Didier Jouault pour Yditblog Séquence Publique d’Omission n° 42 : 42 fois 1 égale 65 (Partie 1/2)

 

Ydit parle d’une voix sans doute trop forte. Des festivaliers brunis et tranquilles s’approchent. Leur  pas, sous l’apparente hésitation, dessine le parcours de la curiosité, sûr de lui et de l’anticipation d’un plaisir.

                                                                                           Ydit :

1- le geste un peu raide

« Avec la précision d’une plaie que jamais le scalpel ne pourrait oublier dans une trace si ferme, (un silence, le geste découpe l’espace)

Avec la précision d’une hache que le bourreau jadis tenait dans sa main, comme une verge adolescente les soirs de bal avant les semailles (nouveau silence, mouvement de danse)

Avec la précision de l’ennemi dont le tir jamais ne vaut pardon, et qui prépare sa balle juste comme on écrit une première lettre d’amour “ (d’une lèvre s’humecte l’enveloppe)…

 

Les festivalières sont enrobées de robes épaisses, car le mistral souffle. Dans le vent se sont inscrites les vapeurs de la buvette. Ydit? Un comédien? Ce doit être un temps imprévu d’un programme en évolution jusqu’au dernier moment ?

Une femme s’approche. Un homme l’accompagne : barbe, cheveux blancs, des allures de maître devenu pâtre.  2 -festivaliers Ils s’interrogent du regard.

Ydit :Ce que j’ai à dire est ceci : 42 fois 1 égale 65.” 

La femme sourit : “C’est un peu faux, comme calcul. Vous étiez du festival, déjà l’an dernier?”

Ydit : » Voila, tout a commencé l’an dernier. N’oubliez pas que je raconte pour oublier. Effacer la nouvelle parvenue sans commentaire,pas un mot, pas un signe d’adieu : “C’est fini, mon petit”. Dans le casier du bureau : l’arrêté. Sec. Rien avec, après tout ce temps, seulement ça- qui dit terriblement son nom : l’arrêté. Mis aux arrêts.

8-documents de la fin

Ensuite, pour quelques jours encore, les “dernières fois” qu’on vit en pleine conscience. Elles offrent cette occasion à jamais unique, usée dès que vécue, comme dans un revolver à un coup : c’est la dernière fois. On le sait, on le sent – dans les bruits des chaussures qui frottent les parquets, dans les plis des rideaux de salles traversées, dans la poignée de mains qui insiste ou les regards qui s’échappent . 3-concours

Alors, l’ Ancien, l’ultime tournée? Bientôt la belote, les pantoufles et la pêche ?

L’épais silence de l’absence?

Tendresse forte et ironie légère, c’est le don charmant fait par les vivants aux fantômes en esquisse”.

Ydit, comme d’autres ici, fait tourner dans le public des tirages papier sous plastique.4-concours 2

Ydit : “ La première fois que je suis venu dans cet établissement, ce fut pour rencontrer  un  presque vieillard. Il allait quitter son métier. Beaucoup d’années plus tard, j’ai fait le même. Ultimes visites: des internats de province comme on ne croirait plus qu’ils existent, la présidence d’un concours.”

5-internat ”La  vie des hommes ne se reproduit pas dans nos lits mais par le papier. Jusqu’au dernier instant, les mots. Les adieux au fardeau forment le terreau de l’oubli.  ”Ydit, après une brève attente :   “Matin tranquille, un final, et hop , ceci : la dernière visite. Le grand thème inépuisable du Labyrinthe, voici une fin de non-revenir”

7-Camille Sée

C’est à dire (la spectatrice hésite, d’habitude les comédiens d’ici jouent avec le public), eh bien ça finit par nous arriver à tous. De partir je veux dire. Vous voulez que je vous offre, euh… un vin chaud “? Puis, se rend compte : “ Enfin, je ne veux pas dire que …je vais le chercher, vous le payez?”

– Chérie, tu gènes un peu Monsieur, et t’as tellement froid?

– Ce mistral…Vous n’avez pas froid, Lydie ? ( drôle d’idée pour un homme de s’appeler ainsi) ?

YDIT : 65 ans, et 42 depuis le concours. Derniers rapports avec l’actif. Reste à explorer le passif. 42,  C’est le chiffre. 42 ème rue, 42 ème parallèle, 42 le nombre de la réponse à la question secrête?”

Dans le village grossi par le festival de rues et de rires, les spectateurs sont courtois et bienveillants. Donc, on reste. Mais ça commence plutôt mal. Pas de chance, on est tombés sur du “off” tendance “sad”, enfin je voulais pas dire Sade, mais”. Elle se tait.

L’orateur s’assied, tourne le dos 9-orateur de dos chaise                                                                          comme pour marquer le retour vers l’ombre

                                             YDIT , forçant la voix :

“42nd Street

42 ème rue. Times Square. Rien que de joyeux souvenirs de nuits tendres. Des personnages romanesques  traversent la place comme des ombres poudrées  de marquis  sortis indemnes des “Liaisons Dangereuses”.

Vous y êtes allé ?” demande une fraîche arrivée, ample robe à fleurs et T shirt où la poitrine plus que légère flatte la permanence de l’existence.

Pas vous?”, s’amuse à jouer Ydit.10-Times_Square-42nd_Street_Entrance.JPG by Harrison LEONG

Elle, d’une  savoureuse voix ondulée par l’accent :

“Times Square–42nd Street/Port Authority Bus Terminal is a New York City Subway station complex located under Times Square and the Port Authority Bus Terminal, at the intersection of 42nd StreetSeventh and Eighth Avenues, and Broadway in Midtown Manhattan. It is the busiest station complex in the system, serving 66,359,208 passengers in 2015.[3]The complex allows free transfers between the IRT 42nd Street Shuttle, the BMT Broadway Line, the IRT Broadway–Seventh Avenue Line and the IRT Flushing Line, with a long transfer to the IND Eighth Avenue Line one block west at 42nd Street–Port Authority Bus Terminal. The complex is served by …”:

Elle reprend son souffle, sourit, tourne sur elle-même en une sorte de révérence arrondie, sans référence. Les autres, ça y est, la considèrent comme la comparse d’YDIT, comme le baron du marquis. Pour sa part, l’orateur ne refuserait pas un tel partage. Du soleil joue dans l’eau froide de ses yeux pers.

                         On attend la suite, en espérant que ça va devenir plus rigolo. 11-deux festivalières de dos N et B                       Deux auditrices vont déguster ailleurs. Assez oublié comme ça !

Le vent est tombé depuis  le sud, un peu de poussière flotte encore faute de l’avoir compris. Maintenant, sept ou huit spectateurs écoutent YDIT :

« 42 ans de ce travail, et 65 ans de vie : c’est le jour des mises en demeure. Vous savez comment on nomme les mariages de cet age ? »

« Attendez, j’ai su. Diamant ? Ebonite ? »

Ydit : « Noces de nacre. » Il déplie une page de magazine :

« Votre amour est comme une perle précieuse trouvée au fond de l’océan ? En ce quarante-deuxième anniversaire de mariage, rappelez-le avec ces créations à base de nacre !

La nacre, avec ses reflets chatoyants, est symbole de longévité. Et après 42 ans de mariage, cette signification ne peut définitivement pas être démentie ! Sous forme de boutons, bijoux ou perles, la nacre orne tous vos accessoires pour leur donner un air précieux en ce quarante-deuxième anniversaire de  mariage. »(Marie-Claire Idées)

« Vous n’avez pas les images du magazine ?» demande la jeune souriante, qui tressaute en écoutant, et veut encore participer au jeu, pendant qu’il est temps. « Les images c’est mieux pour comprendre »

Le public, résigné : Ces deux là , ils sont gentils, mais le festival c’est quand même pour sourire de la vie, non ? Elle, sans doute un prof d’Anglais ? On irait bien à la buvette, avec tout ça, pour faire une petite pause, non?12- salut devant l'affiche

 

Bien entendu,   la petite pause entre  deux  tours,   de piste.

A suivre, donc d’ici peu  :

Séquence   Publique d’Omission n° 42-2 …

ou  : “42 fois 1 égale 65”

Partie 2/2, à venir.


Didier Jouault    pour      Yditblog

 

 

 

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