
Un espace si délicieusement provincial
Séquence Publique d’Oubli numéro 28
On aurait pu un autre titre :
« Le Vieux du Morvan fut-il le Kahn des morveux ? »
YDIT raconte:
«C’est pour quoi, pour une visite ? ».
Le hall d’entrée est lumineux, bien que le bâtiment joue les dégradations d’après match.
Il faut dire que le jeu de l’histoire est fini depuis longtemps. Tant et tant d’années , oubliées, renoncées, abandonnées dirait-on.

Circuit des visites de l’oubli
Encore un peu d’éclat vibre sous les murs de crépi passé , toutefois, comme des marques de l’Histoire. Même dans le silence du désert, parfois s’entend l’écho furtif d’un pas oublié. On appelle ça l’Histoire.
Ydit- que les questions absurdes illuminent d’une joie inépuisée : « Oui, pour une visite. Pourquoi, ici on peut faire autre chose ? Il y a d’autres activités que fouiller le sanctuaire? »

Un silence privé d’échos s’empare du dialogue.
En scène, trois personnes forment l’ ironique résumé d’une improbable trinité : le plus vieux paraît coupé en deux à la ceinture, tant le dessus témoigne immensément des bières bues en attendant l’exceptionnel visiteur.
Il est le gardien du temple, le conservateur pas conservé.
Il ne comprend pas l’humour d’Yidt
( ce qui n’est pas rare, si l’on en croit les commentaires recueillis par les S.P.O. ):
« Bah non, y a que le musée du Président, ici, c’est ça qu’on visite, rien d’autre… ».

L’origine du mâle
« Donc- gentillise Ydit, dont le métier fut souvent d’être d’apparence bonasse : je voudrais juste un billet pour la visite. »
Demande pas si fréquente, hormis les expéditions scolaires en bande désorganisée que tout enseignant du département ( ou au moins du canton) se doit de programmer en mémoire de : Le Président.
Sinon, inspecteur d’école pas satisfait. Carrière attardée, mutation devenant illusoire, mutilation à vif des espérances au sujet des parents-contents, espèce ravageuse omnivore en voie d’expansion plus rapide que celle de l’univers : dans cette ville, bouffie d’être sous-préfecture, et regonflée de « L »’avoir eu pour maire, on ne plaisante pas avec « LUI ».
LUI, affublé d’une histoire, ce qui est déjà lourd, alourdi d’un destin, et aussi d’une Très Grande Bibliothèque ou de ce si petit musée.
Le vieux gardien du temple s’appuie sur le dossier de la chaise, esquisse un mouvement, mais : « Non, tonton, te bouge pas, t’es fatigué, j’y vais », tonitrue le deuxième personnage, quadragénaire vivace sur ses courtes jambes.
Jusque là, il bavardait fleurette avec une jeunette qu’assise sur le rebord de la fenêtre, juste à côté de l’entrée, un regard de biais dévoilait. 
Posée mains enserrant les chevilles, encadrée vive dans le cadre de pierre, pieds sur l’appui , un N couché du regard passant du visage aux baskets. Très courte jupe, T shirt à bretelles étroites mais décolleté large, généreux espaces de peau bronzée : uniforme de teen en campagne à la sous-préfecture, c’est presqu’aussi bien que « Meetic » , et pas de raison de s’occuper d’autre chose quand on a une jeune personne de qualité sous la main, qualifiée pour le délicat dialogue des âmes, comme sont toujours les jeunes filles.

Pardon Mademoiselle, ce n’est peut-être pas l’heure ?
–« Alors, c’est pour une visite ? » s’angoisse le quadra, privé de sa teen en satin. Il a raison.
Ne trainons pas dans l’opérationnel : un visiteur, au moins ici, on l’interpelle avant qu’il ne renonce au billet, comme souvent.
– Ydit , depuis le summum de son urbanité capitale un peu décentrée : « Comment le nierais-je ? Visite, oui. Mais ce n’est peut-être pas l’heure ? »
Bon, ailleurs ( en ville par exemple) des impatiences auraient déjà réduit à l’exécution sommaire les acteurs de ce dialogue progressant à la vitesse d’un demi Beckett/ heure. Dans le vestibule de ce musée, au contraire, tout prend le temps du temps : grisouille pour le ciel, ratarouille pour l’horloge.
La scène s’anime, pour le bonheur d’Ydit. La jeune femme a quitté son ostensoir ostentatoire (mais pas son calme ), déplié jambes et buste, elle descend de son cadre, elle vient ici, parmi tous,maintenant elle use de son organe le moins exposé jusque-là : « NON non, vous avez encore tout le temps pour la visite. Pis c’est pas tant long .»
La voix s’écaille comme un mur vénitien : on aimerait la prendre en photo.
Le vieux : » Je ne vais pas vous accompagner … »
Le quadra : » Il a mal aux jambes… »
L’ostentatoire : « Mais il y a une feuille qu’on donne, euh qu’on prête, et des cartons, euh des cartouches. »

Les « oubliEs »fissurent les murs de la mémoire
L’échange est à mi-chemin entre Kafka et Feydeau, bel endroit pour une rencontre.
Ydit savoure le gourmand festin de la langue lorsqu’elle quitte le chemin balisé des grammaires académiques.
MAIS,
…………….. » A ce moment de la séquence publique d’oubli, le système paraît totalement coincé.
……………..Rien ne démarre. Hormis ces trois là, personne, ici. «
Voila ce que raconte Ydit : le récit interrompu. Rien ne démarre.
« Ici et maintenant« , tu parles !
La visite lente, immatérielle, presque, à force d’être immobile, ne commence pas.
Ici, toujours, l’exaltation un peu douce-amère des ultimes fois remplace déjà le rire fatigué mais clair des premières fois, et c’est le beau bonheur d’oublier.
==>(A SUIVRE séquence 2, choisir un musée pour oublier)
Didier JOUAULT
ah oui carrément, j’aime
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Trop bienveillant pour …les vieilles pierres ?biz
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On n’en finit jamais avec ces vieux temps au fond pas si bons, mais ( horreur ! ) qui sembleraient presque meilleurs que nos sales temps contemporains ! Es-tu, comme certains, amusé par les SPO’ettes invitées de passage ou, comme d’autres ,irrité de ce machisme gigotant ? ( les plus rudes commentaires ne sont pas publics, car écrits à mon, adresse perso…) Bises de lo
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Irrité? C’est pourtant facile de ne pas lire, non? La question n’est pas de savoir si je, ou d’autres, sommes irrités par tes invitées (wow ça rigole pas tous les jours chez le Dédé dit Maynet -ai été consulter ses illustrations). Quelle est la question?
la toujours bise
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