Yidit-blog N° 65 , Séquence Publique d’Oubli(e)s : Comme si la vraie vie avait été vraie pour de vrai.

S.P.O. n° 65 pour Yditblog : Ydit raconte que Christiane voulait s’asseoir sur les devants des américaines comme si la vraie vie avait été vraie pour de vrai.

Pour ce qui précède : https://yditblog.wordpress.com

On s’y arrange doucement  comme chacun peut avec les «OUBLIeS».

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     « Si je crois la suite du programme », dit la Russe (qui est en peine forme sous les étoiles) , « il y aura encore des femmes pour qui vous poserez des mots et des OUBLIeS, en prenant un beau rôle? »

Des OUBLIeS comme des balles dans la nuque au fond de la Lubianka?

    Ainsi commencé, le dialogue risque l’une de ces impasses du récit pour lesquelles on préfère les historiens aux romanciers.

     Des enfants du coin, en vacances, passent la tête et se mêlent de tout.

« Bon, toujours », insiste la Russe, « je dis que les rapports sur le passé me donnent les mots de ce qui va venir. Dans vos SPO prévues, je vois des images de filles mal cachées par les dentelles roses et noires de vos souvenirs en pièces détachées. »vitre des oubliesj fille en pierre d'oubli MPT 17

« C’est comment, déjà, la dentelle » ? s’inquiète un jeune garçon peu renseigné par la cour de récréation. Une fillette lui apprend.

     Ydit s’interroge : Comment la Russe peut-elle savoir ce qu’il entreprend d’oublier?

Dentelle : les deux enfants sont de retour, la fillette joue à glisser le nez entre les découpes, on dirait une lumière d’été passant par les volets de la ferme un soir de juin.

La Russe : « C’est parce qu’il y a des fuites, vos données c’est pas donné, mais si ça se trouve on les trouve, et ça vaut pas cher,  sur le marché des renseignés. Vous faites l’OUBLIeS de TYNE, donc, aujourd’hui ? »

YDIT : « Dans l’hôpital YDIT donnait des leçons d’expression aux employés. Cela se passait dans l’autre siècle. On l’avait envoyé là peut-être parce qu’il avait lu « Histoire de la folie » pendant l’hiver,  ou « Voyage au bout de la nuit« .

Les patients déchaînés arpentaient sans dessein le dessin d’allées trop droites, entre des arbres pour l’ombre, et la pierre pour la nuit. Beaucoup restaient libres et de bonnes mœurs.

     Ce fut dans le bureau de la Formation Continue : trois ou quatre évoquaient les drolatiques avancées du temps, les nouvelles modalités du tendre, confondues à la gymnastique suédoise. Un infirmière à cheveux très courts, serrant un gobelet, disait en riant, » Avec Georges, Georges c’est mon copain, on a essayé vraiment tout de qu’on peut faire à deux ». Elle proposait une liste.

     En ce temps là on croyait que les mots devaient renoncer à la réserve pour mieux décrire les mensonges de la réalité. Elle semblait d’ailleurs assez fière, rougissant un peu tout de même en soulignant d’un geste le « vraiment« . Puis avalait le jet de  café tiède.

     Ydit raconte qu’il avait alors quitté le bureau. Dehors, il avait aperçu un homme se baisser, lentement ramasser un mégot entre les herbes des pavés. Il examinait le creux de sa main, dépiautait le filtre avec un soin gourmand, le portait à sa bouche tel un bonbon croqué.

   Chritiane retenait le geste :  » Ne le touche pas, ne dis rien, n’émeut pas sa douleur, ce patient est en train réellement de développer un bonbon » .

     La Russe sourit : « La présence palpable d’un autre plan de la réalité, c’est toujours l’irruption d’une panique : où est passée la Raison de qui a raison? Voilà pourquoi on a besoin de rapports. »94VILLEJUIFVUE-GENERALE-DE-LASILE

     Pour figer le mouvement, Christiane avait posé la main sur le bras nu. Elle avait ensuite dit qu‘ »elle voulait justement lui parler, accepterait-il de prendre aussi le groupe du jeudi soir? »

     Ensuite, on avait déjeuné à la cantine de l’hôpital. Puis le pique-nique. On aurait dû se méfier.

A la cantine, t’as mangé de quoi demande la fillette, installée par terre, dentelle en poche. « Ils ont du taboulé à la menthe, chez les fous ? » Soupçonneux ou rêveurs, d’autre enfants se sont approchés. – « C’est quoi ton étiquette ?- C’est qui la Russe? – Pourquoi tu parles tout seul? »

     YDIT : « Plus tard, bientôt, cela avait été le dimanche après-midi qu’elle venait le visiter. »

     Elle riait de se vouloir maitresse de soi, slogan d’époque. qui je veux quand je veux    Elle mélangeait ses saveurs de l’existence aux douceurs de vivre qu’Ydit servait avec le thé. Elle apportait une madeleine, une brioche, mettait la main d’Ydit sur son ventre :  » Tu vois bien que j’ai un peu de brioche », écrasait aussi le mégot dans le fond de la tasse. Une histoire venait de s’achever avec un chef de clinique un peu dément- « mais ils le sont tous un peu là-bas, comme tu as vu ».

     Enfermée sous les draps tirés, elle ne désirait pas exposer le trop de sa nudité, sauf pour aller saisir des polaroïds dans son sac :  le dimanche, les filles du service portaient sans le savoir le masque de l’affranchie, et cela faisait comme un maquillage de fête grossièrement sauvé d’une nuit de solitude.

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     Souvent, c’était l’hiver, à l’heure où la lumière veille encore, mais se disperse en fragments de défaite sur l’obscur. Drap refermé sur la mutité du corps, thé froid. Alors, plusieurs fois, voix trouble et basse, Christiane évoquait son père, défenseur de l’ordre public, détenteur du droit et du bâton, qui sentait le viril en flacon, la pèlerine en sourdine.

     Ydit n’osait que le silence. Chritiane retirait ses genoux vers le menton, disait qu’elle avait froid, n’avouait aucun détail. Le récit lent contournait les plus durs des faits, les plus crus des actes, et leurs effets. Les entrecoupures de la voix rythmaient les silences posés dans la douleur de ne pas savoir oublier.

-Son père la frappait?

Ou quoi que ce fût d’autre qui avait déchiré en elle le tissu toujours fragile de la confiance, et avait fait de tout homme, Ydit même, le coupable secret d’une souffrance cachée, au lendemain de nuits tristes à n’en pas dormir.

Vous avez prévenu la police, même si son père c’était ça ? Vous avez dénoncé ?

     Ydit raconte que Christiane voulait s’asseoir sur les capots des américaines comme si la vraie vie c’était quelque chose de vrai pour de vrai, puis n’en plus parler.

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     Elle décrivait, abritée par les draps chiffonnés, puis se levait pour rentrer, attentive à ne pas trop dévoiler. Entretemps, Ydit insouciait sa vie, Christiane veillait ses insomnies, et croquait les cigarettes.

« -Ce sera les congés, ma coloc est prof,  je veux que tu viennes chez moi, on sera tranquilles ». Le pavillon de banlieue et de meulière, un petit jardin de printemps : Ydit était arrivé en retard. Vite tout lui avait échappé.

Les enfants n’ont pas cessé de tourner. La fillette revient : -« A ta cantine, ils ont des carottes, aussi ? »

     Dans le pavillon, trop de froid, mais Chritiane s’engageait à son tour dans l’exploration des possibles. Amoureux des formes et des tiédeurs, dans les allées fertiles de la chair, Ydit flattait d’un doigt distrait les avenirs contenus dans les grains de souvenirs que le plaisir abandonne aux coins de la peau. Elle parlait.

     Dehors, la nuit survenait en douceur.    spo dessert long   Christiane avait allumé une lampe de plafond, s’était levée sans les précautions de pudeur qu’elle déployait d’habitude entre le couché du plaisir et le début du partir.

     Eclairée sur son corps et cependant plus ombreuse que jamais, elle revenait avec un verre de whisky.

-« Voila, avait-elle dit, c’est le dernier pour la route. »

     La Russe frétille. On devine que l’idée même d’un dernier verre avant l’exécution d’une mémoire  réveille en elle le souffle des barbares. Elle demande : » Vous avez été viré aussi sec ? Quitté ? Jeté ? Largué ? »ac29f755a

     Ydit s’était habillé de gestes incertains de leurs sens. Christiane avait choisi de rester nue, allongée d’une façon qui portait l’affirmation la plus forte de la fin : désormais on pouvait s’exposer sans  risque.

-Tu vas retrouver le chemin…Ils s’embrassaient avec une apparence de tendresse désolée…Elle l'embrasse comme on signe un chèque de vente

     La Russe se demande si  tout cela n’est un peu trop théâtral ?

     Quand il est au milieu du jardin, Christiane se pose derrière la fenêtre, un voisin verrait son corps, elle n’y prendrait garde, et dit, riant au fond de la voix :

      » YDIT, t’es bien mignon,

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mais tu caresses sans écouter, tu pénètres sans profondeur, tu seras toujours rien d’autre qu’un poor lonesome cowboy »…

Alors, Ydit avait quitté le jardin, fermé la  grille, poussé le chat du voisin, dans l’exaltation douce-amère des ultimes fois, qui remplaçait le rire fatigué mais clair des premières fois, et c’est ainsi que venait au jour le beau bonheur d’oublier.

-Et des éclairs, t’en as encore? demande la gamine.


Didier  JOUAULT    pour     YDITBLOG     SPO 65

 

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