’entrer : « j’aimerais tant être l’abeille qui se pose sur ces doigts pleins de sucre et de saveur, savez-vous ? ». Et le sourire, le baiser sur les doigts.

L’oublieur public, cependant, récuse l’oubli de Virginie. On y viendra.

Tous ces oublis à quoi il va falloir venir avec le temps. Une véritable liste de  proscription. Tout ça. Epuisant rien que d’y penser.

Voilà précisément pourquoi on oublie, pourtant : alléger la fatigue.

 Pour l’instant, un constat, trivial : certaines fois, le braillard projet d’oublier se combine à la sourdine de la mémoire. Allez vous débrouiller avec ça…

Le crieur d’oublies tâtonne, parle bas et peu, on dirait qu’il a peur d’avoir honte. Qu’il est trop petit pour le présent. Qu’il craint de se montrer quand d’autres sont effacés.

A présent, Ydit affirme sa volonté d’oublier les noms de sa famille, d’effacer ainsi les preuves. « Qui laisse une trace laisse un plaie », aurait écrit Henri Michaux. Mais on a la flemme de vérifier.

Peut-on appliquer à la blessure de mémoire les thérapies géniques?

D’ailleurs, la séance va commencer. Macbeth.

Le destin qu’on vous annonce, c’est soi-même qu’on l’accomplit, n’est ce pas ?

 


 

Evaluation : TS00 :0% / TPE : D

NB : Comment jamais constater un taux plus bas de TS00 ? Le Taux de Satisfaction Objectif Oubli mesure la réalité tangible des oublis. Comme on est ici dans l’abstraction formelle des origines, tout est possible, mais – naturellement- rien n’a lieu. Dans le déplacement d’intention de la séquence, les oublis sont faux, ou bien virtuels (ce qui est une forme d’absurdité pour un oubli). Il faut dire que l’oublieur n’a pas du tout la tête à ce qu’il fait.

Le simple D du Taux Plaisir Emotion traduit l’ insatisfaction de la parole mal prise, malgré la semi-pénombre supposée protectrice du hall rouge, en ces jours noirs. Il dénote aussi la banalité de l’exercice : Ydit, son métier, ça a toujours été de parler. Y compris, il y a quatre générations de cela, devant toutes ces mineures à soda zéro, on se demande quel film elles vont  bien savoir trouver à cette heure-ci ? Mais, parfois, aussi fort soit le métier, autant raté pourtant est le geste.


 

Protocole, Article 5 : A2a5P

Tout souvenir évoqué devant un auditoire, même virtuel ( sur une place de village pendant l’orage, par exemple)  sera en effet irrémédiablement considéré comme définitivement détruit, biffé, raturé :  impossible à réutiliser jamais pour l’embellir ou le caresser, comme souvent font les mémoires.

Le projet se situe dès lors  à rebours de la mémoire : vivre c’est emmagasiner des traces, à chaque instant. OUBLI(E)S projette avec radicalité  de vider le magasin personnel, sans inventaire général. Sans progression préconçue. C’est un espace générateur d’oubli. C’est une fabrique permanente de ratures, de caviardages. Jusqu’à  l’émergence de l’essentiel.

Un peu comme une sévère dose de Acide 2-amino-5-phosphonovalérique


 

Par défaut

4 réflexions sur “…malgré tout la séance reprend…

  1. Avatar de Khamous Khamous dit :

    Moi, j’aime bien « Ydit »; il traduit bien ce qui s’Y dit (Brahim, bien sur); Ydit me parle. Une question, très chair Ydit (je trouve) : peut-on passer le lien à d’autres connaissances, voire amis, ou Ydit tient il à la confidentialité de la liste originale (et plein d’élan, bien sur)?
    La bise

    J’aime

  2. Baladeur de blog, bonjour , et merci des mots dits …
    Le flond du fond ( insonsable donc) du projet, c’est de réaliser en grandeur réelle des « séances de parole », en public, avec un public plus important.
    Les circonstances, et surtout le thème OUBLI, diffèrent un peu cette partie du projet, mais, à chaque fois, plus tard, une carte  » oubliEs » ( modèle de celle postée en début de blog) sera remise à ceux des auditeurs qui le souhaitent. Ils deviendront, ainsi, des suiveurs ( abonnés ou pas, abonnés c’est mieux), totalement inconnus de l’orateur. C’est même , à tout dire, le point le plus excitant du projet.
    DONC, faute de les avoir sous la langue pour parler , toute transmission du lien et toute invite sont bienvenues : elles participent au projet de base.
    biz

    J’aime

Répondre à savuhl Annuler la réponse.