Didier JOUAULT (« YDIT ») : SPO 17 – A/ L’adrénaline est la saveur du succès au bas bar de la vieille dame

 

S.P.O. 17-A . la veille dame de la place aux tilleuls/ la saveur du succès

« Il y a trois sortes de dames, sans compter les drôles de drames : les dames de la vie, les dames de fer, et les dames de la SNCF -dont certaine se prénomme Germaine. Allez savoir pourquoi cette si short-list fait froid dans le dos »

Ydit révise ses souvenirs.  Pas d’endroit pour ça, on racle la mémoire comme on ouvre un bonbon : juste avant de gagner les restaurant de l’hôtel, sans tarder.

façade hotel vieille dame

Trois américaines entrent dans l’hotel

Il fait froid dans cette ville du nord. Ysdit se sent bizarrement échauffé par le bon oubli du mauvais souvenir. C’est un breuvage  pour initiés,  un miel pour les alpinistes de l’omission, un phare pour les spéléologues de la mémoire.

escalier paris nuit

Les escaliers de la Route sont durs aux innocents

Comme dopé par sa marche sur le  sable mouvant des mémoires de collège, Ydit avance, gravit des rues pentues, monte des escaliers connus par des dizaines de photographies, et puis enchaine un silence sur un silence ( ce qui est comme chasser le mal par le mal ou trouver le bien par le bien ). Et soudain se  décide : « Je vais oublier la vieille dame de la place aux tilleuls. »

 

Il l’annonce à son public :  la table voisine. On a échangé trois mots, parce qu’il y a trois américaines (les américaines parfois, à table, ne disposent pas de beaucoup de mots). Des américaines du genre veuve fonds de pension et à fond, perdues.

« La vieille dame, les tilleuls, dit-il. Puisqu’on est dans le récit de dames. »

 

« C’était la nuit, tard, la pluie, forte. Evidemment, ce type de décor sied moins au brio qu’un espace-attente de collège, qu’un jacuzzi (et sa serviette de lin blanc et de probité candide), qu’une table de resto chic – ministre placé de dos, garde du corps et chef de cab. compris. »

« Pardon Mesdames , fait-Ydit d’un geste de bossu rue Quincampoix, mais si je ne précipite pas moi-même la banqueroute de la mémoire- qui le fera ? »

on laisse des cartes

Ydit abat ses cartes

« Donc, ce soir là, et Ydit portait  une sorte de blazer trop serré, sans doute acheté aux Puces. Couleur prune ( mais on sait  que les prunes sont de toutes les couleurs, sauf dans les romans de Balzac). C’était un carrefour désert. Il y avait un magasin d’alimentation, posé au long du mur de l’hôpital. L’éclairage public vibrait trouble et brumeux comme du Brassai. Se permettant tout, rompant du pain, il ajoute : « Pour les références qui manquent, laisser un message : yditblog.wordpress.com. »

     Il distribue ses cartes :

 

« La machine pendait au mur face à l’hopital. André avait une clé du distributeur accroché en devanture, il savait le jour le jour de récupération des pièces par l’homme aux sacs : demain. Depuis une semaine, les visiteurs de malades, passant, ou des collégiens, achetaient de barres de chocolat, des chewing-gums,

boutique du coin

le drapeau nocturne du petit commerce

des caramels mous avec devinette dure, des capotes (non, pas des capotes, non, plutôt des chocolats sans amandes et des biscuits sans sel). »

Bien entendu – mais Ydit aurait été déçu, le trois américaines ont réagi à ce qui n’est pas dit : l’une tousse , l’autre a rougi, la troisième finit son verre. C’est bien, le public suit.

« Albert avait construit la soirée familiale pour que cela fût certain, même aux yeux du plus perspicace des flics (à l’époque, Maigret tenait la corde, et Magritte sa pipe) : il était impossible qu’il soit sorti de l’appartement des gérants, ses parents, logés au –dessus du magasin. Il raconta, plus tard, en partageant le butin, qu’il avait feint des nausées, des frissons, des fluxions de poitrine, des essais ratés de de lecture de Proust et jusqu’à des peines de cœur : sa mère l’avait d’abord veillé, puis gardé auprès d’elle dans le lit conjugal. Jusqu’à l’heure matinale du collège.

distributeur

l’apprentissage de la littérature exige des précautions

Ydit avait un double de clé. Il se tenait debout devant la devanture. Il tremblait. On ne peut pas décrire le goût serein de la peur quand elle naît de l’inconscience et de la nuit. On se prenait pour Delon dans son trench coat jamais mouillé. Certains ne peuvent plus s’en passer.

     Ouvert, le distributeur comportait deux tiroirs pour les pièces (chocolats, préservatifs) beaucoup de pièces, les vieilles de 1 franc, avec semeuse d’un côté, devises de l’autre. »

 C’est pas pire que le billet de 1 box U.S. avec le triangle maçonnique et la foi en Dieu », dit très fort l’Américaine du Visconsin. »

Ydit pourrait se taire, ici : maintenant, une rencontre, un dialogue, un whisky dans un bar de nuit proche, un dernier verre, la douceur des suites impromptues en V.O.S.T.?    Mais le violent devoir de l’errance mémorielle (et toc !) l’emporte. Créer le risque du dialogue, passe encore, mais casser le moulinet de l’oubli, non. Et puis, tout ça encore  en plus à oublier ? Il se force à continuer. L’Américaine demande un déca gourmand, lui en propose un. Ydit résiste.

     Parole :  « Au fond, se disait-il, tremblant à peine, c’est pratique : poche gauche tiroir de gauche, et c’est la part d’Albert, fils indigne. Poche droite, pour Ydit. Il n’a pas oublié le bruit des pièces, et la furtive fermeture du distributeur. On avait décidé d’enfoncer, poches pleines, un tournevis dans la serrure, pour tromper l’adversaire. Qui selon toute apparence, s’en foutait. Marchant vite le long du mur d’hôpital, bien que la pente fût assez forte (moins que la pluie) le rapineur s’en va. Les pièces- bonne chasse du trésor –bruissaient en suivant les pas.

Il parvint  à une petite place à nom de star.

banc Paris nuit

« Vous avez realy fait cela pour le money ?

Les tilleuls sentaient encore un peu, malgré le poids de l’eau : c’était un soir de juin.

Les pièces- richesse lourde –pesaient dans les poches très arrondies par leur volume, des ouies larges d’un poisson des abysses.

 Il était temps de s’assoir, d’oublier (aussi) les mains  les jambes tremblantes.

        L’adrénaline est la saveur du succès, le saviez-vous Mesdames ? »

 

 

 

 

 

 

 

 


 

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