Pour le tout début d’année, quand on quitte ( non sans peine) Radda in Chianti, la version 3 est en place- en format numérique, envoi en pièce jointe fait par précaution, enregistrement sur clé : ceinture et bretelles, et ficelle.
Ensuite, début janvier, sur la table dite bureau (car que faire en un gîte sinon que l’on ne bure), on aperçoit des cartons, comme d’un déménagement intérieur. « Qu’est ce que c’est tout ce bazar? » demanderait Germaine, qui- en parfaite SNCF Women- déteste ce qui sort du rail autant que tout ce qui, au désordre structurel, ajouterait des patatras ponctuels- surtout que sur cet adjectif ‘ponctuel’ elle objective beaucoup.
C’est, Madame, l’état présent- et un peu déprimé- des étapes non pas du Tour de France, mais de cet ( intime) tour de force : en venir à bout, sans même savoir si on tient le bon bout.
Sur le sujet du bon bout, sinon du bon goût, notre V3 dit Voltaire collerait volontiers l’un de ces bons mots (aussi nommés parfois saillies dans les sous -préfectures rurales) par lesquels, deux siècles et demi plus tard, il permet toujours de passer sans peine d’un Dictionnaire à une Encyclopédie, bonne mesure de la démesure. La russe Vassiliki- dont il convient ici de saluer un retour jusque là évité, le prend de court (à défaut de le pendre de même, lui, V3, sale faux aristo esclavagiste véritable), affirmant que Voici là dans ces cartons et versions de quoi nourrir dix à douze thésards pendant cinq ans, pourvu que les Organes s’en mêlent.
C’est préoccupant d’avoir tant été préoccupé de ces barbouillis, non ?..
Est-ce bien raisonnable, tout ce temps à se frotter tout seul à juste soi-même?
Par avance, on en fait don à la science, pour les travaux d’anatomo-pathologie d’externes glorifiant l’expérience sur le presque-à-peine-à-peu-près-mort : l’écriveur au lendemain de la dernière page de la version définitive.
« Un petit creux dans la nuit »,
titre de roman ou auto-portrait?..
Les pluri-manuscrits d’un récit à venir forment un peu comme le ressource SDF d’une morgue avare qui se serait trompée dans ses commandes en ligne. Mais il faut attendre pour les « retours ».
–« Hasardeuse image, non? » soupire Marina (donc, tiens, les revoilà tous, les personnages d’YDIT-BLOG, bouquet final dans le pot aux roses du récit achevé?), même pas certain que mon Richard d’auteur aurait osé la noirceur à ce point ? Il aurait parlé Grand Tante dans le paysage de Corrèze ou jeunette sous la couette, « Parmi les ombres ».
Toute littérature flotte sur un océan de pure immatérialité, comme une gaufrette où lire l’avenir (« bientôt des surprises! »), dans le désert. Ici, (en dépit d’une tendance hélas tenace à documenter le fictif avec les traces du réel) on ne fournit donc pas la facture assez dodue tendue par la patronne non pas cette fois de l’auberge du canaletto, mais la pétillante propriétaire de chez « Print-Speed », zone industrielle des Clairions à Auxerre -déguisée en ‘parc d’activités’,
tendance » vintage » à côté du plan d’eau, on ne risque pas de se tromper


-47 boutiques dont un hypermarché, beaucoup d’hectares pour un parc très paysager, et le parking devant « Print-Speed » indique : exclusivement réservé à notre seule clientèle. Il faudrait l’humeur badine de Marina pour s’amuser de la seule clientèle qui serait clientèle seule, et « Print-Speed » devenu Speed-Spritz.

Vous avez vu large (mais pas conçu si lourd) ( –Quoi que, s’insinuerait Germaine) :
quinze exemplaires de toutes ces 278 pages, couverture carton 150g bleu, reliure plastique transparente spiralée, 1420 grammes l’un, 1640 grammes avec l’emboitage plastique blanc (un authentique luxe), pour finir en broyeuse ou en fumée.
« C’est tout de même moins cher, note V3, que le prix du café au Procope si on pense aux retombées. »
Dans la nuit, la dame de Print-Speed, qui habite Appoigny, a -t-elle plongé la main dans « Le Jardin de Giorgio Bassani « ? Tenté de parcourir un récit comme on décharge une palette de ramettes, dépêche Paulette !
Déposant après en avoir dîné, l’ultime exemplaire tapuscrit sur l’étagère (espace de prédilection des projets de littérature)?
Ouvrit-elle son volume sur un passage obscur du désir, une figure austère (presqu’Auster?) du récit? Le rêve de l’auteur est que Madame Print-Speed ait clandestiné un exemplaire afin de le lire. Mais non, c’est trop de ramettes sans facture.
Elle désigne les cartons comme une sœur supérieure vous remet la paquet de charpie où gigote un enfant illégitime : « C’est bien à vous, ça? ». Comme un gendarme vous restitue le Permis d’inhumer (sinon d’inhaler, surtout ces temps), signé par le médecin de famille, pour le Grand Oncle à Héritage. Ici l’Yonne, c’est un département pauvre, souligne son geste, et tout cet argent peut-être sale pour des mots pas très propres…

Photo de Andrea Piacquadio sur Pexels.com
Reprenez vos tropes et vos hussards, vos synecdoques sine die, vos chiasmes chaloupés, vos hiatus hiératiques, on en a trop vu de ces shorts à pédales, de vos Hébreux dans les jardins qu’il soient de Finzi Bassani ou de Contini Giorgio, Vous voulez la TVA sur la facture ? Elle n’ose pas ressembler à un carabinieri faisant circuler, hop, allez, va, va , tire toi, ‘no photo’, delete, delete . Elle prononce juste le définitif : « C’est épais ».
Chez Print-Speed, on a du vocabulaire, sinon la tête large.
Un honnête sexagénaire habillé moité Chasseur Français, moitié pharmacien de garde, accompagné de son épouse d’ici, m’observe dans une muette agressivité mal brimée, quand je le croise en sortant, frôlant sa pile de bulletins municipaux : » Saint Simon au Perche, la route d’un Pays ». « Je vais chercher ma fille à la salle de sport » s’excuse-t-il en vain.
M’étant arrêté sur le chemin du retour, bottes et casquette quittées, je ressemble à un Parisien : on les connaît, ça dépense pour rien, mais ça sert à rien pour tout.
Les cartons de tapuscrits s’entassent le long des cartons de bourgogne pinot noir, coteaux d’Auxerrois, un petit vin découvert à la « Brasserie de l’Horloge », distribué contre une carte bleue chez « Vin pas vain », biodynamique producteur local, label Entreprise Environnementale, écrire n’empêche pas de choisir (« Quoique », aurait dit V3-Voltaire), je rapporte un petit souvenir de mes courtes escapades, pinard et polar.
Allez, pour trois cartons de six, je vous mets un joli Rully en cadeau.
Didier Jouault pour Ydit-bis , retro calendrier de l’Avant – 16 Soumettre FERRARE (1/4) La Dame de Print-Speed à suivre : Soumettre Ferrare (2), il ne faut pas se tromper de sonnette

