« C’est un peu couleur triste, aujourd’hui, a répliqué Zigmund, ta précédente Séquence Publique d’Oubli. On préfère quand c’est plus drôle et surtout plus léger. »
« L’idée de performance repose ici sur la revendication d’une spontanéité, d’une indépendance et d’une liberté irréductible
(liberté de jouer, d’être soi-même, de ne rien faire, d’aller à la rencontre) qui accordent au corps une nouvelle présence au monde. Cette présence aléatoire sert la représentation d’une identité mobile, changeante et joyeuse. »
Article « Performances artistiques en milieu urbain : urbanités et dissonances », Alice Laguarda. LIGEIA, XXV ème année, n°117-118-119-120, p.186 Edition Association LIGEIA , 2012

l’éternel visage de l’instant oublié
SMS de Marcel : « Vu et lu dernière SPO : à quoi bon provoquer le surgissement de l’oubli, l’oubli vient vite et de lui-même,

chemin de ronde
comme les taches sur la peau .. .»
Ydit sort dans le couloir du gîte d’étape. C’est la nuit. Personne.
Ydit : « Dans les bourrasques du silence, les mots sont des grains de sable qui volent.
Cependant, le marcheur du désert avance à la vitesse du vent. Dans l’absence de l’eau, il défriche des parcelles de son avenir : OUBLIER.
Car oublier c’est savoir vivre à nouveau. Car oublier est un savoir-vivre. Une façon d’être visant à l’élégance intime. »
Etonnante réponse du parleur à la passante, non ? On peut se demander pour qui se prend c’t’Ydit ? Cestui là qui s’dit l’Ydit? (d’ailleurs, avouons le, heureusement qu’il n’y en n’a qu’un, des z’Ydit) ( ou on irait, si ça se multipliait ? Le chaos? Le verbiage généralisé?)
Cependant, puisque Ydit Y a et que nous sommes dans les ripostes reçues :
Francesca, une autre fois : « Ton projet nombriliste d’oubli, cher Ydit, ça ne me plait pas beaucoup. Moi, en raison de l’histoire de ma famille, je cultive résolument la mémoire de tous pour empêcher la reproduction de l’Histoire.»
Ydit, sur la place du village, retour de chemin , raconte :

on peut faire des photos
Ydit : » Dans le silence mesuré de la forêt, paisible balade , on croyait à la pause du temps , mais dans une trouée de frênes, passe et repasse un petit avion biplace dont les roues sont comme les pattes inversées d’insecte malade.
Il passe, volant très bas, revient, tourne, suivant les méandres mous du fleuve ici encaissé. Des images surviennent alors, soudain, venues de la mémoire profonde :
on se surprend à courber le dos, à chercher le couvert des sapins, plus loin que la clairière, on aimerait ne pas porter cette parka rouge et ce sac à dos noir, voila qu’ on rampe à demi, voila qu’ on cherche si l’on voit les autres, on cherche le regard des compères , les yeux des camarades , on cherche les repères cachés
vers le camp secret où les paysans quelquefois vont apporter les œufs, le beurre, les fromages distraits aux vigilants intendants de l’occupant, les temps et les mémoires se superposent, dans le ciel serein de la randonnée voici que repasse le bas avion, comme en piqué, comme en recherche, comme en attaque, comme mitraille du maquis, et même si aucune croix noire ne gâche les ailes, même si tout cela est fini depuis si longtemps, plus longtemps qu’avant sa propre naissance, la naissance d’Ydit, n’empêche , tant pis, il court à présent au milieu des feuilles, réflexe de base : ne pas se prendre les pieds dans les
entrefouillis de ronces.

marcher sac à dos dans la mémoire des autres
Réflexe de base : ne pas se prendre les godillots dans le piège des ronces, malgré tout les copains de devant font des signes, la mitraillette américaine en bandoulière, la Sten (ou quelque chose de cette sonorité là ) ,
sur la nuque le gris béret glissant derrière la sueur, tandis que Boris le radio survivant des M.O.I. tente vainement de joindre le P.C..,
mais l’avion tourne, tourne, semble piquer, piqué…
Ydit ne va quand même pas mourir là, en 2016, d’une balle de 44 ?..
Ensuite, on parvient à une clairière : vrais hommages et fausses impressions s’y mêlent en une combinatoire étrange, sensible.

culte païen , pierre levée, paroles
A chaque instant le souvenir de l’inhumain gangrène la courte balade légère dans le présent des hommes.
Etiquetté de l’oubli, marqué dans le dos, Ydit raconte ce qu’il fit, aussi , parlant au silence, dans la clairière où la pierre s’est levée pour résister à l’oubli qui se couche.
gravé dans la pierre des stèles oubliées par ceux-mêmes qui les dressèrent.
Aussi, la passante une seconde s’arrête, comme n’y croyant pas, baladeuse de rue aux jambes légères d’urbanité consentie. 
Puis dans la paix illusoire de la forêt cette folie du faux souvenir en appelle un autre, ancien : c’est une souvenir qu’il faut oublier, sans doute. C’était sur une plage d’été, on jouait à se lancer de lourds volants de caoutchouc. Ydit courait, on croyait qu’il voulait attraper celui que le vent emporte loin, mais non, mais non, il courait pour fuir, lâchement, toujours plus loin vers le devant de la mer, il courait jusqu’à se jeter au sol à un mètre de l’endroit où s’écrasera l’objet .
Plus tard on lui dira : « Dommage, tu l’avais presque, tu es tombé juste à la fin ? »Ydit n’avait pas démenti , mais en réalité seule la peur du choc et du bruit terrifiant du caoutchouc sur son visage avait fait fuir Ydit en avant, par peur, pure peur du choc sur son visage, sur son dos, dans ses yeux de peu-voyant.
Il s’était jeté à terre pour l’éviter, par terreur pure, alors qu’il aurait été si facile de changer de direction, de ne pas courir dans la ligne du volant haut lancé vers lui selon les règles du jeu,
non, il avait pris la fuite dans l’axe , et il avait ainsi , ainsi été ,
pour deux minutes, pas longtemps, non pas le peureux en fuite, mais le presque gagnant malchanceux –

le pur noir et blanc des cartes pour oublier
On peut se demander si cette illusion involontairement donnée, au fond, celle d’un mouvement, si ce n’est pas l’image de sa vie ?
A chaque instant le mensonge de l’illusion gangrène
la courte balade légère dans le présent des hommes.
Didier JOUAULT
Finalement, quand on considère que les OUBLIES sont des pâtisseries, que le but final de cette lecture est de goûter un moment de plaisir en lisant ce qu’Ydit dit, alors, aujourd’hui, nous avons reçu notre récompense.
J’aimeJ’aime
Tant de gentillesse ! Mais il s’agit bien de cela : des galettes du soir pour fermer les portes de la nuit. Merci …
J’aimeJ’aime
Comment te remercier ????
J’aimeJ’aime
C’est un peu çà l’esprit « peau-tâche »
J’aimeJ’aime